D'un moine de Triors sur l'Homme Nouveau :
"Le Pape vient de publier sa deuxième encyclique sur la sauvegarde de la maison commune. Juste un mot sur la portée doctrinale de l’encyclique.
Comme toujours, il s’agit d’un document du magistère ordinaire solennel du Pontife romain de sorte que tout ce qui y est dit touchant la foi et les mœurs et qui serait déjà défini, est infaillible. C’est le cas pour la doctrine sur la création (nn. 62-100). Le reste bénéficie d’une assistance prudentielle : le Pontife romain ne pouvant induire en erreur grave le lecteur, on est assuré que le contenu dans son ensemble est bon pour les âmes ; ce qui n’exclut pas qu’une meilleure expression soit possible, par exemple pour la première partie concernant les changements climatiques (nn. 11-61). En conformité donc avec le n. 25 de Lumen gentium et la pensée de nombreux théologiens, il faut accueillir cette encyclique avec foi et docilité, en « sachant recueillir des lèvres et du cœur de l’Église la pensée de Dieu », (dom Delatte).
[…] Le Pape s’appuie énormément sur la Révélation. Dès le n. 2, il parle de la création touchée par le péché. Il y revient plusieurs fois, surtout quand il montre le lien, grâce au Christ, entre création et rédemption. C’est un point important que beaucoup voudraient omettre ou repousser en raison des positions du Père Teilhard (d’ailleurs cité à la note 53 du n. 83). Il s’agit pourtant d’une affirmation profondément paulinienne (Rm 8) que défend ici le Pape sans tomber pour autant dans le panthéisme teilhardien. Cette vision de la création qui s’appuie sur les deux premiers chapitres de la Genèse et d’autres textes bibliques (nn. 65-75) est très importante, car, comme le souligne le Pape, il s’agit d’une vision de foi dans le Dieu Créateur et Rédempteur (n. 6). Et l’on peut même dire que tous les points abordés dans l’encyclique s’y rattachent plus ou moins d’une certaine façon.
Le Pape parle longuement d’abord du problème de l’eau, thème biblique par excellence. Sans l’eau l’homme ne peut vivre. Lors de la crise du Sahel, dans les années 1980, Jean-Paul II était intervenu plusieurs fois à ce sujet. Et le problème de l’eau pose à son tour celui de la disposition des biens de la terre. Comme ses prédécesseurs immédiats, le Pape, même s’il défend avec Léon XIII la propriété privée, rappelle que la terre donnée à l’homme pour qu’il la soumette appartient d’abord à Dieu qui l’a créée. Cela entraîne la disposition universelle des biens (nn. 93-95). Et le Pape en profite pour rappeler à deux reprises le grand principe de la doctrine sociale de l’Église : celui de la subsidiarité (nn. 157 et 196).
Vision chrétienne de l’homme
Le mystère de la création intimement lié au mystère de Dieu Créateur engendre une anthropologie qui ne peut être que chrétienne, le Christ seul restaurant le plan originel défiguré par le péché. En conséquence, nous devons rejeter tout ce qui attente à la vraie dignité de l’homme et en premier lieu l’avortement à nouveau condamné (n. 50). Ce n’est en effet que la vision chrétienne de l’homme qui peut conduire à la civilisation de l’amour tant souhaitée par Paul VI (n. 231). Le Pape peut alors avec Benoît XVI affirmer l’existence d’une écologie de l’homme (n. 155), parce que l’homme créé « à l’image de Dieu » ne peut être manipulé contrairement à ce qui se passe sous nos yeux. On ne peut supprimer en l’homme cette capacité de « déification » (à comprendre correctement) qu’il possède de par sa nature. Or, de nos jours deux fléaux dénaturent cette vision de l’homme et le Pape les condamne fortement : le relativisme et l’individualisme (n. 163). Ceux-ci constituent un grave danger, notamment pour l’existence même de la famille, car ils ont pour conséquence la disparition des générations par manque d’enfants. Beaucoup d’autres points mériteraient d’être soulignés : le repos dominical (n. 237), l’écologie artisanale de la pêche et de la chasse (n. 129) et surtout la dimension chrétienne du travail, dans la droite ligne de Laborem exercens. Confions à Marie cette lecture de l’encyclique. Qu’elle nous aide à la recevoir avec docilité pour devenir des semeurs d’espérance."