Du père Danziec dans Valeurs Actuelles :
Un président ne devrait pas dire ça… Le livre événement des journalistes d’investigation Gérard Davet et Fabrice Lhomme, publié le 12 octobre 2016, avait fait l’effet lors de sa sortie d’une petite bombe médiatique. Les confidences de François Hollande sur son quinquennat grouillaient d’anecdotes incisives sur l’appareil du pouvoir et les ministres qui l’entourèrent durant les cinq années de son mandat. Huit ans plus tard, un François peut en cacher un autre. Ne mâchant pas ses mots lors de son voyage apostolique à Bruxelles, le pape argentin vient de qualifier la législation dépénalisant l’avortement de « meurtrière ». Aurait-il dû s’exprimer ainsi ? Au regard des réactions enflammées, l’observateur candide serait tenté de répondre par la négative.
Haro sur le pape !
La RTBF évoquera sur ses plateaux son « grand malaise » et pointera le « décalage » du pontife avec la société. A la chambre des députés, le premier ministre belge Alexander De Croo fulminera : « Qu’un chef d’Etat tienne ce type de propos sur des lois de notre pays est totalement inacceptable. » avant de convoquer le nonce pour un entretien a priori salé.
Du côté du personnel ecclésiastique belge, la gêne était de mise. Invité à s’exprimer dans les médias, l’évêque de Tournai, Mgr Harpigny, n’hésite pas à prendre ses distances avec les propos du pape en estimant qu’il y était allé « un peu fort ». Et de préciser, comme pour mieux s’en démarquer, que « les évêques de Belgique n’ont jamais demandé la béatification du Roi Baudoin ». Roi des Belges de 1951 jusqu’à sa mort en 1993, fervent chrétien, Baudouin avait abdiqué de son trône quelques jours pour ne pas avoir à signer la loi dépénalisant l’avortement. Pour l’évêque de Tournai, le pape « n’a pas à faire des remarques sur ce qui se passe en Belgique au niveau du Parlement ». L’évêque de Namur, Mgr Warin, sans autre forme de nuance, invita le pape à « accepter notre société comme elle est » et « à tenir compte du contexte du pays dans lequel on se trouve ». Quelle pitié que de telles réactions ! Que n’auraient dit ces évêques s’ils avaient vécu dans l’Allemagne hitlérienne où le nazisme est arrivé aux commandes du pays par la voie démocratique…
Sur un autre registre, dans La Croix L’Hebdo le chroniqueur Jean-Pierre Denis revenait sur la polémique suite aux paroles de François à l’université catholique de Louvain. Quels sont les graves propos du Saint-Père ? D’avoir dit tout simplement que « la femme est fille, sœur, mère », qu’elle est « accueil fécond, soin, dévouement vital » et pire encore que « c’est moche quand la femme veut faire l’homme ». Pour Jean-Pierre Denis, cette prise de parole lui paraît trop nonchalante : « Ces clichés ne sont pas de nature à répondre aux questions fondamentales des nouvelles générations ». De fait, alors même que le pape n’avait pas quitté le campus, l’Université publiait un communiqué au vitriol parlant de « divergence majeure », pointant du doigt notamment une analyse papale « déterministe et réductrice » du rôle de la femme dans la société et l’Eglise.
De tous ces cris d’orfraies, réserves ou circonspections, on mesure le fossé profond qui se creuse entre une pastorale de l’enfouissement aux fruits inexistants – le nouveau rapport au monde de l’Eglise à la suite de Vatican II ne cesse de virer à un cocufiage première catégorie depuis plus de 60 ans – et une pastorale de la proclamation en butte à la contradiction dès la première vérité de bon sens affirmée… Déjà en 1905, Chesterton nous avait prévenus : « La grande marche de la destruction mentale va continuer. Tout sera nié. (…) Des incendies seront allumés pour témoigner que deux et deux font quatre. Des épées seront tirées pour prouver que les feuilles sont vertes en été. » A force d’asthénie et de crainte servile, les catholiques ont oublié qu’il est consubstantiel à leur état de baptisés de parler à temps mais surtout à contretemps, d’être signes de contradiction dans un monde hostile et rebelle à l’Evangile.
La postmodernité, dont le wokisme est le dernier avatar, en cherchant à faire des femmes un “homme comme un autre” revient non seulement à nier leurs différences de nature, mais, plus dramatiquement, à se dresser contre elles. Si la guerre des sexes consiste à établir une parité forcée dans de (trop) nombreux corps de métier, l’écueil principal de la condition féminine se situe dans la négation, ou la mise sous le boisseau, de ce qui lui est anthropologiquement propre : la maternité. Cet apanage incontestable, le professeur Jérôme Lejeune l’évoquait avec la sagesse du scientifique et la lumière de l’homme de foi : « Les femmes ont toujours su qu’il y avait une sorte de contrée souterraine, une sorte d’abri voûté avec une lueur rougeâtre et un bruit rythmé dans lequel de tout petits humains menaient une vie étrange et merveilleuse ». Une normalienne se trouvant à la maternité se sentira toujours plus proche d’une caissière enceinte que d’un collègue de l’ENS.
Affirmer vaille que vaille la vocation de la femme
La grandeur de la femme, n’en déplaise aux féministes les plus radicales, ne se mesure pas à ses droits mais aux privilèges de son cœur. Un cœur que la gent féminine possède large, et souvent généreux. Sentinelles de l’Invisible. Protectrices d’un trésor. Veilleuses qui se tiennent debout. Qui couvent et qui protègent. Qui transmettent aussi. Le bon sens populaire – auquel il est toujours précieux de se référer lorsque les repères deviennent flous – ne parle-t-il pas de « sensibilité féminine » ou « d’intuition maternelle » ? Cette dynamique de tendresse et de justice à la fois, ce mélange de capacité contemplative et de disponibilité à se tourner vers les autres, dit beaucoup de l’identité féminine.
A cet égard, la vision chrétienne de la femme lui garantit d’être considérée à sa juste valeur. Le progressisme souhaite faire de la femme l’égale de l’homme, le féminisme s’évertue à en faire sa rivale. Le christianisme se limite, de son côté, à chanter la complémentarité des sexes. Celle où s’exercent les vertus de renoncement et d’oubli de soi, les joies du dépassement et de l’émerveillement, les plaisirs de la transmission et des échanges.
Oui, le défi présent de la condition de la femme ne réside pas tant dans la défense exacerbée de ses droits que dans l’affirmation apaisée de sa vocation. Une vocation à l’amour, à la douceur et au service. La femme adoucit l’homme et le pousse à se transcender. En ce sens, Aragon avait bien raison, elle est « l’avenir de l’homme ».