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France : Société

Le Conseil d’Etat valide la “clause Molière”

En mars dernier, Bernard Cazeneuve critiquait la clause Molière, mesure qui vise à imposer le français sur les chantiers.

Cette clause a été créée en mai 2016 par l’adjoint au maire d’Angoulême Vincent You (ancien vice-président du FRS, l'ancêtre du PCD, et chef de cabinet de Christine Boutin au ministère du Logement). L’objectif était de s’assurer que les travailleurs puissent communiquer entre eux afin de renforcer la sécurité sur le chantier. Il s’agit par ailleurs d’éviter le recours aux travailleurs étrangers pour lesquels les entreprises peuvent payer des charges jusqu’à 30% moins chères qu’en France. 5 régions ont déjà adopté cette clause de préférence nationale sans le nom.

Imposer le français sur les chantiers publics pour compliquer l’emploi de travailleurs détachés inquiète Bruxelles, où les législateurs tentent de s’accorder sur un encadrement renforcé du détachement des travailleurs. La député européenne Élisabeth Morin-Chartier LR explique :

« J’ai alerté, y compris dans mon propre parti, sur le fait que cette clause contrevenait aux libertés fondatrices de l’UE, car elle rompt l’égalité entre citoyens de l’UE ». « Cette clause entérine une discrimination des travailleurs sous couvert de sécurité ».

Le président du Medef, Pierre Gattaz, s’étaitopposé à cette clause, car cela coûte plus cher aux entreprises d'embaucher des Français :

« Vous commencez comme ça, et puis après vous commencez à faire du favoritisme, et puis ensuite vous fermez les frontières françaises, et puis vous finissez par sortir de l’euro ».

Aujourd'hui, le Conseil d'Etat valide cette clause. La procédure fait suite à la passation d’un marché public de travaux pour un lycée à Laval. Les documents du marché imposaient aux entreprises qui entendaient se porter candidates de prévoir le recours à un interprète pour exposer les droits sociaux dont disposent les travailleurs et les règles de sécurité qu'ils doivent respecter sur le chantier. Estimant que les « clauses d’interprétariat » prévues par la région constituaient une entrave à la libre concurrence, le préfet de région a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes d’annuler la procédure de passation. Le juge a rejeté cette demande. Le ministre de l’intérieur s’est pourvu en cassation. Par la décision de ce jour, le Conseil d’État rejette le pourvoi en cassation du ministre de l’intérieur.

Le Conseil d’État indique :

  • D’une part, les articles du code du travail qui transposent la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement des travailleurs effectués dans le cadre d’une prestation de service, imposent aux employeurs détachant temporairement des salariés sur le territoire national de leur appliquer l’essentiel du droit du travail français, notamment en matière de santé et de sécurité au travail et de protection sociale.
  • D’autre part, l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics interdit aux personnes publiques qui, comme la région Pays de la Loire, passent des marchés publics, de prévoir des clauses relatives aux modalités d’exécution du marché qui présenteraient pas un lien suffisant avec l’objet de ce marché. En outre, du point de vue de la libre prestation de service et de la libre circulation des travailleurs garanties par le droit de l’Union européenne, de telles clauses doivent, pour être admises, poursuivre un objectif d’intérêt général et être proportionnées à cet objectif.

Le Conseil d’État relève que ces clauses doivent être appliquées sans occasionner de coûts excessifs au titulaire du marché. Il estime ensuite que l’une et l’autre présentent un lien suffisant avec le marché. Enfin, il juge que tant la clause relative à une information sur les droits sociaux des personnes embauchées sur le chantier, qui doit porter sur les droits essentiels, que celle relative à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs poursuivent un objectif d’intérêt général et qu’elles permettent d’atteindre cet objectif sans aller au-delà de ce qui est nécessaire. Il rejette en conséquence le pourvoi du ministre de l’intérieur.

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7 commentaires

  1. Quand je vois la simplicité du monde actuel, je me dis que ça ressemble furieusement à Babel… ou Babylone.

  2. Pierre Gattaz ?
    Si on ignorait pour qui il roulait maintenant c’est clair.
    Faudrait un grand grand…. Heu comment ils appelait ça ? Ah oui un grand mur des c@ns

  3. Quelqu’un aurait-il ouvert une fenêtre au palais-Royal, permettant ainsi un vent de fraîcheur et de bon sens sur l’esprit de ces messieurs du Conseil d’Etat ?
    Quand à la réaction de M. Gattaz, elle est celle d’un privilégié de la vie qui ne cherche qu’à obtenir encore et toujours des facilités financières, sans souci aucun des conséquences sociales et humaines…
    Pour beaucoup de patrons, de grands patrons hélas, la France et sa civilisation ne signifient pas grand’chose, et l’argent, beaucoup…

  4. La meconnaissance de la langue est de nature à entrainer des accidents graves; dans le milieu aeronautique où l’anglais est la langue obligatoire, une erreur de comprehension a entrainé un accident lorsque le pilote a tourné à droite au lieu d’aller à gauche “turn right now to the left”.

  5. Citations commentées :
    « J’ai alerté, y compris dans mon propre parti, sur le fait que cette clause contrevenait aux libertés fondatrices de l’UE, car elle rompt l’égalité entre citoyens de l’UE ». « Cette clause entérine une discrimination des travailleurs sous couvert de sécurité ». (Une député européenne)
    NON, il n’y a pas de “ciyoyens de l’UE” car l’UE n’est pas un pays !
    ———————-
    « Vous commencez comme ça, et puis après vous commencez à faire du favoritisme, et puis ensuite vous fermez les frontières françaises, et puis vous finissez par sortir de l’euro ». (Pierre GATTAZ)
    oui… oui … OUI !

  6. Un minimum veut que les ouvriers sur un chantier connaisse la langue du pays, question de sécurité. Il n’est pas possible de transmettre des consignes, en arabe, anglais,gaélique,polonais, catalan, corse, finnois sous prétexte d’égalité. C’est ignorer la vie d’un chantier. Un chantier ne dispose pas de cabines de traducteurs comme au parlement européen. Donc vive le principe “Molière”.

  7. Attention, le titre de l’article est trompeur, parce que fondé sur une interprétation assez fantaisiste de l’arrêt du Conseil d’État !
    Ce que la juridiction administrative a validé, ce n’est pas la « clause Molière », qui imposerait le respect de la langue française sur les chantiers, mais tout autre chose : une clause d’interprétariat, par laquelle l’entreprise titulaire du marché public s’engage à avoir recours à un expert en droit social, improprement qualifié d’interprète, qui expliquera aux salariés étrangers les droits qu’ils tirent de la législation sociale française, « afin que la personne publique responsable puisse s’assurer que les personnels présents sur le chantier et ne maîtrisant pas suffisamment la langue française, quelle que soit leur nationalité, comprennent effectivement le socle minimal de normes sociales qui, en vertu notamment de l’article L. 1262-4 du code du travail (…) s’applique à leur situation » (CE, 4 décembre 2017, Ministre de l’Intérieur, req. n° 413366). Bref : toujours plus de social en vue… mais pas d’obligation de parler la langue française pour les travailleurs étrangers !
    Je précise que je n’approuve pas cette condamnation de la « clause Molière », mais c’est hélas l’état actuel du droit : si l’on veut changer les choses, la « clause Molière », telle qu’elle existe dans les documents de l’appel d’offres, n’apportera rien, parce qu’elle est contraire aux textes européens (ce que rappelle le Conseil d’État, en creux, dans son arrêt). Ce qu’il faut, donc, c’est modifier les textes, notamment européens, qui régissent la matière. Et nos politiques le savent très bien !

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