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Religions : L'Islam

Le Hamas, fidèle aux principes des Frères Musulmans

Le Hamas, fidèle aux principes des Frères Musulmans

La Petite feuille verte de février est consacrée au Hamas. Extrait de l’article d’Annie Laurent :

[…] L’existence officielle du Hamas remonte à 1987. Son premier dirigeant, Ahmed Yassine, était l’un des cadres de l’organisation des Frères Musulmans (FM), fondée en 1928 par l’Égyptien Hassan El-Banna. Celui-ci a bâti son projet sur la restauration du « tout islam » en réaction à l’influence croissante de l’Europe au Proche-Orient, consécutive à l’abrogation du califat par Atatürk, le fondateur de la Turquie moderne. Les FM ont été très actifs dans la bande de Gaza dès les années 1940, encadrant notamment les huit camps de réfugiés palestiniens qui s’y trouvaient. Leur intention était de développer dans la société une lecture rigoriste de l’islam.

Le nom officiel du Hamas, Mouvement de la Résistance islamique, illustre la volonté de ses fondateurs de marquer leur fidélité à l’un des principes de base des FM : la prédominance de la charia partout où vivent des musulmans. Il s’agit certes de défendre une Palestine indépendante et souveraine, mais sous une connotation religieuse clairement affichée alors que les autres organisations de la résistance locale donnent la priorité au combat national. « Il nous est impossible de troquer l’islamité actuelle et future de la Palestine pour l’adoption de l’idée laïque », affirme la charte du Hamas. Ce choix implique le rejet absolu de l’orientation plus ou moins sécularisée caractérisant les structures mises en place par l’OLP.

L’empreinte islamiste s’imposa d’ailleurs dès la mise en place de l’AP : le choix d’Arafat d’en installer le siège à Gaza entraîna une si forte contestation islamiste qu’il préféra le transférer à Ramallah en 1994. En 2005, son successeur Mahmoud Abbas abandonna complètement Gaza au Hamas.

Durant l’exercice de son pouvoir à la tête du Hamas, Ahmed Yassine (assassiné en mars 2004 par l’armée israélienne) a mis en œuvre un important programme d’islamisation de Gaza. En vingt ans (1966-1986), le nombre de mosquées sur le territoire est passé de 70 à 150.

Et, dans cette entreprise, le Hamas bénéficia du soutien de l’État hébreu prêt à tout pour affaiblir l’OLP, qui était ouverte à une solution à deux États, comme le démontre le politologue Mohamed Sifaoui dans son récent ouvrage, Hamas. Plongée au cœur du groupe terroriste (Editions du Rocher, 2024).

À partir de 1973, Israël, qui occupait le territoire depuis 1967, autorisa la création de services sociaux et culturels ainsi que des instituts d’enseignement religieux fondés sur la pensée frériste. Les dirigeants israéliens, qui percevaient alors l’islamisme comme un « simple intégrisme religieux » dépourvu de toute visée totalitaire et antidémocratique, y voyaient le moyen d’écarter la jeunesse palestinienne des milieux de la gauche. C’est aussi pour affaiblir l’OLP, rivale du Hamas, qu’ils laissèrent arriver à Gaza les aides financières arabes destinées aux islamistes. Le journaliste israélien Amir Tibon, rescapé du massacre du 7 octobre 2023, insiste sur ce point dans un livre récent, Les portes de Gaza (Christian Bourgeois éditeur, 2024).

Toutes ces mesures, expression du « grand aveuglement » d’Israël, explique Sifaoui, ont préparé l’islamisation systématique de la bande de Gaza programmée par le Hamas lorsque ce dernier en prit le contrôle en 2007, deux ans après son évacuation par les colons juifs et l’armée israélienne.

L’antisionisme du Hamas

Le deuxième objectif du Hamas concerne le refus d’un État juif en Palestine puisque, pour ses dirigeants, l’ensemble du territoire, du Jourdain à la Méditerranée, revient de droit au peuple palestinien. Cet antisionisme s’enracine très tôt (1928) dans la conception des FM alors que s’annonçait la création d’un État juif en Palestine. Dès ce moment, pour eux, la Palestine devient une cause non plus seulement arabe mais islamique. 

En son temps, Hassan El-Banna affirmait que la Palestine est une « terre d’islam » et elle l’est « pour toujours », ce qui rend obligatoire le recours au djihad pour la délivrer du sionisme. Après la création de l’État hébreu, il déclara : « Israël existe et continuera à exister jusqu’à ce que l’islam l’abroge comme il a abrogé ce qui l’a précédé ». La doctrine de l’abrogation est un principe islamique selon lequel, par la dictée coranique, Dieu est censé annuler les révélations antérieures (judaïsme et christianisme notamment).

Cet antisionisme est présent dans la charte du Hamas. « Il n’y aura de solution à la cause palestinienne que par le djihad. Quant aux initiatives, propositions et autres conférences internationales, ce ne sont que pertes de temps et activités futiles » (art. 13). On y lit aussi : « Sortir du cercle du conflit avec le sionisme constitue une autre trahison qui entraînera la malédiction sur ses auteurs » (art. 32).

Ces positions se doublent d’un « antisémitisme pathologique » reposant sur l’enseignement du Coran où les Juifs sont qualifiés de « pervers » (3, 110) et sur un récit de la tradition islamique où Mahomet conditionne la fin du monde au massacre de tous les Juifs. Ce qui inspire cette remarque à Mohamed Sifaoui dans son livre précité :Ces positions se doublent d’un « antisémitisme pathologique » reposant sur l’enseignement du Coran où les Juifs sont qualifiés de « pervers » (3, 110) et sur un récit de la tradition islamique où Mahomet conditionne la fin du monde au massacre de tous les Juifs. Ce qui inspire cette remarque à Mohamed Sifaoui dans son livre précité : « Le Hamas ne veut pas d’une solution pacifique, mais d’une solution finale ».

Ahmed Yassine se montrait intransigeant envers les Palestiniens soupçonnés de collaboration avec l’État hébreu, donnant à ses proches la consigne suivante : « Tout informateur palestinien qui avoue coopérer avec les autorités israéliennes, tuez-le immédiatement ». L’un de ses plus proches militants, Yahya Sinouar, qui lui succèdera en 2024, appliqua cette exigence avec une énorme cruauté, ce qui inspirera aux autorités israéliennes le surnom de « boucher de Khan Younès » (son lieu de naissance).

La dimension religieuse de ce refus catégorique s’est illustrée lors du conflit qui s’est déroulé à partir du 13 mai 2021 autour de l’esplanade des Mosquées à Jérusalem, lieu doublement sacré : pour les Juifs car s’y trouvait autrefois le Temple détruit par les Romains en 70, et pour les musulmans en raison de la mosquée El-Aqsa, troisième lieu saint de l’islam (après La Mecque et Médine). L’affrontement armé a démarré lorsque des Palestiniens musulmans, parmi lesquels des militants du Hamas, réunis sur place pour célébrer l’Aïd el-Fitr (fête religieuse marquant la fin du Ramadan), se préparaient à accueillir à coups de pierres la « Marche pour Jérusalem » organisée tous les ans dans le quartier à cette date par des sionistes religieux pour commémorer la prise de la cité par l’armée israélienne en 1967 et revendiquer la possession exclusive de l’esplanade.

L’évacuation de la mosquée par la police israélienne a aussitôt entraîné de violentes attaques armées de la part du Hamas, suivies par des bombardements de l’armée israélienne. Le Hamas entendait ainsi montrer qu’il est le champion de la défense d’El-Aqsa et ce faisant discréditer le président de l’AP, Mahmoud Abbas, pour regagner de la légitimité dans le champ national palestinien. La coïncidence de calendriers religieux et politiques à forte charge symbolique, ayant Jérusalem pour centre, a réveillé les instincts confessionnels qui ont entraîné des actes de haine réciproques entre juifs et musulmans dans plusieurs villes israéliennes où la cohabitation était jusqu’alors réputée réussie. […]

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