Voici une tribune de Xavier Lacroix, membre de l'Académie catholique de
France et du Comité Consultatif National d'Ethique, parue dans La Voix
de l'Ain vendredi 14 septembre :
"Comment se fait-il que le simple fait de prier « pour que tout enfant
puisse grandir avec un père et une mère » se voie accusé de diviser
l'opinion publique, de s'immiscer dans le débat politique ? Il faut
vraiment que les esprits aient été formatés à la pensée unique pour que
de telles accusations trouvent un écho. Lorsque l'Eglise manifeste des réticences face à l'institution du
mariage curieusement dénommé « homosexuel », ce n'est pas par homophobie
: on peut parfaitement partager ces réticences et être par ailleurs
fort accueillant envers les personnes concernées. On peut même ressentir
cette orientation et partager ce point de vue (j'en ai reçu des
témoignages).Surtout, ce ne sont pas des arguments religieux qui sont avancés, mais
le souci du bien des personnes, à commencer par les plus petits, les
plus faibles, les enfants. En effet, qu'est-ce que le mariage ? Il n'est pas seulement la «
célébration sociale de l'amour », comme il a pu être dit. Il est une
institution, la seule institution qui articule conjugalité et parenté,
autrement dit qui fonde une famille. Le mariage est la fondation d'une
famille. Dès lors, tous les français qui sont favorables à son extension
« à tous les couples » en étant hostiles à l'adoption (ou aux
procréations assistées) pour les couples de même sexe, ne sont pas très
cohérents : le mariage ouvrira forcément sur la filiation. D'une part
cela tient à sa définition universelle, d'autre part on aurait tôt fait
de crier à la discrimination si certains couples mariés pouvaient être
parents et pas d'autres. C'est ce qui s'est passé en Belgique.Or, il n'est pas difficile de voir que la différence sexuée entre leur
père et leur mère fait a priori partie des biens élémentaires pour un
enfant. C'est du point de vue de l'enfant que la question doit être envisagée,
et non du point de vue des adultes, de leurs manques, de leurs
frustrations ou de leurs désirs. La question n'est pas celle de la
qualification de l'homosexualité, encore moins celle de la capacité des
sujets homosexuels à aimer et éduquer. Elle est celle de
l'institutionnalisation, c'est-à-dire de la codification par la loi,
elle même expression du corps social, d'une structure familiale. Il ne
s'agit pas seulement de gérer ou d'accompagner des situations
particulières, pour lesquelles des dispositions légales largement
suffisantes existent déjà. Il s'agirait d'ériger en norme, par la
loi, que des dizaines de milliers d'enfants puissent a priori être
privés des trois biens élémentaires suivants :1. De la différence entre deux repères identificatoires, masculin et
féminin, dans l'univers de leur croissance intime. Ni le masculin ni le
féminin ne récapitulent tout l'humain. Qu'il soit garçon ou fille,
l'enfant a donc besoin d'un jeu subtil d'identifications et
différenciations avec ses deux instances paternelle et maternelle. Cela a
été étudié avec minutie par une littérature scientifique surabondante.
On sait par exemple que le petit garçon, au cours de sa deuxième année a
besoin de s'identifier à un père masculin pour le développement de son
identité mâle. On sait combien il est important, pour la petite fille,
d'être admirée, cajolée, confirmée dans sa féminité par le regard
paternel. Mais, par un étrange phénomène d'amnésie collective, le
discours régnant fait froidement table rase de tout cet acquis.2. De la continuité, lorsque cela est possible, entre le couple
procréateur et le couple éducateur. La quête douloureuse de leur origine
par les enfants nés « sous x », les difficultés propres à l'adoption
indiquent bien que les ruptures dans l'histoire, les dissociations entre
les différentes composantes de la parenté sont autant de complications
dans la vie de l'enfant. Dès lors, il est souhaitable qu'à la
discontinuité liée à l'adoption ne vienne pas s'ajouter une seconde
discontinuité, à savoir la perte de l'analogie entre le couple d'origine
et le couple éducateur.3. Le troisième bien élémentaire pour l'enfant sera une généalogie
claire et cohérente, lisible. Nous sommes dans un système généalogique
cognatique, c'est-à-dire à double lignée. Or, on ne change pas un
système de parenté millénaire par petites touches. Il forme un tout
cohérent.Voici quelques uns des biens humains élémentaires qui sont en cause.
L'Eglise en ce débat n'avance pas d'argument d'autorité, elle ne se
réfère pas à une Révélation, mais elle est sensible au bien des
personnes, à la vérité des mots « père » et « mère », au sort des plus
petits."
Jean Theis
Excellent texte.