"Nous, pasteurs, prêtres, évêques, petits bergers d’un peuple confié à nos cœurs de pères, serons-nous interpellés par les questions que nous pose paisiblement et non sans humour, cette nouvelle génération baptismale ?
Étrange : Vous ne cessez de pousser vos fidèles à s’engager résolument en politique, à être actifs dans la société, à s’immerger dans les combats du monde, à s’investir dans la construction d’un monde plus juste et fraternel, à se responsabiliser dans l’actualité [1].
Et voici des jeunes adultes par centaines de mille, prenant à bras le corps les conséquences d’un projet prométhéen de révolutionner l’humanité, allant jusqu’à se présenter aux élections secouant le monde politique. Et devant une réponse aussi massive à vos appels, vous n’en exulteriez pas de reconnaissance ?
Vous ne cessez de lancer des appels — parfois désespérés — aux jeunes, à leur créativité, générosité, dévouement. Et voilà des jeunes par milliers se donnant sans compter, se dévouant jour et nuit, ne calculant ni leur temps, ni leurs forces, ni leurs sous [2]. Et vous feriez la fine bouche ? « Ah ! mais ce n’est pas à ce genre de jeunes et d’actions que nous pensions. »
Vous ne cessez d’appeler à évangéliser tous azimuts, de crier l’Évangile par la parole et par l’action. Et voici la plus fantastique des évangélisations. L’Évangile de la vie, de l’amour, de la famille, et de leur indicible beauté, clamé à tout vent, répercuté dans les grands médias, posant la question à une multitude. Et vous vous posez toutes sortes de questions sur leurs motivations, leur financement, leurs intentions…
Vous ne cessez de nous pousser à sortir de nos chapelles et cocons douillets, pour partir vers les banlieues de l’Église. Et voici un gigantesque courant débordant de loin l’Église, mobilisant des gens qui ne mettent jamais les pieds dans une église et, à travers les mass-media, réveillant le simple bon sens humain d’une multitude de non-croyants. Et au lieu d’en exulter, vous semblez vous inquiéter de ces débordements incontrôlables.
Vous nous exhortez inlassablement à nous ouvrir aux pauvres, marginaux, faibles, vulnérables. Et voici tout un peuple qui a compris que les plus pauvres, faibles, vulnérables, sont les tout-petits à qui la vie est arrachée, les enfants qu’on déstabilise et scandalise en les a- ou dé-sexualisant. Et qui sont prêts à se battre pour les protéger, les sauver. Et vos cœurs paternels n’en seraient pas émus ?
Vous nous exhortez à nous insurger contre la violence, la torture, l’injustice, l’intolérance.
Et voilà tout un peuple qui se lève pour défendre l’enfant contre des adoptions dé-structurantes, des éducations sexuelles violant leur innocence, des théories falsifiant leur intelligence, des adultes abusant de leur confiance, brisant leur bon sens, torturant leur conscience. Et aussi, pour sauver tant de petits de la première des tortures, des injustices, exclusions et des violences : la pré-natale. Comment n’en bondissez-vous pas de fierté ?Vous ne cessez de nous ouvrir à l’œcuménisme, au dialogue interreligieux. Et voici des baptisés, orthodoxes, protestants, évangéliques, anglicans, et catholiques se serrant les coudes, en une formidable fraternité dans les mêmes comités, groupes, réseaux et jusque sur places et boulevards. Et de plus, des juifs, des musulmans, qui s’y joignent en nombre. Tous soudés pour une même et unique cause. Et vous semblez indifférents !
Vous nous incitez à respecter les sciences humaines, à nous en inspirer. Et voici nos psys, scientifiques, médecins, de tous bords, de tous pays qui s’érigent contre une opération de sabotage de l’humanité en tant que telle et qui courageusement se mouillent pour soutenir un même combat pour la Vie ! Comme vous devriez en être heureux !
Vous nous encouragez à nous investir dans le social. Mais nous vous posons la question : qu’y a-t-il de plus social que de préserver la société en tant que telle de la désespérance meurtrière, engendrée par les attaques incessantes contre la vie, minant de l’intérieur le sens même de l’existence ? A quoi cela sert-il de travailler à la promotion matérielle d’une société, si l’on y encourage le suicide jusqu’à l’assister, même pour les enfants ? A quoi cela rime-t-il d’œuvrer à la paix entre les peuples, si dans ces mêmes peuples, on laisse faire la première des guerres, celle des plus forts contre les plus sans-défense, les plus innocents qui soient ? Pourquoi supprimer la peine de mort et l’introduire dans nos hôpitaux et maisons de retraite ? Pourquoi donc se dévouer et pacifier une société, si tout est fait pour engendrer des psycho-pathologies sociales, une société d’une violence inouïe, parce qu’on aura détruit systématiquement depuis l’enfance, tous ses repères et balises ? Parce que les enfants qu’on pervertit aujourd’hui seront les dépravés de demain qui n’auront d’autres cris pour dire qu’ils existent, que la violence. Et vous n’en seriez pas débordants de reconnaissance au Seigneur ?
Vous nous suppliez de soutenir massivement l’Union européenne. Et voilà tout un peuple qui justement, veut sauver l’Europe de cette idéologie libertaire et liberticide qui est la destruction par déstructuration systématique des valeurs même qui l’ont fait exister. Qui veut lui rendre ces racines chrétiennes sans lesquelles elle n’existerait même pas. Qui veut lui insuffler un idéal, un souffle, sans lesquels, elle agonise. Surtout, qui veut rendre à cette vieille dame « fatiguée de vivre, qui semble donner congé à l’histoire » (Benoît XVI), tout simplement le sens de la vie à recevoir et à transmettre, qui veut la sauver de cet hiver démographique virant vite à l’enfer économique, à force de berceaux changés en tombeaux, faisant de l’Union Européenne un paquebot coulant sous la ligne de flottaison, à pic, pendant qu’on boit du champagne sur le pont. Voilà donc un peuple qui se lève précisément pour sauver la société de demain, c’est-à-dire nos futurs enfants et petits-enfants. Se lever ainsi pour défendre le plus petit et le plus faible, n’est-ce pas en vérité : l’humanitaire à son maximum, le social au top, l’évangélisation en sa fine pointe, la générosité n° 1 ? D’un mot : la charité à son sommet.
Mes si chers pasteurs, que voulez-vous donc ? Nous réalisons vos appels, vos désirs, vos rêves dans tous ces différents domaines. Magnifiquement. Généreusement. Mais, évidemment, de manière non attendue, non prévue, non programmée, non calculée. Donc déroutante, dérangeante, déstabilisante. (Mais notre Pape ne vient-il pas de demander aux fidèles de déranger leurs pasteurs ?) Mais franchement, que faut-il de plus pour vous faire danser avec nous, avec nous descendre dans la rue, rire et pleurer avec nous, être persécutés et triompher avec nous ?
Quand nous jouons de nos guitares, nous n’entendons pas — ou si peu — vos chants ! Quand nous sanglotons sur tant d’aberrations, nous ne voyons pas — ou si rarement — couler vos larmes ! Vos larmes de pères, de pasteurs, au moins de frères et d’amis. « Où sont vos larmes ? » demandait notre pape François à ses prêtres de Rome. Quand nous étions — innocents — molestés, en garde à vue ou en prison — et que le monde s’en alarmait, quand êtes-vous venus nous visiter, nous réconforter, simplement nous aimer, d’un mot, prendre la défense de ceux qui sont vos enfants, même un peu terribles et troublions. Mais n’est-ce pas le propre de cette jeunesse que vous dites aimer ? Où donc étiez-vous quand votre peuple battait le pavé pour simplement sauver l’Homme ? Nous vous attendions. Nous vous cherchions. Nous avions tant besoin de votre présence. Car votre présence, mais ça compte beaucoup pour nous ! Et quel réconfort quand certains se manifestaient, courageux bergers voulant « sentir l’odeur de leurs brebis » (Pape François)
Ne manquez pas le rendez-vous de notre génération [3]. Ne passez pas votre chemin sans nous voir.
Pasteurs si chers, cette souffrance des tout-petits de votre peuple, de leurs parents horrifiés, l’entendez-vous parmi tant d’autres cris et larmes, dont vous vous faites par ailleurs si bien l’écho ? Une parole forte, intransigeante, unanime de la part de l’épiscopat pourrait réconforter, encourager tous ceux qui luttent désespérément contre cette hydre tentaculaire et planétaire en train de noyauter les mondes de la politique et de l’éducation. D’autant plus que réagir sans tarder peut encore éviter le pire : l’extension annoncée à toute l’Éducation nationale pour septembre. Après, il sera trop tard. On se mordra les doigts, d’avoir été lâche, quand on pouvait encore crier.
Les différentes Conférences épiscopales se prononcent les unes après les autres. Pourquoi la nôtre serait-elle à la traîne, alors que les ravages sont déjà patents chez nous ?
Pourquoi auriez-vous moins de courage que tant de nos maires revendiquant l’objection de conscience par rapport au mariage gay, certains étant prêts même à la prison ? Quels exemples ! Silence rime-t-il avec connivences et timidité avec lâcheté ?
Entendrez-vous les appels qui vous sont de partout lancés ?Nicolas qui, du fond de sa prison lance à tous :
« […] Depuis ma cellule de Fleury-Mérogis, j’ai pu mesurer l’ampleur incroyable des réactions de soutien : des milliers de lettres, une chaîne ininterrompue de solidarité et de prières. Si c’était à refaire ? Je ne renierais rien de ce combat qui garde tout son sens. Plus que jamais, nous avons à affirmer qu’aucun enfant, né ou à naître, n’est destiné à devenir un bien de consommation. Quand un enfant grandit privé d’emblée d’un père ou d’une mère, faut-il juger anodin ce déni de ses origines ? Quand une future mère signe un contrat pour abandonner l’enfant qu’elle porte, faut-il se réjouir du succès de la transaction ? Quand plus de 600 enfants sont légalement tués dans le ventre de leur mère chaque jour en France, faut-il se féliciter de l’efficacité de nos hôpitaux ?Nous ne pouvons pas rester les bras croisés devant la violence de ces situations qui portent atteinte à la dignité humaine. Soyons créatifs, ayons l’audace d’inventer de nouveaux modes d’action. Ne soyons ni des indignés frileux ni des rentiers du ressentiment ! Osons aller à contre-courant. Dans une société égalitariste où chacun exige toujours davantage de droits sur mesure, il est urgent de réaffirmer la primauté du bien commun. Nous le devons aux générations futures. » Nicolas Bernard-Buss, Étudiant et prisonnier politique [4] »
Notes
[1] Innombrables documents. Encore le 3.10.11, la CEF : « Les catholiques n’entendent pas être des citoyens interdits de parole dans la société démocratique. En exprimant ce qu’ils pensent, ils ne vont pas à l’encontre de l’intelligence et de la liberté de jugement de ceux qui ne partagent pas leur foi ».
[2] Par exemple : pour la pétition des 700 000 au CESE, 3 semaines de travail non stop. Ou les Veilleurs « gaspillent » des heures précieuses même en période d’examens, parfois relayés par parents et grands-parents.
[3] « L’Église de France traîne une mauvaise conscience. Elle regrette d’avoir « perdu » la classe ouvrière au cours du XXe siècle… Mais aujourd’hui, elle pourrait bien avoir perdu sa propre jeunesse ! La cécité d’une partie des évêques à ne pas lire ce que leur vocabulaire appelle pourtant les « signes des temps » est accablante. Depuis des mois, en effet, des catholiques de base, jeunes ou vieux, essentiellement des familles, se sont mobilisés, par centaines de milliers face à des évolutions de société voulues par le pouvoir socialiste. Cependant, certains prélats, et non des moindres, font mine de ne pas voir ce mouvement… Une partie des évêques a certes compris et accompagné cette indignation massive en encourageant ouvertement la résistance, et en allant même manifester en personne. Mais une autre, dont l’actuelle direction de l’épiscopat français, est restée sur la réserve. En considérant que l’enjeu — la survie ou la disparition de la cellule familiale composée d’un homme et d’une femme et de ses enfants — ne valait pas ce dérangement. Certains évêques, plutôt bienveillants pour le gouvernement socialiste, ne voulaient pas gêner son action, considérant la question du mariage homosexuel comme un débat de société mineur. Seul problème : en composant avec le politiquement correct, ces évêques perdent leur crédit chez une partie des catholiques, surtout chez les jeunes, qui, loin d’être « réacs » sont devenus d’authentiques « rebelles ». Des insoumis « intérieurs » qui n’entrent dans aucune catégorie politique, encore moins celles de l’extrême droite. Mais qui comprennent mal pourquoi la hiérarchie catholique est si réticente à s’engager franchement sur les grands sujets de société. (…) La jeune génération des catholiques français a inventé de nouveaux moyens de mobilisation, aiguillonnée par un gouvernement qui a commis l’erreur d’enfiler des gants de boxe pour lutter contre un judoka : en clouant violemment au sol ces jeunes cathos, il a éveillé en eux une conscience citoyenne. » Jean-Marie Guennois, « Cathos et rebelles », in Figaro Magazine, 18.04.14.
[4] Agenda 2014, Éd. Terra Mare, p. 97 et suivantes