Le site européiste EUobserver avait publié le 6 juin un article apocalyptique sur l’emprise de Viktor Orban sur les médias hongrois. L’article était de Harlan Mandel, de « Media Development Investment Fund », de… New York. Le gouvernement hongrois n’a pas laissé passer cette attaque, et a exigé de EUobserver un droit de réponse, qui vient d’être publié. Il est de Zoltan Kovacs, secrétaire d’Etat à la Communication internationale. En voici la traduction d’Yves Daoudal :
Monsieur le rédacteur en chef,
Selon l’“opinion” publiée par EUobserver le 6 juin, le gouvernement Orban déploie des efforts concertés pour s’emparer des médias.
Harlan Mandel affirme que « la capture des médias » est « un processus qui permet aux gouvernements et aux intérêts d’affaires de s’entendre pour contrôler et manipuler le flux d’information ».
« Le foyer spirituel » de ce phénomène est bien sûr la Hongrie, mais il étend ses « tentacules dans de nouveaux territoires », avertit Mandel.
Il brosse une image dramatique, mais il laisse de côté des détails assez importants que je voudrais faire connaître à vos lecteurs.
Le cauchemar de « capture des médias » de Mandel est révélé dans un rapport publié par le Media Development Investment Fund, une organisation basée à New York dont il est le PDG. MDIF a reçu au moins 16,5 millions de dollars de George Soros.
Les anciens administrateurs du fonds et plusieurs des membres de son conseil d’administration au fil des ans sont issus des cercles de l’Open Society financée par Soros. Le MDIF est né du financement de Soros et fait vraiment partie du monde de Soros.
Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? En Hongrie, par exemple, le MDIF finance exclusivement des médias libéraux de gauche. Il a financé Magyar Narancs et 444.hu, deux critiques acharnés des gouvernements conservateurs et de leurs causes. Ils sont libres de le faire, bien sûr, mais ne prétendons pas que le MDIF, en tant qu’investisseur dans les médias, soit en quelque sorte un acteur neutre au point de vue des valeurs sur ces marchés des médias. Le MDIF est un investisseur qui a un programme politique.
Toute personne raisonnable examinant une liste d’entreprises du secteur des médias dans lesquelles le MDIF a investi verra un schéma très net : des médias libéraux de gauche conformes à la vision du monde de l’Open Society de Soros. On pourrait même soutenir qu’il s’agit clairement d’un cas d’intérêts particuliers qui « s’entendent pour contrôler et manipuler le flux d’information »…
Ce n’est bien sûr pas le seul intérêt particulier de ce jeu médiatique. La Fondation Bertelsmann diffère du MDIF, mais l’objectif général, comme le signalait Politico Europe en mai, est similaire : un « contrôle du message » dans la mesure où la fondation, selon Politico, commande de « s’aligner tacitement sur les intérêts commerciaux du géant des médias qui la finance ».
Deuxièmement, le paysage médiatique hongrois est beaucoup plus divers que voudrait le faire croire Mandel. Le PDG du MDIF affirme que les voix divergentes sont réduites au silence, mais la plus grande part d’audience de la télévision appartient de loin à RTL Klub – et 71% des Hongrois tirent leurs informations de la télévision.
RTL Klub pourrait difficilement être considéré comme un porte-parole du gouvernement et, semaine après semaine, au moins quatre des cinq meilleures émissions de télévision appartiennent à RTL Klub.
En outre, environ 35% des Hongrois tirent leurs nouvelles et leurs informations d’internet. Qui a le plus grand public en ligne ? Index.hu, une plate-forme d’informations résolument critique du gouvernement Orban, est également le site hongrois le plus populaire sur internet.
Parmi les 100 meilleurs sites Web hongrois, selon le conseil de la DKT qui mesure la part d’audience, les médias qui pourraient être considérés comme ayant une tendance conservatrice et sympathiques au gouvernement recueillent environ 1,7 million de pages vues par jour. Les médias en ligne et libéraux critiquant le gouvernement 3,5 millions, soit plus du double.
Ce n’est pas vraiment un « média capturé ».
Troisièmement, il se trompe dans le droit des médias. Peu de temps après l’entrée en fonction du gouvernement Orban en 2010, le Parlement a effectivement adopté une nouvelle loi sur les médias. La loi a toutefois été modifiée à plusieurs reprises, à la suite de négociations avec les institutions de l’UE, et est parfaitement conforme aux normes européennes.
Mais quand vous êtes dans les affaires de financement de médias libéraux, comme Mandel, vous devez faire valoir votre argument de vente, et c’est précisément ce qu’il fait avec cet article d’opinion, qui se termine par un appel pas très subtil à de nouveaux investisseurs.