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France : Politique en France

Le FN a toujours respecté le jeu des institutions démocratiques, quand sera-t-il traité comme un parti égal aux autres ?

Dans La Nef, qui a revu sa maquette, Christophe Geffroy revient sur les élections régionales. Extrait :

FIC114585HAB33"[…] Marine Le Pen ne peut encore être en mesure de battre un candidat de droite à la présidentielle ; un duel contre le représentant de la gauche lui laisserait davantage de chances, mais rien ne dit qu’elle pourrait l’emporter. Autrement dit, la faiblesse fondamentale de ce parti est son manque de réserves de voix, faute d’alliance lui permettant d’élargir son panel au second tour. Cette stratégie du « seul contre tous » l’empêche même de distinguer, parmi les notables de droite, ceux qui lui sont proches, l’ouverture aux personnalités extérieures au mouvement n’étant pas dans sa culture, il n’est que de voir les départs de figures tels que Paul-Marie Coûteaux ou Aymeric Chauprade qui apportaient pourtant une dimension intellectuelle qui lui fait cruellement défaut. Dans le système qui est le nôtre, c’est une erreur stratégique, la présidentielle ne s’étant jamais gagnée seul contre tous, ce qu’a compris un Robert Ménard, maire de Béziers, qui appelle à un « rassemblement des droites » qui pourrait intégrer un Philippe de Villiers, resté très populaire à droite, ou Charles Beigbeder, qui anime l’Avant-Garde avec Charles Millon, sans parler de Nicolas Dupont-Aignan.

Il est vrai que pour le FN, les alliances ne peuvent se faire qu’à la marge, puisque les Républicains de Nicolas Sarkozy en refusent catégoriquement le principe à quelque niveau que ce soit – donnant ainsi à une gauche minoritaire la possibilité de se maintenir au pouvoir encore longtemps. Mais rien ne dit que cette position de ferme rejet soit tenable à terme si le FN continue de progresser, car une bonne partie de la base des LR est très proche du parti de Marine Le Pen et aspire à des rapprochements, au moins sur le plan électoral pour battre la gauche. Or, ces dernières élections ont montré qu’un « rassemblement républicain » entre LR et PS pour contrer le FN était devenu une réalité qui, si elle devait se reproduire, risquerait fort d’aboutir à une bipolarisation entre les « républicains » de tous bords d’un côté, de droite et de gauche, et le FN de l’autre, faisant de ce dernier la seule force d’alternance.

Ce « rassemblement républicain » – ou « front républicain » – est révélateur de la crise profonde de notre système démocratique de représentation… qui n’est plus représentatif et fonctionne comme un moyen d’exclure de toute responsabilité politique une partie importante de l’électorat, et cela sans que personne ne s’en offusque parmi toute l’intelligentsia – non seulement elle ne s’en offusque pas, mais elle se félicite de parvenir à un tel résultat ! Et l’on s’étonne que les Français se méfient de la politique trop ternie par les magouilles d’appareils ? Il n’est pourtant pas difficile de comprendre que cette logique accrédite la critique de Marine Le Pen du « système UMPS » (devenu LRPS).

Plutôt que de fantasmer sur la résurgence de la menace fasciste des années 30, nos élites feraient bien de changer de logiciel pour comprendre la situation. Au lendemain du second tour, j’entendais encore des analystes nous expliquer que le succès du FN était un vote contestataire dû à la crise économique, à la montée du chômage, un vote xénophobe en raison de l’immigration, etc., toujours la même rengaine. Il ne leur vient pas à l’esprit que ce puisse être pour beaucoup un vote positif d’adhésion, non par haine de l’« autre » mais par amour de la France qu’ils estiment menacée – adhésion donc à des valeurs nationales et patriotiques rejetées ou ignorées par les autres partis. En attendant, prisonniers de ces obsessions d’un passé censé resurgir sans cesse, ces autres partis ouvrent au FN un boulevard en lui laissant le monopole d’un discours patriotique qui touche le peuple et qui ose poser sans tabou les vrais problèmes dont souffrent les Français, et notamment les plus fragiles d’entre eux : l’identité, l’immigration, l’islam, la délinquance, la précarité, la mondialisation, la souveraineté nationale… autant de sujets qui, chez nos bien-pensants, donnent lieu immédiatement aux accusations de racisme, d’islamophobie ou de nationalisme, ce qui étouffe d’emblée tout vrai débat. Le FN s’est toujours voulu républicain et a toujours respecté le jeu des institutions démocratiques, quand sera-t-il traité comme un parti égal aux autres ? Je ne sais si cela « fera le jeu du FN », mais la démocratie y gagnerait."

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