De l’abbé Danziec dans Valeurs Actuelles :
[…] Dans le discours d’Emmanuel Macron, il fut question d’union sacrée mais point d’Union européenne. Et pour cause ! L’Union européenne, qui n’hésite pas auprès de ses États membres à imposer ses vues en matière sociétale ou ses règles en matière du code du travail, a montré ces derniers jours toutes ses limites pour gérer d’une façon solidaire et concertée un défi sanitaire de premier ordre. Au-delà de la simple question de l’Union européenne, il semble que certains mots face au péril du coronavirus pèsent davantage pour fédérer un peuple. Ainsi l’expression fétiche des “valeurs de la République” n’a pas été une seule fois prononcée hier soir quand le mot “République” lui-même ne fut cité qu’une fois ; et encore, dans la formule incantatoire finale « Vive la République, vive la France ». En revanche, les mots “France” et “nation” ont été invoqués respectivement à neuf et huit reprises. Intéressant.
Ce matin, les éditoriaux relatent les grandes lignes du discours présidentiel et les mesures phares de la mobilisation générale réclamée par l’exécutif : fermeture des établissements scolaires de tout niveau, invitation au télé travail, soutien aux entreprises, limitation des déplacements au strict nécessaire, garantie d’un chômage partiel exceptionnel, incitation au confinement des plus de 70 ans. Le tout assaisonné par un « quoi qu’il en coûte » répété avec force. Il n’en reste pas moins que l’intervention d’Emmanuel Macron est caractéristique de ce fameux “en même temps” qui lui est si particulier. Car si les élèves sont appelés à rester à la maison, l’appel aux parents à se rendre aux urnes est maintenu…
Ce qui néanmoins pourrait apparaître sur le temps long le plus intéressant dans les paroles prononcées par le chef de l’État hier soir ne réside pas dans les solutions proposées pour faire face et bloc à la pandémie du Covid-19. Comme souvent dans un discours, un article ou une dissertation, c’est la fin et la chute qui tiennent lieu d’essentiel. Or, dans la conclusion du Président, on peut lire l’ébauche d’un examen de conscience ; un examen de conscience lourd de conséquences alors que l’épidémie n’en est qu’à ses débuts. Une première analyse du “pourquoi nous en sommes là” qui en dit certainement beaucoup sur ce qui nous attend. Ou nous menace. « Les prochaines semaines et les prochains mois nécessiteront des décisions de rupture », avertit Emmanuel Macron.
Des ruptures, vraiment ? Comme quoi, le Nouveau Monde n’était pas si différent de l’ancien alors. Et lorsque Macron s’interroge sur « le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour », si l’heure n’était pas grave, on pourrait en rire. N’est-ce pas justement ceux qui critiquent depuis longtemps les failles du mondialisme et du libéralisme à tout crin qui sont traités régulièrement d’oiseaux de mauvais augure et de méchants conservateurs ? La nature même de la philosophie progressiste se propose d’aller dans le sens de l’histoire, et qu’importe si cette dernière va contre la paix des âmes dans la dénaturation de la famille, l’identité des peuples dans l’irrespect de sa propre culture et la concorde civile à travers la non intégration revendiquée.
Depuis plusieurs semaines, on nous rabâche que les frontières n’arrêtent pas les virus. Certes, mais tousser dans son coude non plus. Cependant contrôler ses frontières comme maîtriser l’orientation de sa toux peut en diminuer les effets. Et tout le paradoxe macronien se manifeste en ces frontières extérieures si moquées qui sont déjà remplacées en certains endroits par des frontières intérieures liées aux fameux clusters. Plus fondamentalement, « déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie à d’autres est une folie. Nous devons en reprendre le contrôle, construire plus encore que nous ne le faisons déjà une nation souveraine ». Ce n’est pas moi qui le dit, ni même Marine Le Pen, Matteo Salvini ou Victor Orban. Mais c’est le chef de l’État lui-même. Contre toute attente, le coronavirus peut s’avérer devenir un antidote contraint et radical contre la matrice progressiste qui sous-tend la conduite de la France depuis mai 68. Un antidote ? Mais qui risque d’être cher payé.