Xavier Lacroix, théologien et philosophe, membre du Comité consultatif national d'éthique, répond au Monde, à propos de la dénaturation du mariage :
"Vous remarquerez que dans ce débat, l'Eglise catholique ne met pas en avant la croyance mais une position éthique, car ce sont des biens fondamentaux qui sont en jeu. L'Eglise développe deux types d'objections : l'une liée à la différence sexuelle, l'autre à la place de l'enfant dans l'homoparentalité. Elle pointe aussi le flou qui entoure le sens du mot mariage. Aujourd'hui, neuf personnes sur dix pensent que le mariage est la célébration sociale de l'amour. Pourquoi, alors, ne pas le célébrer entre deux personnes du même sexe qui s'aiment ? Or, anthropologiquement, traditionnellement, juridiquement, universellement, le mariage n'est pas que cela. Il est l'union entre un homme et une femme en vue de procréation : si on enlève la différence de sexe et la procréation, il ne reste rien, sauf l'amour, qui peut rompre.
Le mariage est aussi une institution et pas seulement un contrat. L'institution du mariage est définie par un corpus de droits et de devoirs des époux entre eux et envers les enfants. La société y intervient comme tiers, considérant qu'elle en a besoin pour l'intérêt général. La société a-t-elle "besoin" de l'amour homosexuel, de couples homosexuels solidaires. Peut-être, mais j'en doute. […]
Ce n'est pas parce que des couples mariés sont stériles ou choisissent de ne pas avoir d'enfant, que le sens de l'institution change. Elle ménage toujours une place pour l'enfant. En outre, les changements sociologiques actuels me semblent superficiels par rapport à une réalité anthropologique qui demeure. Si le mariage se limitait à une célébration de l'amour, il n'y aurait plus de fondement pour la filiation, la parenté. Or, qui dit mariage, dit filiation. Aujourd'hui, parenté et conjugalité sont dissociées de fait, mais l'institution continue de les articuler. La présomption de paternité est le coeur du mariage civil. Il articule conjugalité et parentalité et lie la filiation à la naissance. Le droit, et nos contemporains, continuent de penser qu'il est bon d'être le fils ou la fille de ceux dont on est né car la dissociation entre filiation et naissance est cause de souffrance.
[…] Le slogan du " mariage pour tous " supposerait que le mariage est un bien de consommation auquel tout le monde devrait avoir accès. Refuser cela ne signifie pas être discriminatoire à l'encontre des couples homosexuels. La discrimination consiste à ne pas accorder les mêmes droits dans des conditions similaires. Or, face à la procréation, les couples homos ne sont pas dans la même situation que des couples hétéros. Structurellement, ils ne peuvent pas procréer. En revanche, je pense qu'il y aura discrimination envers les enfants si la loi définit, a priori, que des milliers d'enfants seront privés des biens élémentaires que sont un père et une mère. […]"