Docteur en droit public, avocat et philosophe, enseignant à l’Université de Strasbourg, Ghislain Benhessa vient de publier un essai sur Le Totem de l’Etat de droit. Concept flou, conséquences claires.
Cet “Etat de droit”, objet juridique non identifié, permet de justifier l’omnipotence de l’Etat… et de l’Union européenne. Ainsi, face aux décisions du tribunal constitutionnel polonais, « Bruxelles ne peut plus tergiverser pour défendre les valeurs de l’Union et l’Etat de droit » affirme le journal Le Monde dans un éditorial solennel. Il ne se passe plus une journée sans que responsables politiques, journalistes ou magistrats n’invoquent l’Etat de droit comme pierre angulaire de toute vie démocratique. Mais de quoi parle-t-on exactement ? Et pourquoi le soudain surgissement de cette notion, alors qu’on n’a jamais entendu le général de Gaulle, Georges Pompidou ou même Valéry Giscard d’Estaing lui accorder la moindre considération ?
Dans cette étude détaillée, appuyée sur les principaux arrêts et décisions des tribunaux nationaux et européens, Ghislain Benhessa retrace l’histoire juridique du concept d’Etat de droit et montre comment on est passé pour l’essentiel du « droit de l’Etat » à la prévalence du droit sur l’Etat. Une fois les mécanismes juridiques mis en lumière, le lecteur comprend pourquoi la France ne pourra pas affronter sérieusement les nombreux périls qui approchent (sécuritaires, industriels, géopolitiques ou culturels) dans une configuration où l’Etat est empêché par le Droit et où l’émancipation de l’individu a pris place, de fait, au sommet de la hiérarchie des normes.
L’auteur aborde longuement le problème de l’Union européenne : est-elle réformable de l’intérieur, dans le but de faire respecter les souverainetés nationales, ou faut-il en sortir comme l’ont fait les Anglais ?
Si tout le monde – ou presque – voit l’Europe rouler à contresens, un coup de volant suffirait à rétablir sa trajectoire pour l’embrancher sur l’autoroute du succès. Reste à fixer l’amplitude du virage. Or, et c’est tout l’enjeu, la malédiction européenne ne vient pas seulement de ses égarements ou de l’aveuglement coupable de ses élites. L’Union n’est pas à bout de souffle parce qu’elle s’est peu à peu fourvoyée, mais parce qu’elle est dénuée de fondations. A claironner que “L’Europe, c’est la paix”, refrain répété dans tous les programmes scolaires au risque de gavage, tous ont oublié que des hommes de guerre ont extirpé le continent du bourbier totalitaire pour lui permettre de se tenir sur ses pieds.