Diplômé de Yale, Paul Gottfried a enseigné les Sciences politiques à l’Université d’Elisabethtown. Proche de Christopher Lasch et de Murray Rothbard, il est aujourd’hui un intellectuel conservateur influent aux États-Unis. Il vient de publier un essai sur le Fascisme, histoire d’un concept. Dans le pseudo-débat politique, traiter son adversaire de « fasciste » est devenu une sorte de réflexe défensif, un mantra destiné à sidérer, diaboliser, assommer l’adversaire en l’assimilant à un sympathisant des thèses nazies.
Paul Gottfried montre dans son ouvrage à quel point ceux qui emploient ce terme n’ont rien compris au fascisme et étalent surtout leur ignorance. En convoquant tous les grands analystes du fascisme, depuis l’après-guerre jusqu’à nos jours, il retrace les errements dans l’emploi du concept et s’efforce d’en donner une définition rigoureuse. Il pose longuement la question concernant le positionnement du fascisme à la droite ou à la gauche du spectre politique.
Le nouveau modèle fasciste se répandit finalement dans des pays qui se réclamaient pourtant du communisme. L’opposition au pluralisme, les appels à la solidarité nationale et le culte du chef trouvèrent un écho au sein des élites communistes. Elles se dégageaient progressivement de la vision de la révolution prolétarienne hérité du XIXe siècle.
Il explique en quoi le nazisme n’est pas le « fascisme générique » mais bien un cas « limite » et hybride, qui a emprunté au fascisme italien, au stalinisme mais surtout à la folie meurtrière d’Hitler. En gardant à l’esprit la construction politique et idéologique de Mussolini, il sépare ensuite méticuleusement le « fascisme générique » des différents mouvements et régimes de droite, autoritaires ou conservateurs. Enfin, il met en lumière l’importance centrale de la révolution sociale et de la violence rédemptrice au cœur du fascisme latin.
Il apparaît souvent, d’ailleurs à raison, comme une tentative maladroite pour forger une imitation contre-révolutionnaire de la gauche – c’est-à-dire comme quelque chose qui ressemblerait à la gauche révolutionnaire sans en partager l’ADN. […] Le fascisme tirait sa force de sa volonté de s’opposer à la gauche tout en en reprenant certains de ses codes. […] Ceci peut même expliquer pourquoi la gauche démocratique vit parfois en Mussolini un héros.
Evoquant le nazisme, l’auteur établit des rapprochements avec le communisme :
Nommer Hitler un “conservateur” et Staline un “gauchiste révolutionnaire” reviendrait à oublier un aspect central de ces deux personnalités et de leurs régimes, leurs inspirations croisées. Arendt fit preuve d’une diligence toute particulière pour décrire la manière dont les dirigeants totalitaires s’inspiraient mutuellement. Hitler reprit les politiques de terreur et de génocide du modèle soviétique. Après la Seconde Guerre mondiale, comme le montre Arendt, un Staline déjà triomphant soutint de manière officielle l’antisémitisme en Russie.Il en assura la diffusion dans l’ensemble du bloc soviétique. Il y voyait un instrument pour isoler un nouvel ennemi public.
Outre l’étude de la signification historique du phénomène et de ses diverses interprétations, Paul Gottfried examine la longue histoire des controverses, polémiques et disqualifications dont il est l’objet. Si l’on veut employer des mots qui ont un sens, il apparaît en définitive que le fascisme n’a strictement rien à voir avec le maintien de l’ordre, la défense des racines chrétiennes de l’Occident, la critique de l’immigration non contrôlée ou la contestation de l’évolution des valeurs sociétales.