De l’abbé Danziec dans Valeurs Actuelles :
[…] Lorsqu’il prit la parole à la tribune qu’on lui avait proposée, Zemmour fit, en apparence, ce qu’il sait faire de mieux. Trente minutes d’analyse. Un exposé ciselé, articulé. Un argumentaire où se mêlait parfois un peu d’ironie. Souvent beaucoup d’alarmes. Et en ligne de fond, du drame. Sa conférence ne fut pas autre chose qu’une sorte de réquisitoire résolu et charpenté contre le progressisme en général, le féminisme et le « vivre ensemble » en particulier. Ses paroles étaient solennelles. Son ton, empreint de gravité. Bref, Zemmour fit du Zemmour. Son auditoire, comblé, ne regrettait pas d’être venu l’applaudir. Et la chose aurait dû s’arrêter là.
Mais alors ? Qu’a-t-il donc pu bien affirmer de nouveau pour que la vague médiatique en retour soit si violente ? Durant son intervention, qu’a-t-on appris de plus que ce qu’il n’avait déjà pu dire ou écrire ? Que peut-on trouver de sulfureux, de problématique, d’original dans ses attaques, ses inquiétudes, ses piques ou ses flèches, voire ses coups de tocsin en comparaison à ceux d’avant ?
Jusqu’ici, les commentaires de Zemmour sur l’actualité pouvaient déranger bien-sûr. Il arrivait même que sa lecture des faits suscite la gêne. Que certaines de ses observations provoquent le malaise. Cependant, la dernière « Affaire Zemmour » – puisqu’il convient de la nommer ainsi – se dévoile certainement plus subtile qu’elle n’y paraît. Il ne lui est pas reproché d’être ce poil à gratter, exaspérant pour certains. Ni même d’avoir usé de ce mordant laissant peu de places aux concessions ou aux nuances. A la Convention de la droite, Zemmour se situait sur un autre registre. Ni essayiste, ni dramaturge. Il fut simplement prêcheur. A sa façon. Sans soutane et sans barrette vissée sur la tête. Mais avec cette force de conviction qui manque, hélas, à beaucoup d’hommes de Dieu.
Le prêtre, chaque dimanche, s’attache en effet à exposer la vérité du Christ. Lors du sermon, il ne dresse pas seulement des constats sur le monde présent. Il développe des convictions pour mieux répondre aux défis qui s’y posent. Du haut de sa chaire, il n’égraine pas seulement un chapelet de plaintes, une kyrielle de lamentations ou tout simplement une liste de regrets sur l’état d’une vie sans Dieu. Il se doit d’offrir aussi à ses ouailles solutions et conseils afin que le Seigneur fasse davantage parti de leur quotidien. Dût-il les bousculer. Au risque de ne pas être suivi. Le Christ lui-même, durant ses courses apostoliques, ne s’est pas contenté de faire uniquement des miracles, de consoler les affligés ou de pleurer sur Jérusalem. Il s’est attaché à proposer un idéal de vie inédit. Et c’est l’affirmation de sa conviction la plus intime, et la plus profonde, qui le condamna sur la croix : « Je suis le Fils du Dieu vivant. »
Le courage de déplaire, l’audace de contrarier : c’est là, le signe des hommes de Foi. Ne pas abdiquer l’honneur d’être une cible, le symbole du panache. Sans doute chez Zemmour se trouve un mélange des deux. Samedi, il s’est révélé. Assurément tout le monde le savait, mais il a fait son coming out officiel d’homme résolument à droite. Et c’est cela, en fin de compte, qui n’est pas passé et, sans doute, le cœur de « l’affaire » se situe là : en répertoriant de façon claire et distincte ce qui lui apparaît nécessaire pour restaurer la façade France « puisque tout a été détruit », il s’est décidé à aller au-delà des analyses pour s’aventurer sur le chemin risqué de la politique, l’art du possible. Il a professé son credo, et détaillé les dogmes qui lui sont corolaires : s’affranchir de la religion des droits de l’homme, redonner le pouvoir au peuple, abolir les lois liberticides, rétablir la préférence nationale, assumer une conception identitaire de l’écologie avec la défense des racines et d’un certain art de vivre. De Bernanos à Drieu La Rochelle, plus que jamais l’auteur du Bûcher des vaniteux s’est voulu transgressif, percutant et engagé, tel un Savonarole instigateur du… « bûcher des vanités » lorsque Florence respirait la décadence.
Selon Georges Clemenceau, « le fait de n’avoir suscité aucune animosité dans sa vie prouve qu’on n’a rien fait ». Éric Zemmour a beau avoir fêté ses 61 ans récemment, depuis longtemps déjà sa vie est bien remplie.