Rappelez-vous, c’était le 18 février 2020 à Bourtzwiller, quartier de Mulhouse, qu’Emmanuel Macron s’est paraît-il attaqué au séparatisme islamiste. Un premier article a déjà présenté le discours et annoncé neuf impostures. Un deuxième article a présenté les deux premières (à propos de communautarisme et de stigmatisation). Voilà les trois suivantes.
Troisième imposture : tout ça, c’est la faute de la République
Comme pour une banale politique de la ville, E.Macron explique qu’en fait, c’est La République qui a failli. On trouve sur le site officiel de l’Elysée un petit enregistrement très caractéristique au moment du bain de foule du Président dans le quartier de Bourtzwiller. Il y dit :
« Quand la république ne tient pas ses promesses, d’autres essaient de la remplacer».
Quatrième imposture : E.Macron omet le PROJET d’islamisation de la France
E.Macron fait mine de croire que l’islam ne fait que remplir un vide créé par cette sorte de retrait de la République. C’est simplement nier l’existence d’un « Projet » de conquête, d’un objectif d’islamisation de la France.
Cet objectif est pourtant clairement exprimé ne serait-ce que par de nombreux auteurs. Il y avait en particulier eu en 2018 le livre de Jean-Frédéric Poisson L’islam à la conquête de l’Occident.
En 2019, il y a donc eu le livre de M.Sifaoui décrivant « une prise de pouvoir dans chaque pays musulman. Là où les musulmans seraient minoritaires, ils exigent de pouvoir vivre selon leur vision et leurs lois. C’est ce qu’ils recherchent en France » ; et celui de A. Del Valle et E. Razavi décrivant par le menu
« un projet global de conquête, par les islamistes, à commencer par les Frères et leurs concurrents salafistes, dont l’objectif final est la soumission de la planète aux lois de l’islamisme. Un « projet » qui va de la réislamisation des jeunes musulmans laïcs via un repli communautaire de type séparatiste (« désassimilation »), à l’entrisme dans les entreprises, les syndicats, l’éducation nationale, les milieux associatifs « anti-racistes » et les clubs de sport, en passant par l’occupation publique de l’espace sonore et visuel, ou encore par la stratégie de boycott économique de grandes marques sur les réseaux sociaux… Le projet de conquête frériste passe par la déconstruction de notre identité et la réduction à néant de notre pensée… » (p 506)
Cette stratégie, ce projet sont donc portés en particulier par les salafistes et les Frères musulmans. Un court extrait de l’audition le 29 janvier 2020 devant la commission d’enquête sénatoriale sur les Réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre de Mohamed Louizi, ex-Frère musulman et auteur de livres et d’un blog intéressant, donne une idée de l’organisation et de l’orientation de ces Frères musulmans :
« Je suis arrivé en France en novembre 1999. J’avais alors 21 ans et je venais poursuivre mes études. J’ai été approché par les Frères musulmans au Maroc dès l’âge de 13 ans… En 1996, la confrérie décide de proposer à quelques-uns – trois ou quatre sur une cinquantaine de personnes – de lui prêter allégeance. On prête allégeance comme dans une société secrète. Ce sont les Frères musulmans qui vous choisissent au terme d’un processus de cooptation. On est alors relié à une transcendance, à Dieu lui-même. Tous les droits et devoirs découlent de ce lien à Dieu. Parmi les piliers de l’allégeance, on compte l’obéissance, le djihad, l’effort. On exécute les ordres, sans chercher d’excuse ou de prétexte. En outre, cette allégeance a pour conséquence de ne plus se sentir lié à sa patrie, pour moi à la nation marocaine. On appartient à quelque chose qui la transcende : l’Oumma islamique.
J’ai prêté ma première allégeance aux Frères musulmans marocains en 1996. Je suis arrivé en France en 1999, et moins d’une semaine après mon arrivée, j’ai été approché par les Frères musulmans, à savoir l’UOIF.
J’ai prêté allégeance à l’UOIF l’année d’après, et y suis resté jusqu’en octobre 2006. J’ai quitté les Frères musulmans principalement en raison d’une rupture idéologique et du concept de non-violence. J’ai donc été étonné de découvrir en France la place qu’occupe le djihad armé dans les esprits ».
Alexandre Del Valle décrit cette islamisation progressive portée par les Frères musulmans. Dans leur doctrine,
« les musulmans doivent faire preuve de « patience » (saber) et adopter l’approche plus subtile de la da’wa, qui consiste à essayer de changer les « actes pervers » au moyen de mots, de l’écriture, dela prédication donc en « instruisant ». La da’wa est ici présentée non pas comme un instrument de dialogue, comme cela plait tant aux chrétiens œcuméniques ou aux multiculturalistes naïfs, mais de conquête, dans le cadre de la tactique « gradualiste » des Frères…. Les soldats de cette guerre non armée sont les musulmans vivant en Occident, devenue “terre de la prédication” (dar al-dawaà), appelés, d’une part, à ne pas s’intégrer et à former des communautés parallèles « immunisés contre le poison des valeurs et des mœurs occidentales », donc de véritables ghettos où ils doivent avoir «leurs propres communautés religieuses, éducatives et sociales». Ce processus passera par la création d’un environnement pro-islamique, l’acquisition de postes de responsabilité de haut niveau et l’accomplissement graduelle de l’islamisation du l’Occident
En d’autres termes, une pénétration lente et non armée de l’islamisme est condamnée à mettre fin à la liberté occidentale et à la remplacer par le régime du califat, objectif idéal final des Frères. La da’wa n’est qu’un outil secondaire, à utiliser lorsque la force n’est pas réalisable, puisque le jihad reste la meilleure lutte dans d’autres contextes. Certes “défensif », donc apparemment moins guerrier que celui des jihadistes purs et durs de Daech ou Al-Qaïda, ce jihad commence dès que les musulmans se sentent « opprimés » ou moqués.»
Dans son discours, E.Macron cite une seule fois ce mouvement :
« Il faut évidemment, comme je le disais, que nous ayons des imams qui soient formés en France, respectueux des lois de la République et une structuration, ce qu’on appelle l’imamat, parce que l’une des grandes difficultés que nous avons, c’est dans beaucoup de quartiers avec des prédicateurs qui n’ont aucune formation, qui ne viennent pas d’Algérie, du Maroc ou de la Turquie, qui sont parfois autoproclamés et qui, bien souvent d’ailleurs, au nom de dérive de l’islam souvent dans la mouvance salafiste ou frériste sont aussi aujourd’hui des gens qui prédiquent contre la République »
Cinquième imposture : en réalité, E.Macron ne combat pas les Frères musulmans
E.Macron confie au CFCM (Conseil français du culte musulman) le soin de faire des propositions :
« Le ministre de l’Intérieur a demandé la semaine dernière au Conseil français du culte musulman de prendre ses responsabilités et de formuler des propositions rapides et claires pour assurer l’exercice en France d’un islam dont toutes les pratiques doivent se conformer aux lois de la République. Cela fait maintenant plus de deux ans que nous avons ce dialogue avec le Conseil français du culte musulman…. nous pouvons, dans le dialogue avec le CFCM, demander à celui-ci de s’organiser, de former et de certifier celles et ceux qui prédiquent au nom de l’islam en France ».
Or, le CFCM est lié, sinon subordonné, aux Frères musulmans selon Yves Mamou dans Causeur :
« Le président de la République a choisi de confier les Français musulmans à un autre tuteur mensongèrement présenté comme authentiquement national…. Le Conseil français du culte musulman (CFCM), cette créature hybride inventée par Nicolas Sarkozy en 2003, est présenté comme LA solution franco-française pour incarner un islam de France débarrassé des influences étrangères. Or le CFCM, depuis les origines, est une structure sous contrôle des Frères Musulmans».
Et puis, les Frères musulmans sont ailleurs dans la République, selon Mohamed Louizi :
« Il est anormal que les Frères musulmans soient financés par l’argent public pour payer les salaires d’un certain nombre d’établissements privés dits musulmans. Or, dans les faits on est en présence d’une école privée d’idéologie islamiste. J’ai en tête au moins trois établissements scolaires : le lycée Averroès à Lille, le lycée Ibn Khaldoun à Marseille et le lycée Al Kindi à Lyon… On a demandé à un certain nombre de Frères musulmans de se détacher de la confrérie pour ne pas faire tâche d’huile. Je pense à Tareq Oubrou et Mohamed Bajrafil » (son audition au Sénat).
De plus, M.Sifaoui remarque à propos de l’origine des imams –et c’était dans son livre (en 2019, avant donc le discours macronien, mais on dirait qu’il y répond par avance) :
« les propositions énoncées –notamment s’agissant du manichéisme qui, en filigrane, laisse croire que le danger viendrait forcément des imams étrangers et que le salut de la République émanerait d’imams formés en France –montrent là aussi la faiblesse de la proposition. Car les enquêtes de terrain, depuis une vingtaine d’années, montrent autre chose. L’islam politique et le terrorisme islamiste ne sont plus des problèmes exogènes, mais bel et bien des phénomènes endogènes. L’islamisme est passé de menace extérieure à menace intérieure entre les années 1990 et 2000. Ce n’est plus l’imam formé au Maghreb, dans des instituts étatiques, qui pose un problème idéologique, mais celui qui a été abreuvé à l’école des Frères musulmans de Château-Chinon. Il y a plus de risque à croiser un imam extrémiste formé dans l’hexagone qu’un religieux dont la formation est assurée par le Maroc ou l’Algérie » (pp 373/374)