Extrait de l’hommage du père de Blignières (FSVF) à Jean Madiran, dans L’Homme Nouveau, à l’occasion de la parution de la biographie rédigée par Yves Chiron :
[…] En lisant la biographie si bien documentée de Chiron, une autre qualité m’a frappé chez Madiran. Je l’appellerai le courage de la mesure. Madiran a parfois excédé dans le mode de ses controverses, jusqu’à manier la dérision. Mais en relisant ses analyses, on est impressionné par deux choses : leur justesse, et la conscience aiguë que Madiran avait de leur type de certitude. Sur la modernité comme sur la crise dans l’Église, il affirmait ce que le laïc philosophe et théologien de grande culture qu’il était pouvait affirmer en sécurité intellectuelle : cela et rien de plus. Dans l’esprit de l’Antiquité grecque qu’il affectionnait, il fuyait cette démesure dont il est si difficile de se garder en période de crise. Il a soutenu toutes les actions en faveur des pédagogies traditionnelles de la foi, du catéchisme à la liturgie. Il n’a pas hésité à se trouver sur ces points en opposition avec la hiérarchie. Mais Madiran a pris un soin scrupuleux pour rester au plus près de ce qu’il pouvait avancer. Par exemple, il a manifesté clairement les déficiences de la nouvelle messe, mais il ne l’a jamais qualifiée de « messe de Luther ». Il n’a jamais pris occasion de ses positions pour rompre sa communion avec les autres catholiques. Il en a au contraire toujours appelé au jugement du magistère, et il a recherché un franc dialogue avec les catholiques, journalistes ou théologiens du bord opposé. Je pense notamment à ses échanges avec le père Congar. Que l’on relise, pour se convaincre de son souci des nuances pour coller au réel, la formulation équilibrée (que l’on retrouvait chez l’abbé Berto et chez Louis Salleron) de ce qu’il affirmait sur le Concile, sur la réforme liturgique ou sur la responsabilité personnelle du souverain pontife. C’est ainsi que Madiran n’a pas pu approuver, en juin 1988, les sacres contre la volonté du Pontife romain faits par Mgr Lefebvre. Cela, selon son propre jugement, lui a coûté l’existence de sa revue, l’œuvre principale de sa vie. Son courage de la mesure était en l’occurrence ici le vrai sens de l’Église. […]