Dans un entretien au « Monde », Nicolas Lerner, directeur général de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) depuis 2018, déclare :
La menace terroriste a baissé en intensité par rapport à la période 2015-2018 sous l’effet de différents facteurs, notamment l’action de la coalition sur la zone irako-syrienne, la déstabilisation judiciaire des réseaux en France et en Europe et la lutte acharnée contre la propagande, et un renforcement des moyens humains et financiers des services de renseignement. Elle se maintient cependant à un niveau très élevé du fait de la résilience de l’Etat islamique en Syrie et en Irak et de la dynamique de croissance d’autres groupes, en Afrique et en Afghanistan, au travers de l’Etat islamique au Khorasan. Du fait de ces dynamiques, le djihadisme sunnite, qui est le seul qui ait tué en France ces dernières années, reste la principale menace terroriste à laquelle notre pays est confronté, et ce durablement.
Malgré ce propos, la presse se focalise sur ces déclarations concernant… l’ultra droite :
C'est marrant de voir la trajectoire d'une info, les infos qui disparaissent etc.. Observez l'interview initiale dans Le Monde et la manière dont les éléments "ultra-gauche" et "djihadistes" disparaissent suite à la réécriture par l'AFP et la reprise par les autres médias #dgsi pic.twitter.com/QJjhgylVXB
— Pierre Sautarel (@FrDesouche) July 9, 2023
Il ajoute :
Si leur capacité à envoyer chez nous des militants opérationnels reste limitée, les organisations terroristes en Syrie et, de plus en plus, en Afghanistan interagissent de nouveau avec des individus radicalisés résidant en Europe ou en Asie centrale et les invitent directement à passer à l’acte. Plusieurs menaces de cette nature ont été entravées ces derniers mois en Europe, par la DGSI en novembre à Strasbourg [arrêtés alors avec cinq autres personnes, deux jeunes radicalisés, un Russe et un Tadjik, ont été mis en examen et placés en détention provisoire en décembre 2022 à Strasbourg], mais aussi par nos partenaires en Suède ou aux Pays-Bas. C’est un phénomène que nous voyons croître depuis l’été dernier et sur lequel, en lien étroit avec la DGSE [direction générale de la sécurité extérieure], nous sommes particulièrement vigilants.
Au-delà de l’ultra droite évoquée également dans cet entretien, le patron de la DGSI souligne la violence croissante de l’extrême-gauche (au sujet de laquelle on attend la dissolution de LFI, du NPA, etc.) :
[…] L’ultragauche constitue en effet, d’abord et avant tout, une menace pour l’ordre public. Mais cette menace ne doit pas être minimisée. D’abord parce que certaines manifestations des derniers mois ont franchi un cap, et il n’est pas possible de se résoudre à ces déferlements de violence. Deuxièmement, plusieurs individus de la mouvance ont été mis en cause, fin 2020, dans une association de malfaiteurs en vue de commettre des infractions terroristes [sept prévenus, dont un ex-combattant anti-Daech au Rojava, seront jugés à l’automne pour « association de malfaiteurs terroriste » pour des projets d’attentats]. Troisièmement, les mouvances d’ultragauche, ces dernières années, se sont signalées par des actions clandestines particulièrement violentes, à travers notamment des campagnes incendiaires, comme celle qui a visé la caserne de Meylan [le 26 octobre 2017, un incendie vise plusieurs véhicules de gendarmerie d’une brigade située dans cette localité de l’Isère et se propage en partie au bâtiment d’habitation des familles de militaires. L’action est revendiquée par un groupuscule d’ultragauche].
D’autres actions clandestines de type saccage, destruction de biens me semblent aussi présenter une gravité très significative. Enfin, ce n’est pas parce que l’ultragauche n’est pas passée à l’acte terroriste ces dernières années que le risque n’existe pas. Nous sommes ainsi extrêmement préoccupés par la manière dont des groupuscules français sont influencés par des structures étrangères. En juin de cette année, un forum français d’ultragauche a par exemple salué l’action de militants grecs qui avaient placé un colis piégé devant le logement personnel d’un policier à Athènes. Aux yeux de ces militants, s’en prendre au système nécessite désormais de s’en prendre à ceux qui l’incarnent, pas seulement à ceux qui le dirigent.