De Jeanne Smits dans Présent :
"S’agissant d’un des leviers les plus importants de la culture de mort, en relation avec l’un des « points non négociables » de Benoît XVI, la liberté de l’éducation qui est l’apanage des parents – c’est évidemment avec le plus vif intérêt que j’ai suivi le colloque du think tank de Marine Le Pen, « Idées nation » sur la question de l’éducation. […] Le thème délimitait le sujet : « Redresser l’école de la République. » Ce qui fournit une excuse pour ne parler que d’elle : de l’école publique. On pourra donc me rétorquer qu’en regrettant l’absence de toute évocation du droit et de la liberté des parents en la matière – la première et principale critique que je formulerai à propos de la rencontre – est tout bonnement hors sujet. Mais peut-on parler de l’instruction et de l’éducation des enfants sans même suggérer l’existence de cette problématique ? L’école de la République est-elle vraiment à accepter telle quelle, sans bénéfice d’inventaire ?
Disons-le tout de suite : tout était loin d’être négatif dans les diverses présentations. Louis Aliot, secrétaire général du FN, avait bien raison de dénoncer la volonté des nouvelles pédagogies imposées par la rue de Grenelle de « couper l’élève de toute mémoire ». Divers enseignants (du public), avec leur solide expérience du terrain, ont dénoncé avec pertinence la manière dont l’autorité des professeurs est bafouée […] Tel autre, gaulliste de gauche – Christian Le Chevallier — a pointé la charge idéologique des programmes qui contraignent à un « éloge constant et absolu de l’Union européenne ». Paul-Marie Couteaux a déploré à juste titre la disparition de la transmission de l’histoire de France […]
Du discours de Marine Le Pen je retiendrai une ligne de force : il cherchait à convaincre (l’important) corps électoral formé par les enseignants qu’ils ont intérêt à voter pour elle. Parce qu’elle rétablira le respect de l’autorité, l’ordre dans les rangs du primaire, le statut social de l’enseignant par des salaires revalorisés, un frein à la règle du « 1 remplacement pour 2 départs » en préservant d’abord les postes des professeurs qui font véritablement la classe et en s’attaquant en priorité à ceux des inspecteurs, « courroie de transmission » de programmes et de méthodes ineptes. […] Bien des choses à retenir, dans son discours, disons-le tout de suite sans rien nous interdire, éloge ni critique : le rejet du communautarisme islamique comme la volonté d’imposer la méthode syllabique au CP (mais alphabétique, c’eût été mieux !), le maintien des écoles de proximité dans les campagnes et la fin du funeste « collège unique ».
Mais l’absence de toute référence à la liberté de l’enseignement, hormis une allusion en passant, était frappante. […] Quant à l’enseignement hors contrat, l’idée du bon scolaire, le constat de l’abusive ingérence de l’Etat dans les programmes et dans les salles de classe, je ne les ai pas trouvés. Au contraire, l’affirmation de la « neutralité », de « l’égalité » et de la « laïcité » était parfaitement nette […] On reste aussi songeur devant son affirmation qu’il faut sauver les écoles maternelles du « démantèlement », alors qu’elles sont une « magnifique réussite que le monde nous envie ». L’école maternelle, « une chance pour la France » aussi parce qu’elle est « une chance pour notre natalité » ? Peut-être, oui, aide-t-elle des Français à faire le choix d’une famille plus nombreuse puisque dès trois ans, et dans certains lieux dès deux ans elle accueille les tout-petits. Mais là devrait d’arrêter un enthousiasme bien illusionné : c’est bien à l’école maternelle, et souvent en moyenne section que commence l’application de méthodes pédagogiques néfastes pour la lecture, l’écriture et le calcul. Et il n’y a pas de mal pour un enfant à être auprès de sa mère jusqu’à ses 4, 5 ou 6 ans : ce n’est pas forcément synonyme d’échec au CP ! […]
Florilège :
• Louis Aliot. «Nul ne contestera que depuis les Lumières jusqu’à 1980 l’école fut instituée pour la République. Ce sont les valeurs sociales et républicaines qui fondent le contrat social.» Et maintenant ? «L’école forme des consommateurs mondialisés.» […]
• Christian Lechevallier. «Il faut quitter une vision trop néolibérale de l’éducation (…), c’est bien à l’Etat qu’il appartient d’avoir une politique interventionniste dans l’éducation.»
• Bertrand Dutheil de la Rochère, transfuge à peine arrivé depuis le Mouvement des citoyens de Chevènement qu’il contribua à fonder. «Dans la République l’école est essentielle, beaucoup plus qu’un service public, elle est un service organique puisqu’elle doit instituer le citoyen.»"