Valeurs actuelles interroge Robert Ménard et Nicolas Poincaré sur le conformisme des médias. Extraits des réponses du premier:
"Croyez-vous vraiment que les choses ont changé parce que le chef de l’État nomme les patrons de l’audiovisuel public ? Cela se verrait ou s’entendrait ! Les rédactions ne sont pas “aux ordres” des politiques, le problème est ailleurs. Le problème, c’est que les journalistes pensent tous – ou presque tous – la même chose sur les mêmes sujets ! Je ne parle pas de leurs opinions politiques, mais de leurs avis sur des sujets très quotidiens. […] C’est ce conformisme qui fait peser sur les journalistes ce soupçon de dépendance.
Qu’est-ce qui, selon vous, explique ce conformisme ?
Les journalistes viennent des mêmes écoles, ils ont les mêmes lectures – c’est-à-dire qu’ils lisent leurs confrères. Le 20 heures, ou le journal à la radio, c’est un mélange du Monde et du Parisien. Les gens ont l’impression d’entendre toujours la même musique. […]
Dans le concert que vous décrivez, Robert Ménard, il y a en effet des voix discordantes : Élisabeth Lévy, Éric Zemmour, Éric Brunet, Ivan Rioufol, vous-même…
Cinq journalistes sur 35 000, c’est peu pour conclure que la presse est submergée par un raz-de-marée réactionnaire ! Je veux bien reconnaître qu’il faudrait dire que “la majorité” des journalistes – surtout des éditorialistes – pensent la même chose. Donc, pas “tous” les journalistes… mais je le maintiens : la crise de la presse, ce n’est pas “la faute au pouvoir politique”, qui nous dicterait ce qu’il faut écrire. Ce n’est pas “la faute aux puissances d’argent” (la pub), qui nous imposeraient de “faire de l’audience”. La crise de la presse, c’est la faute au conformisme. Donc, c’est notre faute, à nous journalistes. J’aime ce métier, j’ai défendu la liberté d’expression avec Reporters sans frontières pendant plus de vingt ans, j’ai de la sympathie pour les journalistes. Je dis juste que nous devons être curieux des gens. Régis Debray a dit que « penser, c’est penser contre soi ». […]Beaucoup de journalistes – les jeunes surtout – ont des idées tout à fait sympathiques, mais ils sont persuadés d’incarner le bien. Ce sont souvent les plus intransigeants."