Dans France catholique, Gérard Leclerc met en relation, la récente nomination de Sarah Mullally, archevêque de Cantorbéry, c’est-à-dire primat d’Angleterre et chef spirituel de l’Église anglicane et la proclamation du cardinal John Henry Newman au titre de docteur de l’Église, le 1er novembre :
Le rapprochement s’impose d’autant plus qu’il s’agit du destin de l’anglicanisme, qui depuis la rupture opérée avec l’Église catholique romaine par le roi Henry VIII au XVIe siècle, n’a cessé d’osciller doctrinalement entre ses sources catholiques et l’attrait du protestantisme. Ce qui est certain, c’est que l’avènement d’une femme mariée à la tête de l’Église d’Angleterre signifie un éloignement décisif à l’égard du catholicisme ainsi que de l’orthodoxie.
Le témoignage du saint cardinal Newman apparaît si important à ce propos qu’il pose la question de fond, celle qui explique comment depuis plusieurs décennies l’anglicanisme a définitivement rompu avec la rectitude doctrinale dont il se prévalait dans le cadre de son insularité. Et de ce point de vue, c’est une grande désillusion. Car il y avait des motifs d’espérer dans le cadre du dialogue œcuménique, ainsi que le soulignait le Père Louis Bouyer. Ce n’est pas rien que Newman soit parti de cette tradition dans ce qu’elle avait de plus incontestable et que le mouvement d’Oxford avait repris pour l’amener au degré le plus conforme à la grande tradition chrétienne. C’est ce qui devait conduire l’auteur de L’Essai sur le développement du dogme à se convertir à la foi catholique. Non pas à la façon d’un désaveu de son passé et de son attachement à son héritage mais comme un approfondissement. Un approfondissement dans le sillage de ce développement.
Malheureusement, nous n’en sommes plus là. Nous ne sommes plus dans le climat du mouvement d’Oxford du XIXe siècle, qui signifiait un réel réveil spirituel. Nous n’en sommes même plus à l’heure ou l’ancien primat de l’anglicanisme, Michael Ramsey, poursuivait cet élan dans un effort théologique. Ce qui a prévalu, c’est ce que Maurice Clavel appelait un «ralliement au monde», du fait d’une volonté de se rapprocher de l’évolution de la société et de la transformation de ses mœurs. De là la transgression du caractère masculin du sacerdoce pour satisfaire aux revendications féministes, ainsi que la normalisation de l’homosexualité désormais admise jusque dans les rangs du clergé et de l’épiscopat. Et cela, en dépit de la résistance d’une partie importante de la confession anglicane, notamment en Afrique : le primat du Nigeria a même déclaré que cette élection était « une confirmation que le monde anglican ne peut plus reconnaître le leadership de l’Église d’Angleterre et de l’archevêque de Canterbury ».
Est-ce à dire qu’une telle «ouverture» marque une quelconque adhésion d’une population séduite par cet alignement de l’Église sur le monde? C’est plus que douteux. La déchristianisation de l’Angleterre n’a fait que s’accélérer avec un déclin de l’anglicanisme, qui apparaissait si fatal à un primat de Cantorbéry qu’il annonçait sa proche disparition. On doit signaler aussi l’adhésion à l’Église catholique d’un grand nombre de ministres anglicans, accueillis par Benoît XVI pour répondre à leur situation particulière. Enfin, il faut noter les réels progrès du catholicisme en Angleterre qui apparaît notamment dans la pratique religieuse. D’ores et déjà, le nombre de catholiques pratiquants dépasse le nombre d’anglicans pratiquants, alors que le nombre de baptisés anglicans est très supérieur au nombre de baptisés catholiques – 25 millions pour 4,2 millions. Des chiffres qui font réfléchir au même titre que des conversions qui atteignent jusqu’à la cour de Buckingham.