De Karim Ouchikh, président du SIEL :
"Tout s'éclaire pour moi depuis peu. Sur les réseaux sociaux, Jean Messiha (coordinateur du projet présidentiel de Marine Le Pen et un des principaux économistes du FN) évoque de plus en plus la question du "remplacement de peuples" en France et en Europe. Julien Sanchez (maire de Beaucaire, Conseiller régional) en a fait de même voici peu, en des termes comparables. Les propos inédits de ces deux dignitaires frontistes n'ont pas été réprouvés officiellement depuis, ni par la direction nationale du FN, ni par Florian Philippot et ses cerbères, en tout cas pas à ma connaissance. Or, au FN, l'absence de démenti vaut approbation tacite, surtout sur des sujets de cette importance.
Une stratégie nouvelle se met en réalité subrepticement en place à Nanterre. Marine Le Pen se rend compte qu'il est vain de contester la réalité du grand remplacement, largement comprise par ses adhérents et aussi bien acceptée par ses électeurs. Je suis témoin des efforts constants de la chef file du FN et de ses principaux lieutenants visant à traquer par le passé toute tentative de placer au coeur du discours frontiste ce thème si considérable développé depuis des années par le SIEL à la suite de Renaud Camus. Fidèle à une conception chevènementiste de la question migratoire, qui tend à ignorer la dimension ethnico-culturelle de ce phénomène historique, elle a tout fait en effet pour bannir ce débat dans la réflexion politique comme dans le vocabulaire du FN. Sans succès à l'évidence, tant ce sujet de société épouse de très près les angoisses identitaires contemporaines de nos compatriotes…
Pour sortir de cette impasse politique, une seule issue pour elle : le rétropédalage inavouable. Dans cette approche "subtile", il s'agit de donner le change aux Français en s'appropriant habilement la thématique du remplacement des peuples, conséquence directe du chaos migratoire, sans pour autant exploiter explicitement le vocabulaire de Renaud Camus. En d'autres termes, piller le diagnostic du célèbre écrivain mais en continuant à répudier ostensiblement la terminologie de ce dernier, qui sera plus que jamais jugée (pour la galerie) "complotiste".
Résultat de ce tour de passe-passe sémantique qui va s'installer progressivement dans les esprits ces prochaines semaines : le néo-FN voudra nous faire croire que le constat du remplacement de peuples a toujours été une réalité dramatique méthodiquement combattue dans son action politique… tout en gardant ses distances avec un essayiste jugé sulfureux par la bien-pensance. En d'autres termes, se renier idéologiquement, sans que cela ne se repère trop…Stratégie-de-dédiabolisation, quand tu nous tiens !
En acclimatant ainsi ce glissement sémantique, Jean Messiha et Julien Sanchez, – et bien d'autres à venir -, ne sont rien d'autres au fond que les émissaires de Marine Le Pen, chargés d'habituer progressivement les médias et l'opinion publique au retournement à venir de la ligne politique du FN sur la question du changement de peuples qui est à l'œuvre sur notre continent. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ! Et que de temps perdu, même si je ne néglige aucunement les arrières pensées politiciennes d'une direction nationale du FN déterminée à contenir, à neuf mois du prochain congrès, le vent de fronde des militants que je sens monter partout dans les rangs frontistes, au lendemain des échecs cuisants des élections présidentielle et des législatives.
En définitive, s'agit-il pour Marine Le Pen :
-"d'enfumer" les adhérents du FN en les manipulant habilement, tout en conservant intacte, "in pectore", la doctrine initiale du front sur ce sujet de civilisation,
-ou bien, nécessité faisant loi, d'amorcer sincèrement une refondation idéologique en la matière ?
Pour l'heure, je n'ai pas encore définitivement tranché la question."