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Valeurs chrétiennes : Culture

Le moindre mal : un choix chrétien ?

Le moindre mal : un choix chrétien ?

Par M. le Chanoine Merly, texte paru dans le journal Notre Église, n°134, mars 2022, p. 28-29

Cette notion suggère que, face à deux maux, il convient de choisir le moindre. Ce qui occupe ici notre réflexion est ce que certains moralistes modernes ont voulu appeler un « conflit de devoirs », l’idée selon laquelle entre deux choix mauvais, il faut choisir le « moins mauvais », et qu’un tel choix est exempt de faute morale, puisque l’agent, c’est-à-dire nous-même, subissait une contrainte qui oblitérait toute liberté et rendait son acte, sous ce rapport, involontaire.

Une question ancienne

 Cette question a trouvé, dès le commencement de l’humanité, une réponse. Et les philosophes grecs, sans même la Révélation de la Loi Nouvelle savaient quelle elle était. On attribue ainsi à Socrate cette maxime : « Il vaut mieux subir le mal que de le faire. » De son côté, S. Thomas d’Aquin, à la suite de tous ses devanciers, enseigne qu’il n’est jamais permis de pécher : « le péché ne peut être objet de choix ». La question du « moindre mal » qu’il faudrait choisir, c’est-à-dire, en résumé, vouloir, parce que l’autre alternative du choix serait pire, est en fait spécieuse, et tous ceux qui l’ont mise en avant en ont fait la justification des pires turpitudes. On la retrouve dans bien des aspects de la vie actuelle : l’avortement qui est justifié parce que la vie de la mère est en danger, la contraception parce que l’équilibre d’un couple est en péril, le suicide ou l’euthanasie parce que les souffrances liées à une maladie sont insupportables, ou qu’une vie dans un état végétatif « ne vaut pas la peine d’être vécue ». Derrière chacun de ces exemples, des situations humaines difficiles, sans le moindre doute. Mais un raisonnement faux.

En effet, la moralité d’un acte se prend de divers aspects, et pas seulement des conséquences envisagées par rapport à d’autres, qui seraient meilleures ou pires. Cela s’explique d’abord par la présence d’un législateur, Dieu Lui-même. Il crée toutes choses à partir de rien, et détermine, pour chacune, une fin, proportionnée à sa nature. Ainsi de l’Homme, « tiré de la poussière du sol de la terre » (Gn. 2, 7), que Dieu, dès le commencement, ordonne à Son intimité, le dotant pour cela de dons – la grâce – qui lui permettront d’atteindre ce but, mais qui seront perdus par la faute originelle. Pour autant, la loi ne disparaît pas avec la grâce : la nature des êtres ne change pas, pas plus que leur fin. C’est donc par rapport à la loi – naturelle, divine – que l’on peut dire qu’un acte est bon ou mauvais. Il est bon s’il se conforme à la loi, il est mauvais s’il ne s’y conforme pas.

Mais rentre aussi en compte, pour qu’un acte soit dit moral ou immoral, l’intention poursuivie par celui qui le pose. Entendons-nous bien : il ne s’agît pas ici d’affirmer que « la fin justifie les moyens ». Cela est faux. Mais, si la fin ultime de l’Homme est déjà déterminée – l’union à Dieu – sans que l’Homme lui-même soit capable de changer ce qui lui est donc connaturel – pas plus qu’il ne peut changer, par exemple, le fait d’être un homme ou une femme –, il lui reste cependant la faculté d’exercer un vrai choix quant aux moyens à mettre en œuvre. C’est ici que réside sa liberté, et aussi sa dignité. C’est donc dans cette perspective éminemment surnaturelle que l’on doit considérer la moralité de l’acte : est-il un obstacle à l’obtention de la fin ultime, à l’union à Dieu ?

Ne pas choisir le mal

Face à ce qui semble être un choix entre deux maux, il faut de toute nécessité comprendre que le choix véritable n’existe pas entre les deux termes, mais entre le choix et…le non-choix qui est lui-même… un choix. Il n’est en effet jamais permis de choisir une chose qui est mauvaise au prétexte que l’autre alternative serait pire. En revanche, il est possible de choisir – de vouloir – ne pas choisir. Un monde existe entre le choix d’un mal car il est un mal « moins mal » qu’un autre, et l’abstention d’un tel choix. La bonté d’un acte ne se mesure pas, nous l’avons vu, par rapport à un autre acte mauvais, mais à l’aune de la loi divine. En outre, le moindre bien n’est pas un moindre mal. Comme le pape Paul VI le rappelait à l’occasion de son encyclique sur la sainteté du mariage Humanae vitae, et après lui, dans son encyclique Veritatis Splendor, Jean-Paul II,

« S’il est parfois licite de tolérer un moindre mal moral afin d’éviter un mal plus grand ou de promouvoir un bien plus grand, il n’est pas permis, même pour de très graves raisons, de faire le mal afin qu’il en résulte un bien (Rm. 3,8), c’est-à-dire de prendre comme objet d’un acte positif de la volonté ce qui est intrinsèquement un désordre et par conséquent une chose indigne de la personne humaine, même avec l’intention de sauvegarder ou de promouvoir des biens individuels, familiaux ou sociaux ».

Cela induit qu’il ne peut y avoir de choix préférentiel entre deux péchés, car une telle idée est inconciliable avec le fait que notre fin est en Dieu, et que le péché nous empêche de l’atteindre. Partant, le choix se résume à : « Dieu ou l’absence de Dieu », autre nom de l’Enfer, et jamais un « conflit de devoirs » ne peut exister, même si, parfois, notre conscience se trouve perplexe quant à l’attitude à adopter. Aucune communauté entre choisir délibérément un mal, et accepter qu’il existe indépendamment de notre vouloir. En fait, on l’aura compris, la question fondamentale n’est pas d’ordre moral qui n’est d’ailleurs pas le sujet primordial de l’Église. Elle concerne la foi : l’homme a-t-il été créé pour louer, honorer et servir Dieu, Notre Seigneur, et, par ce moyen, sauver son âme, comme l’indique S. Ignace de Loyola ? Et, à la suite, Dieu veut-Il le salut de tous les hommes et leur donne-t-Il pour cela l’aide nécessaire pour y parvenir ? Évidemment, la réponse à ces deux questions est affirmative, et puisque Dieu ne nous demande rien d’impossible et que le péché nous détache de Lui, alors il faut en conclure que le « moindre mal » n’existe pas : seul existe, pour un homme, et spécialement un chrétien, le Bien, seul digne d’être choisi, parfois au prix du martyre.

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11 commentaires

  1. Bien.
    ceci étant posé, concrètement qu’est-ce que je fais ?
    Dans ma circonscription, j’ai le choix au second tour de voter pour un candidat macroniste, ce qui est mal (loi pas bio, pas éthique, injection des saloperies de pfizzer, traçage orwelien de la population, etc.., immigration, favoritisme pour l’islam, etc…). et un candidat mélanchoniste, ce qui est mal (loi pas bio, pas éthique, wokisme, immigration, favoritisme pour l’islam, etc…).
    Les deux forces politique en réalité travaillrnt pour un avenir luciférien dont les inspirateurs sont les super financiers, la couroie de transmission les franc-maçons, qui ne sont ni francs ni maçons (en général).
    M’abstenir ?
    La conférence des évêque de France dit que voter est un devoir.
    Voter pour le moins dangereux ?
    Voter contre le macronisme pour rendre moins facile ses projet de traçage informatique orwelien quand même moins intenséments présents à gauche (pour l’instant) ?
    Pour l’instant, seule l’opposition des gauchistes au passeport “sanitaire me fais pencher en leur faveur.
    Mais pas beaucoup.

  2. Tentative d’application concrète : un deuxième toure LREM / NUPES
    Il est moralement mauvais de voter LREM
    Il est moralement mauvais de voter NUPES
    Sachant que voter est un devoir civique, la seule option licite est de voter blanc…

    • 1/ Nous n’avons que trois devoirs : Dieu, notre famille et notre patrie. Et c’est tout, absolument tout ! J’ignore d’où vient ce devoir civique qui pue bien fort son révolutionnaire soutenu par le clergé jureur. Voter revient à mettre la volonté du peuple au-dessus de tout, donc reconnaître la démocratie comme toute puissante et les principes républicains comme seule vérité.
      2/ Le moindre mal n’existe pas. Il y a le mal et le bien. Ne pas participer c’est refuser de jouer au jeu du mal donc c’est bien. Restez chez vous est la plus sûre décision de faire le bien.

  3. Dans ma circonscription, voter blanc revient à voter LREM “la dictature en marche”.
    Pas si simple.

  4. Un bulletin
    “VIVE LE ROI !”
    s’impose.

  5. Oui, bien sûr ça mène à la question de voter pour une horreur ou un autre équivalente.
    Mais c’est une fausse question.
    La vraie question est :
    – dois-je soutenir un mensonge né dans l’horreur, qui s’appelle la démocratie dans la cinquième république, née du régicide de 1789 qui a clairement pour but de déraciner la foi chrétienne,
    – ou dois-je rejetter ce mensonge qui nous accable depuis des siècles, c’est à dire refuser cette mascarade et rejetter le principe du vote tel qu’il nous est proposé.

    Dans ce cas, il s’agit d’un choix entre un bien et un mal.

    • Les gens qui se sont abstenu de voter Reconquête ou RN ont laissé s’installer la situation actuelle.
      S’abstenir ne fera pas venir un roi mais la dictature woke et l’invasion migratoire.
      Lors des précédents votes ce fut orgueuilleux, inconséquent et irresponsable.
      Et si je suis catholique, je ne suis pas forcément royaliste. les rois ont fait de grosses erreurs, tel par exemple le régime des prébendes, les mariages consanguins, les guerres pas toujours légitimes, et le gaspillage de la cours de Versailles sous Louis XV et Louis XVI.

      • C’est MLP qui en refusant l’alliance avec reconquête a provoqué la situation actuelle sachant que ses concurrents s’étaient unis. Vous pouvez additionner leurs voix dans toutes les circonscriptions et ils auraient été au second tour presque partout.
        C’est cela qui est orgueilleux, inconséquent et irresponsable et montre une absence totale de sens politique.
        Pour le reste c’est une affaire d’information et de conscience.

        Si les rois ont fait des erreurs, et c’est certain, nul n’est parfait, il me semble :
        – qu’ils ont beaucoup moins lésé l’Eglise que la République
        – qu’ils ont beaucoup moins détruit le mariage que la République
        – qu’ils n’ont pas fait de guerre aussi destructrices sur la population civile que la République, le côté légitime des guerres révolutionnaires étant aussi plus que discutable.
        – qu’ils n’avaient pas mis en place 483 impôts et taxes comme aujourd’hui la République
        – qu’avant la révolution, la dette de l’Etat était exceptionnellement de 4 Mds de livres, soit 80% de la richesse nationale et on est à presque 3000 Mds d’Euros aujourd’hui, soit plus de 120% avec un accroissement constant.

        et qu’en conséquence ils faisaient finalement beaucoup moins d’erreurs que nos bons républicains qui en plus enseignent à nos enfants et à leurs parents des mensonges gobés tout crus.

  6. pour une fois, je ne suis pas du tout d’accord. Non pas avec l’article, dont l’argumentation est imparable, mais avec ce que sous-tend sa publication, juste avant le second tour. En effet, il est évident, et les commentaires des lecteurs montrent qu’ils l’ont compris comme cela, que l’article veut nous inciter à ne pas aller voter à ce second tour.
    Or, en toute situation, la vertu de prudence commande d’évaluer les alternatives possibles et d’agir en fonction de leurs conséquences, en choisissant ce qui apporte les meilleures conséquences, ou, ce qui en l’espèce est synonyme, les moins mauvaises conséquences. En effet, ce n’est pas le fait de remplacer le mot “meilleur” par “moins mauvais” qui rend l’action peccamineuse…
    En l’espèce, il y a un choix à faire entre 3 possibilités (je ne parle pas ici de celui qui a la chance de pouvoir voter à droite au second tour, car je crois ou du moins j’espère qu’il n’est pas en train de se poser ce genre de questions…)
    1. voter pour un candidat Macron
    2. voter pour un candidat d’extrême gauche
    3. ne pas voter. Je mets dans le même paquet le bulletin blanc car il faut bien reconnaitre que ses conséquences pratiques sont les mêmes.
    En bon ingénieur que je suis, je dirais que la probabilité que les 2 candidats soient de même valeur (entendue au sens de la valeur des lois qu’ils voteront) est nulle. Pour ma part, il me parait assez clair que le candidat d’extrême gauche fera pire, notamment en matière de moeurs, de désarmement de l’Etat, et de taxes.
    Mais dans tous les cas, sauf le cas très improbable où vous pensez sincèrement (et après avoir étudié la question, pas par ignorance) que les deux candidats ont la même valeur, vous devez voter pour le plus valeureux, ou le moins mauvais pour reprendre ce qui là encore n’est qu’un jeu de langage. Ne pas le faire augmente les chances du moins valeureux d’être élu, ce qui augmente la probabilité que de mauvaises lois soient votées.
    Cela étant dit, il faut effectivement s’interroger quand, parmi les choix qui nous sont soumis, aucun ne nous semble bon, autrement dit tous nous semblent mauvais, voire peccamineux. L’un des plus grands pièges est celui, souligné par l’article, qui veut justifier l’avortement en opposant la vie de la femme à celle de l’enfant. Il faut, autant que possible, refuser cette façon de présenter les choses. Pour autant, il pourrait arriver (en théorie) que faire mourir qqn puisse en sauver un autre (par exemple, en prélevant un organe sur le premier pour en faire bénéficier l’autre). Mais dans ce cas la solution est simple : tuer est interdit (c’est l’un des dix commandements), laisser mourir ne l’est pas (quand on ne peut pas faire autrement bien entendu)… quitte à laisser mourir les deux. Sauf si l’un donne sa vie pour l’autre… c’est ce qu’a fait Jésus, dont la loi d’Amour nous sauve de ces arides raisonnements. Amen, viens Seigneur Jésus !

  7. Ce n’est pas votre faute si ce sont les candidats de ces deux partis qui sont arrivés en tête.
    Le vote blanc n’est pas comptabilisé comme un vote à part entière, ce qui est injuste. Si c’était le cas je suppose que vous auriez facilement envisagé ce troisième choix et choisi cette troisième solution. Mais ce n’est pas non plus votre faute si les élections françaises sont mal conçues et ne sont pas représentatives de la volonté réelle du peuple (ce qui explique l’abstention grandissante et énorme).
    On fait ce qu’on peut, selon sa conscience, dans le système actuel qui est tordu exprès. Il importe de ne pas être complice d’un mal (ou plutôt d’une série de maux) objectif et grave, Macron et Mélenchon étant tous les deux des destructeurs de la France. Cette destruction, dans tous les domaines, ne doit pas passer par nous. Si elle se produit nous n’en serons pas responsables.

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