La Croix consacre un article au chemin de la Consolation au sanctuaire de la Sainte Baume où sainte Marie Madeleine a passé les trente dernières années de sa vie.
"Installé à Pâques 2015 pour les parents ayant vécu un avortement ou une fausse couche, inauguré en décembre, ce chemin « porte déjà beaucoup de fruit », assure Paule Palau, l’une des chevilles ouvrières du projet. À l’origine de cet itinéraire, Sabine et Jean-Marc Poujade, anciens responsables de l’association Mère de Miséricorde, qui s’occupe des personnes concernées par l’IVG. L’idée remonte aux années 1980, lorsque Jean-Paul II s’était rendu dans un jizo, un de ces mémoriaux pour les enfants non-nés au Japon.
Constatant l’absence de lieu équivalent en France, Sabine en discute avec son mari, aujourd’hui décédé. « Nous avons tous les deux senti la nécessité d’un endroit de la mémoire, du repos, d’une façon tout à fait incarnée. » C’est le dominicain David Macaire, qui était jusqu’en avril 2015 recteur du sanctuaire de la Sainte-Baume, avant d’être nommé archevêque de Martinique, qui donne son feu vert.
Il aura fallu quatre ans pour mettre en place le projet : trouver un lieu, une modalité, obtenir les autorisations. Pour Paule Palau, ce n’est pas un hasard si ce chemin s’est concrétisé là où vécut Marie Madeleine, « pécheresse pardonnée mais surtout grande apôtre de la miséricorde ». La grotte est un lieu « hautement symbolique », souligne-t-elle encore, « qui évoque les entrailles maternelles ».
Pour donner une existence à l’enfant qu’ils n’ont pas eu, puisqu’ils ont eu recours à un avortement il y a quelques mois, Anaïs et Nicola, 29 et 32 ans, ont eux aussi voulu faire graver une plaque. Cette décision est le fruit d’un processus douloureux qui, là encore, a débuté sur le chemin de la Sainte-Baume. Traversant une période difficile, ils décident de monter à la grotte, peut-être pour parler à un prêtre. Dans l’abri du pèlerin, non loin de l’entrée de l’église, ils trouvent un prospectus de Mère de Miséricorde. « C’est ce dont nous avions besoin, explique Anaïs. Nous étions détruits, je n’arrêtais pas de pleurer », se souvient Nicola, qui a alors encouragé son amie à téléphoner. Quelques semaines plus tard, après plusieurs entretiens, ils participaient à une session Stabat, à Lourdes, organisée par l’association.
Prières, enseignements et accompagnement personnalisé se succèdent. Les repas sont pris en silence. Les retraitants ne sont jamais laissés seuls. « On ne vous demande rien, on ne vous juge pas », souligne Anaïs, touchée par la« bienveillance » dont elle s’est sentie entourée.
« Les participants se libèrent d’un fardeau de honte, de culpabilité, de malheur », témoigne le dominicain Marie-Olivier, du couvent de la Sainte-Baume, qui prend part régulièrement à ces sessions. Au terme des cinq jours, les participants sont invités à déposer un lumignon au pied de l’autel : une façon« d’accoucher » de l’enfant perdu et de lui donner une existence.
Bernadette, aujourd’hui à la retraite après une carrière de diplomate bien remplie, est également passée par une session Stabat. « Le but est de nous aider à ouvrir la porte derrière laquelle se trouve la miséricorde, pour prendre un nouveau départ. »« J’avais tout juste 20 ans quand je suis tombée enceinte de celui qui allait devenir mon mari, se remémore-t-elle, nous avons décidé qu’il n’était pas possible de le garder. »
Les années ont passé, cet acte est resté son grand secret. « Comme beaucoup de personnes dans cette situation, j’allais bien, car on développe des techniques de survie, mais c’est une bombe à retardement, affirme aujourd’hui cette femme dynamique. Un jour, au détour d’une rue, d’un visage, on se prend tout dans la figure. »
Elle, la femme forte qui a vécu dans plusieurs pays en guerre, reconnaît enfin la profondeur de ses blessures, et décide « de laisser Dieu y entrer, pour (la)remettre debout ». « Je suis une ressuscitée », clame-t-elle aujourd’hui, sans nier que l’évocation de ce passé reste une souffrance. « Tu es devenu mon enfant de lumière », écrira-t-elle au bébé perdu plus de quarante ans auparavant.
« L’avortement est si fortement inscrit dans la chair d’une femme que la confession ne suffit pas à dépasser un tel événement », souligne Nadine, qui affirme n’avoir rien ressenti, ni tristesse ni culpabilité, pendant de nombreuses années. « Pas même après avoir reçu le sacrement de réconciliation, ajoute-t-elle. J’ai vécu les bienfaits de la libération lorsque j’ai eu la certitude profonde, par la dimension concrète du chemin de la Consolation, que mon enfant était auprès de Dieu. » […]"