Les récentes déclarations de Serge Schweitzer suscitent quelques remous, en ce moment même, à l’ICES (Institut catholique d’études supérieures de La Roche sur Yon). Mais d’abord de qui s’agit-il ? Serge Schweitzer est un brillant économiste qui a fondé et longtemps dirigé la filière « analyse économique » à l’ICES. J’ai eu l’occasion de le rencontrer deux ou trois fois dans la salle des professeurs de l’établissement et il m’a semblé plutôt drôle et sympathique. Ce n’est donc pas sa personne qui est en cause. Mais il est clair qu’il s’éloigne assez nettement de la doctrine sociale de l’Eglise, puisqu’il est libertarien. J’ai, pour ma part, souvent pensé que les libertariens, comme Murray Rothbard ou Ayn Rand, offraient une pensée stimulante, pouvaient être de talentueux alliés contre le socialo-communisme, mais se trouvaient, à certains égards, aussi utopistes que leurs adversaires collectivistes – car je persiste à ne pas comprendre comment l’on pourrait fonder une société sur le culte de l’individu-roi. Sans bien commun et sans autorité, point de société. Je ne parviens pas à sortir de là.
Cette parenthèse étant fermée, revenons aux déclarations de Serge Schweitzer. Dans un portrait publié le 25 mars dernier sur le site de l’institution, l’économiste déclare :
À l’ICES, ces maladies [le gigantisme, la bureaucratie, la politisation, l’électoralisme, la tyrannie du politiquement correct, l’absence de stimulant] sont moins développées ! Ce n’est pas mon goût prononcé pour ce qui est iconoclaste qui me fait cependant vous dire ce qui suit : l’ICES aurait intérêt à intensifier la concurrence des opinions. Notre cher ICES est l’objet de convoitise idéologique pour certains qui voudraient transformer l’institution en une machine à fabriquer des militants. Or, depuis le premier jour, l’une des richesses de l’ICES a été sa diversité intellectuelle. Il ne faut pas que l’idéologie et la politique prennent en otage cette maison. Les événements récents aux lourdes conséquences ont opéré un rappel salutaire : les jeunes qui nous sont confiés par les familles ne sont pas des terrains d’expérimentation pour idéologues.
Ces phrases semblent passablement sibyllines. Mais le sens le plus obvie est le suivant. Les « événements récents » sont, selon toute vraisemblance, la fameuse « affaire » du stand LGBT qui avait été chahuté par quelques étudiants, suite à quoi une large partie de la caste jacassante – souvent très gaucho-laïciste en Vendée, où les dignes héritiers de Robespierre croient toujours deviner l’hydre réactionnaire devant le moindre manque d’enthousiasme pour les dingueries post-modernes – a surjoué « les heures les plus sombres », le « retour de la haine » et Dieu sait quoi encore. Si c’est bien le cas (et je ne connais pas d’interprétation concurrente), les idéologues visés sont les personnes qui refusent le diktat du lobby homosexualiste.
Que le Pr Schweitzer souhaite, pour sa part, le triomphe dudit lobby le regarde et j’avoue volontiers que je m’en moque comme d’une guigne. Le problème, c’est que l’ICES est un établissement catholique et que, ses étudiants, ses professeurs et ses dirigeants acceptent donc la doctrine et la morale catholique – auxquelles s’oppose frontalement le lobby.
En réalité, tout se passe comme si la potacherie des étudiants – aussi maladroite que l’on voudra, là n’est pas, là n’est plus la question – était utilisée pour « normaliser » l’ICES, c’est-à-dire pour la décatholiciser, ou la « laïciser » au sens que ce mot avait à la fin du XIXe siècle.
En d’autres termes, ce que signifient ces mots de Serge Schweitzer, c’est qu’il considère la doctrine de l’Eglise comme une idéologie, devant laquelle il faudrait « intensifier la concurrence des opinions ». C’est-à-dire qu’il réclame tout bonnement que, dans un établissement catholique, le catholicisme soit une opinion parmi d’autres – et d’ailleurs plutôt moins défendable que d’autres, puisqu’il serait une idéologie qui mènerait même, à l’en croire, à des « expérimentations » sur les étudiants. Au passage, il faut tout ignorer de l’université médiévale pour voir le catholicisme comme une « idéologie » : jamais l’université ne fut aussi intégralement catholique et jamais non plus le débat intellectuel ne fut plus animé qu’en notre glorieux XIIIe siècle.
En tout cas, cette « normalisation » s’accompagne d’un flicage en règle des étudiants : comme souvent les plus libertaires s’accommodent facilement des mesures les plus liberticides. Je ne dis évidemment pas que Serge Schweitzer est responsable de l’installation – juridiquement pour le moins discutable (comme le révèle le site Nouvelles de France) – de caméras de vidéosurveillance à l’ICES, mais il est évident que cette surveillance permanente va notamment servir à « intensifier la concurrence des opinions » – je veux dire à faire taire les étudiants et les professeurs soupçonnés d’être un peu trop réservés sur le merveilleux monde post-moderne.
Ne croyez pas que mon interprétation relève de la pure élucubration. Il existe au moins un indice fort pour la corroborer. Serge Schweitzer a été le mentor d’un certain Loïc Floury, qui lui a succédé à la tête du département d’économie de l’ICES. Or, ce dernier est un militant du prétendu « mariage pour tous » – en faveur duquel il publia au moins un article sur le site Contrepoints (article aujourd’hui effacé, mais dont on peut comprendre l’argumentation dans la réponse qui y fut donnée sur le même site). Encore une fois, grand bien lui fasse ! Je ne suis pas son confesseur et il peut bien penser que le contrat de mariage est analogue à un contrat de vente si cela lui chante – mon Dieu, dans quel monde atroce vivent ces malheureux qui prétendent refonder la société sur d’autres bases que celles de la nature et de l’histoire !
Mais c’est notre liberté de catholiques de professer dans une institution catholique la doctrine traditionnelle sur le mariage. Or, nos confrères de « Politique magazine » rapportent que, selon Loïc Floury, la simple fidélité sur ce sujet au Catéchisme de l’Eglise catholique de la part d’un étudiant de l’ICES relèverait du conseil de discipline !
Encore et toujours cette troublante association entre choix libertaires et mesures liberticides.
Personne n’est obligé d’étudier ou d’enseigner à l’ICES, mais personne non plus ne peut exiger des catholiques qu’ils renoncent au Catéchisme de l’Eglise catholique – ni même, pour reprendre l’idée de la « concurrence des opinions », qu’ils placent le Catéchisme sur le même étal du marché aux opinions que la charia ou le Capital de Karl Marx. A fortiori dans un établissement catholique !
Guillaume de Thieulloy
AFumey
Dans un registre similaire, Benoit XVI rappelait il y a peu que ses propres ouvrages de théologie étaient censurés dans plusieurs séminaires allemands à une certaine époque, et valaient exclusion des candidats au sacerdoce pour ceux qui se faisaient prendre à les consulter ou diffuser – il était alors préfet de la Congrégation de la doctrine de la foi.
Le danger actuel le plus pressant n’est pas un virus ou les turpitudes inavouables de libertaires refoulés, mais bien la contamination de l’Eglise Catholique (“les fumées de satan…”)
Car si l’Eglise était ferme dans la foi et claire dans sa doctrine, le monde aurait un cap, qu’il pourrait choisir de suivre ou pas, mais la route serait éclairée.
On peut craindre que nombre de prélats ou théologiens précèdent dans l’abime bien des serviteurs conscients du chaos, qui pourtant assument la responsabilité formelle de dizaines de millions de meurtres (avortements), les attaques inédites contre la famille, la pureté des enfants, et toutes leurs conséquences…
Lorsqu’on lit le témoignage de Gloria Polo on ne voit pas quel salut ils pourraient trouver sans une totale conversion.
DUPORT
La précédente affaire, avec exclusion des étudiants, à largement montré que cette institution n’a de catholique que le nom !
Thibault Doidy de Kerguelen
Excellent article qui décrit parfaitement le relativisme qui sévit au sein même de l’Eglise.
Nos prélats, le premier d’entre eux en tête, ne cessent ils pas de répéter que plusieurs chemins peuvent mener à Dieu? Que les religions et les opinions se valent dès lors qu’elles se donnent pour ambition “l’élévation de l’Homme”? Sauf que la dite élévation se doit d’être déterminée pour être identifiée et que cela nécessite donc d’avoir un dogme de référence! Sinon, on peut facilement croire ou laisser les fidèles croire que le “progressisme”, par exemple, élève l’Homme (.e.s :-) )
Notre avenir, l’avenir de notre Eglise, j’en suis chaque jour convaincu, passe par ceux qui restent fermes sur leurs convictions, fidèles à l’enseignement millénaire de l’Eglise. Des petits groupes, comme on en voit fleurir un petit peu partout, des engagés qui demain reconstruiront l’Eglise, soit en la prenant par l’intérieur car les relativistes seront morts ou l’auront définitivement quittée soit en le reconstruisant de rien, comme nos prédécesseurs l’ont fait.