Mgr Jacques Suaudeau, docteur en
médecine et directeur scientifique de l’Académie pontificale pour la Vie, a
rédigé un petit ouvrage fort à propos sur L’objection de conscience ou le
devoir de désobéir. S’appuyant sur les Saintes Ecritures et l’Histoire de
l’Eglise, l’auteur écrit :
« Le
témoignage des Apôtres devant le Sanhédrin, et leur défense au nom de la loi
divine qui prime sur la loi humaine, fournissent la structure de l’objection de
conscience spécifique qui conduira certains au martyre. Elle s’articule sur les
points suivants :
- Les lois divines priment sur les lois humaines.
- Le croyant doit obéir aux lois humaines,
fondements de la cité, garantes de la solidarité et de la paix sociale, et aux
autorités qui ont été placées par la providence divine aux postes qu’elles
occupent (Rm 13, 1-7). Les martyrs ne mettent pas directement en question les
institutions impériales ; ils acceptent les décisions des tribunaux ;
ils ne se dérobent pas s’ils sont arrêtés ; ils ne désertent pas. - Ce n’est que lorsque la loi humaine
contredit formellement la loi divine que
le croyant peut se trouver dans la situation de désobéir. Ce revirement
possible implique l’autonomie de la religion, en tant qu’office de Dieu, par rapport à l’Etat et à l’office du législateur. Or cette autonomie des offices divins et de
l’Etat l’un par rapport à l’autre est une notion absolument étrangère à la
mentalité de l’antiquité païenne où le service de la Cité (pour les Grecs) ou
de la Res publica (pour les Romains)
sont un tout. […] - En choisissant d’obéir à Dieu plutôt qu’aux lois
des empereurs, les disciples du Christ, non seulement obéissent à leur
conscience en manifestant leur liberté d’enfants de Dieu (base religieuse et
personnelle de l’objection de conscience), mais encore transmettent la vérité
précise sur Dieu (ils enseignent le nom
de Jésus), devoir évangélique et impératif moral de proclamer la vérité
contre les errances du paganisme. Ils portent
témoignage (marturein) devant les
tribunaux, ce qui :
-
- Renforce la valeur de l’enseignement qu’ils ont
pu donner avant d’être arrêtés (on ne croit que les témoins) ; - Est un mode d’évangélisation actuel des païens
qui assistent au procès et se trouvent édifiés par l’attitude cohérente des
accusés ; - Conforte dans leur foi les autres chrétiens qui
auraient été décontenancés si les accusés avaient profité des offres
compatissantes des juges qui leur permettaient de sauver leur vie sans renier
formellement le Christ, en effectuant par exemple une pseudo offrande (et l’on
retrouve ici la responsabilité pour
autrui précédemment notée dans le martyr d’Eléazar, et qui est une
composante non négligeable de l’acte de désobéissance civile).
- Renforce la valeur de l’enseignement qu’ils ont
5. Ce témoignage est rendu possible par la force et
l’aide de l’Esprit Saint. […]
6. Le croyant ne peut se dérober à ce devoir de
conscience, justement parce que le don de l’Esprit Saint lui est fait lorsqu’il
comparaît devant ses juges, selon les promesses faite à ses disciples par le
Seigneur lui-même, de son vivant terrestre. »