"[…] Et donc aujourd’hui encore Jeanne d’Arc pose un problème. Tout simplement parce qu’elle sort du cadre de ceux qui ne croient qu’au spirituel et du cadre de ceux qui ne croient qu’au temporel ; puisqu’elle est dans l’histoire de France le plus beau et sans doute le seul trait d’union entre le ciel et la terre, ; puisqu’elle est guidée par ses voix. Ceux qui ne croient plus aux voix de Jeanne d’Arc, – et ils sont évidement dans les élites plus que majoritaires – n’ont aucune raison de se déplacer à Londres pour aller racheter ce qui est une relique, ce qui n’est qu’un objet du passé pour ceux qui ne croient plus au patrimoine spirituel et culturel français. D’ailleurs il y a là un signe parce que c’est quelque chose de traumatisant que de savoir que l’acquéreur est le petit Puy du Fou, une association loi 1901 à but non lucratif, sans moyens puisque nous ne sommes pas adossés à une collectivité publique – et encore moins à l’État – et que nous n’avons pas la caisse des dépôts derrière nous comme tous les autres parcs de loisirs, et que nous n’avons pas non plus d’actionnaires derrière nous. Il a fallu trouver 350 000€ et donc nous nous sommes cotisés, et notre fondation, la fondation Puy du Fou Espérance, a mis un peu de moyens. C’est la première étape. On a gagné l’enchère. […]
Donc c’est assez étonnant de voir qu’en France on a parmi les élites, les historiens bourguignons, l’Université, les médias, et beaucoup d’autorités qui disent "non, non, ce n’est pas l’anneau de Jeanne d’Arc". Donc en France on doute, mais en Angleterre, ils veulent récupérer l’anneau de Jeanne. Et c’est d’ailleurs tout à fait intéressant de voir que, depuis dimanche, depuis que j’ai annoncé cela, il n’y a pas une autorité en France qui s’en est émue. Tout le monde s’en fout. Il faut que vos lecteurs sachent que nous ressentons au Puy du Fou une solitude terrible face à tous les assauts qui viennent de tous les cotés.
[…] D’une part l’Angleterre a su préserver un fil ténu avec son passé, avec son patrimoine. L’Angleterre est une île jalouse de son histoire et qui la protège avec amour. Elle y est d’autant plus sensible qu’elle est devenue un pays multiculturel qui aura à l’avenir les pires problèmes. Et nous, on les aime beaucoup, les Anglais, parce qu’ils nous ont demandé de faire un spectacle à Bishop Auckland avec un ami qui est Jonathan Ruffer, un francophile vraiment passionné ; et donc on connait l’Angleterre de l’intérieur et l’on est très frappés de voir que les jeunes Anglais, que les petits Anglais connaissent très bien Hastings, « la guerre des Deux Roses »… Ils connaissent tout ça par cœur, ils connaissent leur histoire. Et ils savent à quoi correspond l’anneau de Jeanne d’Arc. Ils connaissent la guerre de Cent ans.
Et en face, il y a la France, la France qui s’effondre sur elle-même. Elle est dans une sorte d’assoupissement mental pire que juin 40. Je parle là de la France officielle. Et en même temps il y a une soif remarquable d’histoire tout simplement parce que dans une société mondialisée, déracinée, désaffiliée, désinstituée, les gens meurent de soif. Un pays qui n’a plus de contours n’a plus de conteurs ; un peuple qui n’a plus de légende meurt de froid. C’est cette mort lente du pays qui appelle le sursaut.
[…] Soudain, il se passe une chose extraordinaire, c’est que depuis que l’anneau est revenu en France, au Puy du Fou, il y a un engouement phénoménal sur cet anneau, y compris des médias. Si certains médias le font pour dauber sur Jeanne et pour ironiser sur l’anneau, emportés par l’exaspération, la plupart des médias accueillent avec bonheur et avec une sorte de candeur poétique ce retour de l’anneau. Parce que ce retour de l’anneau, après 600 ans d’exil, c’est un petit bout de France qui revient, c’est un peu d’espoir, un peu de nos grandeurs déchues.
Je ne savais pas, en écrivant mon livre, que parmi les lucioles qui allaient sortir de la grande catacombe (pour reprendre une phrase de ma conclusion), il y aurait une première luciole qui serait l’anneau de Jeanne. Parce que cet anneau arrive à un moment où la France en a grand besoin. Si l’on croit que Jeanne n’a pas été que le plus grand génie allégorique que l’histoire de France ait jamais déposé dans la littérature française mais aussi ce trait d’union entre le ciel et la terre, alors aujourd’hui, elle peut agir pour la France, elle peut réveiller la France, elle peut notamment réveiller les jeunes générations.
Votre ouvrage à succès, Le moment est venu de dire ce que j’ai vu, s’achève par une exhortation à la dissidence et la contemplation de "lucioles" éclairant les ténèbres de notre époque. Quelles lucioles pouvons-nous allumer ? Quelles sont les clefs pour qu’émerge véritablement, aujourd’hui, cette génération résistante et dissidente ?
Je crois que le corps ne réagit que quand il est agressé, et il y actuellement une double agression morale et spirituelle.
La première agression, c’est le laïcisme. On nous explique en gros que pour éviter que nous ayons le muezzin demain, on va faire taire les cloches aujourd’hui. Par exemple, il y a une député socialiste, Sylviane Bulteau, qui a écrit au ministre de la Défense en disant « c’est scandaleux, il y avait au Puy du Fou des cyrards qui ont chanté un chant religieux ». Le chant religieux, c’était Heureux ceux qui sont morts de Charles Péguy. Il y a un journaliste du Nouvel Observateur qui s’appelle François Reynaert qui a dit « ils ont chanté Péguy ». Ce n’est pas laïc, ce n’est pas neutre, ce n’est pas tout ce que vous voulez… Voilà. Donc, au nom du laïcisme, on est en train d’éradiquer toute forme de signe chrétien. Il y a un moment donné où « le petit reste » comme on dit, va se révolter, ce n’est pas possible, et la nouvelle génération des prêtres d’ailleurs – des nouveaux prêtres comme dirait Michel de Saint-Pierre, mais ce n’est pas du tout ceux dont il a parlé – la génération des nouveaux prêtres n’acceptera pas ça longtemps. Donc on ne peut pas accepter le laïcisme en France. Pourquoi ? Parce qu’il faut accorder à la France la prééminence du christianisme sur toute autre religion, parce que la France est historiquement une terre chrétienne.
La deuxième agression, c’est l’islam. L’islamisation est galopante, les hommes politiques l’accompagnent. Lundi, Monsieur Valls a dit, face à la radicalisation, il faut, je cite, “un islam fort”. A chaque fois qu’il y a un attentat, on cherche « les islamophobes » pour les culpabiliser. Il y a un moment donné où les Français n’accepteront plus cela. Et donc l’islamisation de la France va provoquer un phénomène de résistance. On n’y est pas pour l’instant. Tout le monde se terre, tout le monde se tapit. On a peur parce qu’il y a une judiciarisation des pensées et des arrière-pensées, mais le temps va venir où le laïcisme d’un coté et l’islamisation de l’autre vont réveiller la France chrétienne. […]
Je vais vous dire ce que j’ai vécu : depuis 30 ans j’ai dit des choses, j’ai prévenu, et on s’est moqué de moi. Des braves gens, des bons chrétiens qui m’ont dit « oui mais, quand même, on a Giscard », « oui mais, quand même, Chirac », « oui mais, quand même, Sarkozy », et maintenant ils disent « Fillon ». Ils ne savent pas qui sont ces gens-là. Ils ont cru à Maastricht, ils ont cru au mondialisme, ils ont cru à l’européisme, bon. Et là ils croient encore, ils vont croire à Juppé.
[…] Vous savez, le déracinement déracine tout sauf le besoin d’enracinement. Parce que quand ça va trop loin, il y a un instinct, même pour les animaux il y a un instinct de survie et encore une fois, quand un corps social est agressé, à moins d’être complètement avachi, chloroformé, il réagit. S’il ne réagit plus, effectivement, c’est la mort. Or le corps social français n’est pas mort. Tant que les Français aimeront leur histoire. Vous vous rendez-compte qu’il y a deux millions de Français qui viennent au Puy du Fou chaque année ! Qui l’eût cru ? Qu’est ce qui les attire ? Il n’y a pas de manèges, pas de montagnes russes, on n’y vient pas pour se chatouiller les tripes, ce n’est pas la Disneycratie. René Monory, créateur du Futuroscope, m’avait dit un jour “toi, tu vas te planter avec l’histoire, l’histoire ça emmerde tout le monde, on ne l’enseigne même plus dans les écoles” et je lui avais dit “et toi, tu connais la phrase de Boris Vian ? La mode c’est ce qui démode, tu verras le futur ce que ça donnera”. Les OGM, Fukushima, … on y est. Le futur n’intéresse plus les gens parce que le futur fait peur. On voit bien ce qu’est le futur pour nous. Par contre le passé, le patrimoine, les grandeurs déchues que l’on voudrait retrouver, … C’est ça l’avenir : retrouver un peu de nos espérances pour qu’elles redeviennent nos espérances. Je pense que la France retrouvera son chemin le jour où elle retrouvera son âme. Comme l’Europe. Et le jour où il y a aura des héros et des saints, qui seront des martyrs, pour une nouvelle génération, où chacun saura forger l’anneau de sa mémoire."