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France : Politique en France

Le devoir de mémoire n’est pas du sentimentalisme

Pour Nicolas Domenach (Marianne), l’initiative de Nicolas Sarkozy crée un malaise :

"Prendre un enfant de la Shoah par la main… […] L’intention peut paraître louable : on a tant insisté sur le devoir de mémoire […]. C’était le sens aussi de la lecture de lettre de Guy Môquet […]. Mais si cette lecture lacrymale avait provoqué débat, ce nouvel appel à la mémorisation enfantine devrait soulever encore plus de polémiques. D’abord, parce que le moment choisi pour cette initiative n’est pas idéal. Nous sommes en pleine campagne électorale […] Il y a là une confusion. Mais comme il y en a une autre et plus grave encore dans cette charge d’âme infligé aux enfants de nos jours. Peut-on prendre une tragédie par la main et, plus encore, la Shoah, si exceptionnelle, si insupportable ? Et tout cela en jouant du ressort émotif, si pernicieux.

«Rien n’est plus émouvant pour un enfant que l’histoire d’un enfant de son âge, qui avait les mêmes jeux, les mêmes joies et les mêmes espérances que lui». Voilà l’argument massue de Sarkozy. L’émotion, l’émotion comme moteur de la prise de conscience du passé. Est-ce qu’on fait de la bonne histoire avec de l’émotion à la louche, pour ne pas dire, à la bassine ? Certes non. L”émotion à grosses doses tue la réflexion. L’émotion appelle l’émotion et submerge la raison. Elle pousse à la passion dévastatrice. Jusqu’au rejet meurtrier. A force de vouloir imposer les morts aux vivants, on va susciter une répulsion, une bataille de morts, certains refuseront les enfants juifs qu’on aura voulu leur imposer par l’émotion. Ils y opposeront les enfants de leur famille, de leurs cousins de leur patrie d’origine. La spécificité même de la Shoah risque d’être balayée par ce recours systématique à l’émotionnel. La vie n’est pas un feuilleton hollywoodien où il faut faire pleurer pour convaincre ou instruire. Le devoir de mémoire n’est pas le sentimentalisme et il ne se confond pas avec l’Histoire. Que les programmes scolaires soient renforcés, très bien. Qu’ils traitent mieux de la Shoah, de son mécanisme, de sa logique tragique, parfait. Mais inutile de coller un fantôme comme un boulet derrière chacun."

Michel Janva

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