A 2 jours d’intervalle, Le Monde
- soutient les journalistes et politiques qui défendent la liberté d’expression aux États-Unis
- mais critique violemment les journalistes et politiques qui défendent la liberté d’expression en France et dénoncent la fin de C8
26 février 2025 : Aux Etats-Unis, une quarantaine de sociétés de journalistes dénoncent les atteintes à la liberté d’expression
28 février 2025 : Fin de C8 : l’insidieux débat sur la liberté d’expression
Deux chaînes de la TNT, C8 et NRJ 12, doivent cesser d’émettre, vendredi 28 février, faute d’avoir obtenu une nouvelle autorisation. Connue depuis juillet 2024, dûment motivée, confirmée par le Conseil d’Etat, qui a rejeté mercredi 19 février les recours déposés, la décision de l’Arcom, le régulateur de l’audiovisuel, a été, jusqu’aux dernières heures, contestée par C8, la chaîne détenue par Vincent Bolloré sur laquelle officiait Cyril Hanouna, l’animateur vedette de l’émission « Touche pas à mon poste ! ».
La virulente campagne menée par les animateurs de C8 pour tenter de sauver son canal de diffusion ne s’est pas focalisée sur la défense de l’emploi – plusieurs dizaines de postes sont concernés par un plan social – mais sur celle des libertés. Relayée par les autres médias du groupe Bolloré – CNews, Europe 1, Le Journal du dimanche –, elle a pris l’allure d’une véritable croisade politique, avec son lot d’insinuations et de fausses informations. La chaîne aurait été victime d’une volonté politique de faire taire les opinions discordantes, le couperet aurait résulté d’une entente entre Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Elysée, et Roch-Olivier Maistre, l’ancien patron de l’Arcom.
Une partie de la droite a prêté une oreille complaisante à ces soupçons en contestant, à l’instar de Laurent Wauquiez, le président du groupe Droite républicaine à l’Assemblée nationale, la légitimité de l’Arcom qui est une autorité indépendante, présidée par un haut fonctionnaire. Tout en défendant la procédure, la ministre de la culture, Rachida Dati, a quant à elle regretté que « les téléspectateurs soient injustement privés d’un média » aussi populaire que C8.
Même si elle est restée relativement circonscrite, la polémique mérite d’être traitée sérieusement. D’abord parce qu’elle concerne un animateur controversé mais populaire dont l’audience était indexée sur les provocations : en moyenne, 2 millions de téléspectateurs se délectaient chaque soir des outrances de Cyril Hanouna ces dernières semaines.
Ensuite, parce qu’elle s’inscrit dans le cadre d’une offensive idéologique d’envergure, menée par une droite grisée par la victoire de Donald Trump, visant à contester les règles de droit sous prétexte que la liberté d’expression serait bridée, l’empêchant de faire valoir ses idées. Dans une interview au quotidien L’Opinion, jeudi 27 février, l’essayiste canadien Mathieu Bock-Côté, chroniqueur sur CNews, dénonce ainsi la « censure » dont aurait été victime C8 en présentant l’Arcom comme une « caricature de neutralité administrative qui sert à rationaliser a posteriori une aversion idéologique ».