D’Antoine Bordier pour Le Salon beige :
La Vierge Marie serait-elle de retour en France ? Oui, si l’on en croit le grand pèlerinage en calèches, qui s’est élancé de deux endroits différents, de Lourdes et de La Salette, le 1er juin dernier. Deux hauts lieux de la chrétienté, deux sanctuaires mariaux où la Vierge est apparue en 1846, à La Salette, et en 1858, à Lourdes. L’objectif des organisateurs ? Former la lettre du M majuscule de Marie sur la carte de France, à la vitesse d’un cheval. 2000 km plus loin, 100 jours plus tard, vers le 12 septembre, les deux routes doivent se rejoindre à Pellevoisin, où est apparue la Vierge Marie en 1876. Ce sera la fin de ce pèlerinage, qui a, déjà, réuni des milliers de personnes, croyants ou non. Immersion au cœur d’un pèlerinage populaire unique au monde. « La France, Fille aînée de l’Eglise », serait-elle en train de se réveiller aux sons des Ave ?
Nous sommes le 14 août, il règne comme une effervescence dans les rues du 6è arrondissement de Paris. Des familles entières, de tout âge et de toute origine sociale, marchent d’un pas pressé. Ils se dirigent vers la Chapelle Notre-Dame de la Médaille Miraculeuse, rue du Bac. Là, le recteur doit jongler avec l’arrivée massive de pèlerins dans la chapelle, celle de Mgr Michel Aupetit, et, la venue de la statue de la Vierge Marie du M de Marie. « Le nombre de pèlerins est limité à 250 », annonce-t-il. Le ciel est bleu avec quelques nuages épars. Le M de Marie est arrivé, par la Seine-et-Marne, Porte de Vincennes le 11 août. Déjà, une centaine de pèlerins avait rejoint la petite équipe des organisateurs composée d’une dizaine de bénévoles. Le 12 août au matin, après une nuit d’adoration, dans la Basilique Notre-Dame du Perpétuel Secours remplie, la lecture du testament spirituel de Saint Louis est faite. Le lendemain, toujours en calèche, la statue de la Vierge Marie qui mesure près de 2 mètres, pérégrine dans les rues de Paris, jusqu’à Saint-Sulpice. Puis, ce sera la chapelle Saint Vincent de Paul, une halte chez les Lazaristes, la Médaille Miraculeuse, et, le pèlerinage vers Notre-Dame de Paris. Le 15 août, pour fêter l’Assomption, après un passage vers Notre-Dame des Victoires, le M de Marie se dirigera vers la Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre. Mais en attendant, faisons un petit retour en arrière pour bien comprendre et apprécier à sa juste valeur ce que les français, en mal du Tour de France, sont en train de vivre avec le M de Marie, aux pas d’un cheval bien dressé.
Une intuition féminine, celle de Monique Escalle
Dans sa jolie robe aux couleurs de la Vierge Marie, Monique Escalle est en plein préparatif avec la petite équipe de jeunes bénévoles qui s’affairent autour de la calèche pour la paver de dizaines de ballons blanc et bleu, floqués du M de Marie. Monique, plutôt discrète, témoigne de l’intuition qu’elle a eu. « Avec la Confrérie Notre-Dame de France, dont je fais partie avec quelques membres ici présents, comme Christian Louf, nous nous sommes posés la question suivante : que pourrions-nous faire pour réveiller la France ? J’ai eu l’intuition de ce M de Marie en 2019. Cette intuition est née dans la continuité des Vierges pèlerines qui ont sillonné la France et une centaine de pays pendant 7 ans, à partir de 1995. Le M de Marie était un projet fou. D’autant plus fou, que, finalement, nous avons eu très peu de temps pour l’organiser. L’idée était de prendre une grande statue de la Vierge à l’Enfant, de la mettre dans une calèche et de parcourir la France en dessinant le M de Marie à partir de deux points de départ : Lourdes et La Salette. Le M de Marie sera formé avec le point d’orgue de Pellevoisin où se retrouveront les deux routes, les 12 et 13 septembre. » A ses côtés, Christian Louf, administrateur de la Confrérie, et bénévole, est au téléphone et donne des consignes. Il s’interrompt pour dire que « l’organisation n’a pas été facile. Mais le pèlerinage a pu être organisé grâce aux paroisses qui nous ont accueillis. Des centaines de pèlerins nous ont aidé aussi. Ce pèlerinage, qui paraissait un peu fou, est devenu très concrètement et simplement réalisable grâce à la participation de chacun. Il y a une grande attente populaire. Et, chacun apporte sa pierre à l’édifice. L’Eglise doit de nouveau aller vers les gens. »
La jeunesse et la famille au cœur du M
Maxime Bonnassies porte aussi le M de Marie. Il fait partie des organisateurs, comme son père, d’ailleurs, Olivier, qui s’occupe de toute la communication du projet. « C’est mon père qui m’a motivé, pour que je profite de ma césure universitaire. Et, avec un ami, Vincent, nous nous sommes engagés pour être présents sur le terrain. Nous n’avons pas 50 ans à nous deux, et, nous nous sommes dit que nous donnerions 6 mois à ce projet pour qu’il y ait toutes les générations. C’est le cas, depuis notre départ début juin de La Salette, toutes les générations nous ont accompagné. L’âge des pèlerins et de ceux qui nous ont rejoints pour, soit marcher un tronçon, soit nous accueillir, soit prier avec nous, va de 6 mois jusqu’à 96 ans. Il y a aussi toutes les conditions sociales. Ce qui est marquant, c’est qu’il y a peu d’évènements d’Eglise qui rassemblent aussi largement. » Maxime, du haut de ses 1,80 m, rayonne. Son engagement a chamboulé sa foi et sa pratique religieuse. Dans la calèche des jeunes filles ont entonné un chant marial. Parmi elles, il y a Coline, 15 ans. « Je suis la plus jeune. Nous venons de faire 800 km, depuis La Salette. Je suis heureuse d’être à Paris. En tant que pèlerine, j’ai marché de Lyon à Ars avec la calèche. Il y avait beaucoup de monde. Pendant cette semaine, j’ai vraiment été très heureuse. Et, après, je me suis dit qu’il fallait que je m’engage auprès de Marie. Et, c’est pour cela que je suis là. Maintenant, j’aime encore mieux prier le chapelet. » Marie-Elisabeth a 22 ans. Elle a marché pendant un mois. Elle vient du massif de la Chartreuse et raconte : « au départ, je ne devais y aller que trois jours. Et, j’ai tellement aimé, que j’ai continué. Je me suis laissée abandonner à la grâce de Marie. Je voulais remercier la Vierge Marie pour tout ce qu’elle a fait tout au long de ma vie. J’étais aveugle dès la naissance, et, j’ai été guérie, miraculée. Je suis née en mai 1998 et j’ai été guérie en octobre 1998. »
« France, fille-aînée de l’Eglise, est-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? »
Dans la cour pavée des Lazaristes, dans le 6e arrondissement de Paris, Frédéric, le mari de Monique, vient d’arriver. Il ressemble à un patriarche, avec sa longue barbe blanche. Il porte fièrement le logo du M de Marie sur sa chemisette immaculée. Professionnellement, c’est le patron d’une PME de Saône-et-Loire. Grâce à son fils, à qui il est en train de transmettre sa société, il a tout lâché pour prendre avec sa femme les rennes de ce projet « fou ». Depuis 110 jours, il est sur les routes de France. Il rappelle ce constat : « en famille, nous disions que la France n’allait pas bien. En tant que membres de la Confrérie Notre-Dame de France, ce constat était aussi partagé. En janvier 2019, nous nous sommes posés la question face à cette dégradation accélérée de la France. Que ce soit au niveau de la famille, de l’éducation, de la politique, du voisinage, de l’Eglise elle-même. Tout le monde est touché par cette crise du sens qui touche notre foi. » Frédéric parle aussi de La Salette, en indiquant que « si nous sommes partis de La Salette, c’est, exactement, pour dire cela : le message est d’actualité. Nous nous sommes éloignés de Dieu, et, notre société Le combat. Nous devons revenir vers Lui. Qui mieux que Marie pour nous y aider, pour revenir vers Son Fils ? » Frédéric, qui est de la génération Jean-Paul II, se souvient de sa célèbre phrase, prononcée le 1er juin 1980 au Bourget : « France, fille aînée de l’Église, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? Permettez-moi de vous demander : France, fille aînée de l’Eglise et éducatrice des peuples, es-tu fidèle, pour le bien de l’homme, à l’alliance avec la sagesse éternelle ? » Frédéric rapproche, en riant, cet évènement du 1er juin 1980, de celui du M de Marie : « on y a vu un grand signe, car c’est 40 ans après, jour pour jour, que nous nous élançons de Lourdes et de La Salette. C’est aussi 40 ans dans le désert, après la sortie d’Egypte d’Israël. » Frédéric semble habiter par une sagesse et une force sortie tout droit de l’Ancien Testament. Il pense que la France est en train de sortir du désert. Il voit le lait et le miel couler à flot, comme à Canaan. Il fait référence à la Bible, à sainte Faustine.
Le M de Marie sur les chemins apocalyptiques de France
Au départ de la route de l’Est, qui part de La Salette, les pèlerins ne sont qu’une petite vingtaine ce 2 juin. La calèche qui porte la statue de Marie à l’Enfant, étrangement, vient de Poznan, en Pologne. Elle est toute neuve et peut transporter en plus 4 ou 5 passagers. Le cheval Azur est magnifique, et, s’adapte merveilleusement au relief. En même temps, à 500 km de là, à vol de colombes, à Lourdes, le départ de la route de l’Ouest a lieu dans les mêmes conditions. Avec Frédéric, l’actualité apocalyptique de la France et du monde est passée en revue. Comme s’il fallait offrir tous ces évènements désastreux au Cœur Immaculé de Marie. Il fait allusion aux catastrophes naturelles, aux inondations de Lourdes, qui ont déversé en 2013, 2016 et 2019, dans la grotte des apparitions des torrents de boue. Il parle de Notre-Dame de Paris : « nous aurons beau mettre des digues, des alarmes anti-incendie, celui qui sauve, c’est Jésus. Toutes les lois qui sont votées depuis 40 ans sont des lois contre notre humanité, contre Dieu. Certains ont parlé de génocide. Le Bon Dieu nous dit : stop, ça suffit. Et, moi je dis : jetons tout ce qui déplait à Dieu dans nos poubelles. Retrouvons la prière du chapelet, demandons pardon, et, prions en famille. » Tout au long du chemin, depuis La Salette, Frédéric fait un terrible constat : « avec notre cheval nous avançons doucement. Et, nous avons vu la dégradation de la France, tous ces immondices dans les fossés. C’est désespérant. Mais nous avons levé notre regard vers Marie. C’est ça le M de Marie. »
Le E de l’Espérance, le P de la Prière
Frédéric rajoute quelques mots sur cette crise : « il est certain que nous sommes en train de nous punir nous-mêmes à travers toutes ces lois, depuis l’avortement, en passant par le divorce, le mariage pour tous, l’euthanasie, la PMA. » Il se rend compte que notre société est en chute libre. Mais, il garde l’espérance, qu’avec la prière « les femmes et les hommes de bonne volonté renversent la tendance ». Avec humour, il raconte une blague sur un prêtre et un chauffeur de taxi qui arrivent au paradis. Saint Pierre donne la plus belle demeure au chauffeur, « parce qu’il conduisait tellement mal, que ses clients se mettaient à prier. Alors que le prêtre a vu son église se vider au fil des ans. » Plus sérieusement, il parle de la nécessité de se consacrer aux Cœurs Unis de Jésus et de Marie, de se convertir, et, de prier le chapelet. Toute l’équipe du M de Marie se met en route en direction de la rue du Bac. Le cheval vient d’arriver. Lui aussi a des fiorettis incroyables à raconter. Jérôme Disant est le propriétaire de Fleur, cette belle percheronne de 14 ans, toute grise, qui vient de son domaine. Selon lui, « elle marcherait aux pas des pèlerins ». La Vierge lui murmurerait, certainement, à l’oreille.
La traversée de Paris
Jérôme est croyant mais non pratiquant. Le M de Marie semble lui faire du bien. En tout cas, cela lui donne du sens et semble le renforcer dans son activité professionnelle. Dans son écurie, avec ses 25 chevaux, et, dans sa ferme, il s’occupe d’une centaine d’animaux, dont certains ont été abandonnés. Il accompagne avec Fleur le pèlerinage jusqu’au 20 août. Pour l’heure, c’est lui qui pilote Fleur et la calèche, qui transporte la statue de la Vierge à l’Enfant. Celle-ci vient de sortir de la Chapelle de la Médaille Miraculeuse, sous les chants des Ave des milliers de pèlerins de la rue du Bac. Les dizaines de bannières devancent la calèche et la Vierge. Suivent Mgr Michel Aupetit et le recteur de la cathédrale Notre-Dame de Paris, Mgr Patrick Chauvet. La procession avance vers Notre-Dame de Paris. Sur le parvis de la cathédrale, la Vierge à l’Enfant retrouve la Vierge du Pilier, qui a été sauvée lors de l’incendie. Le chapelet est lancé et le vœu de Louis XIII de nouveau prononcé. Avec le M de Marie, la « France, fille-aînée de l’Eglise » serait-elle de retour ? Pour le savoir, rendez-vous à Pellevoisin, étape finale du M de Marie. L’arrivée des 2 calèches est prévue vers 17h30, le 12, sur la place de la Mairie. Et, le point d’orgue sera la Messe célébrée par Mgr Jérôme Beau, évêque du lieu.
Pour suivre le M de Marie, cliquez sur ce lien : https://mdemarie.fr/planning-quotidien/
Antoine Bordier