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Pays : International

Le monde francophone compte désormais 583,7 millions d’habitants

Le monde francophone compte désormais 583,7 millions d’habitants

Selon Ilyes Zouari, Président du CERMF (Centre d’étude et de réflexion sur le Monde francophone) :

Après avoir dépassé l’espace hispanophone, et plus récemment l’Union européenne dans ses anciennes frontières, incluant le Royaume-Uni, le monde francophone compte désormais 583,7 millions d’habitants. Une progression essentiellement due à l’Afrique francophone, dont l’émergence démographique et économique mériterait davantage d’attention de la part des pays francophones du Nord, et notamment de la France dont les aides au développement continuent à bénéficier principalement aux pays d’Europe de l’Est membres de l’Union européenne, au mépris de ses propres intérêts. […]

Cette estimation correspond à la population du monde francophone dans sa définition géographique la plus stricte et la plus sérieuse, qui ne tient compte que des pays et territoires réellement francophones, dans lesquels la population est donc en contact quotidien avec la langue française, à différents degrés, et où l’on peut « vivre en français ». Des pays et territoires où le français est par conséquent, seul ou avec une langue locale partenaire, la langue de l’administration, de l’enseignement (pour l’ensemble de la population scolaire, au moins à partir d’un certain âge), des affaires et des médias, ou au moins la langue maternelle de la population, sous sa forme standard ou sous une forme créolisée (un peu comme l’arabe dialectal par rapport à l’arabe standard dans les pays du Maghreb).

Le monde francophone est donc un vaste ensemble rassemblant non moins de 33 pays répartis sur quatre continents, et dans lequel ne sont donc pas comptabilisés les parties non francophones de pays comme la Belgique ou le Canada (respectivement la Flandre, et le Canada hors Québec et Acadie du Nouveau-Brunswick), tout comme un certain nombre de pays membres à part entière de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), mais ne remplissant aucun des critères nécessaires afin de pouvoir être considérés comme francophones (tels que le Liban, la Roumanie ou encore la Guinée-Bissau).

Dans ce vaste espace, qui s’étend sur près de 16,3 millions de km2, soit près de quatre fois l’Union européenne tout entière (et auxquels s’ajoutent de vastes territoires maritimes, dont la zone économique exclusive de la France, seconde plus grande au monde avec ses près de 10,2 millions de km2), les cinq premiers pays francophones sont aujourd’hui la République démocratique du Congo (RDC,  109,3 millions d’habitants), la France (69,2 millions, territoires ultramarins inclus, tous statuts confondus), l’Algérie (46,8), le Maroc (38,7) et Madagascar (32,0). Vient ensuite la Côte d’Ivoire, en sixième position (31,9 millions). […]

La progression démographique du monde francophone résulte essentiellement du dynamisme de l’Afrique francophone, qui croît à un rythme annuel d’environ 2,5 % (2,47 % prévus pour 2024, et 2,81 % pour sa partie subsaharienne). Ce vaste ensemble de 25 pays rassemble désormais 486,8 millions d’habitants (ou 83,4 % de la population de l’espace francophone), contre seulement 74 millions en 1950, soit à peu près autant que l’Allemagne seule, à ce moment-là (69,5 millions). Cette même année, la population du monde francophone était d’ailleurs estimée à seulement 129 millions d’habitants, soit 4,5 fois moins qu’aujourd’hui. […]

Pourtant, force est de constater un certain manque d’intérêt de la France pour l’Afrique francophone, qui n’a représenté que 3,4 % de son commerce extérieur en 2023 (et 0,8 % pour la partie subsaharienne). Cette situation, qui résulte notamment de la faiblesse des investissements productifs réalisés dans ce vaste ensemble (à l’exception de la Tunisie et du Maroc), se manifeste particulièrement en RDC, pays stratégique qui n’est autre que le premier pays francophone du monde, et où l’Hexagone brille par sa quasi-absence. En effet, la part de la France dans le commerce extérieur de la RDC, vaste comme plus de la moitié de l’Union européenne, s’est établie à seulement 0,5 % en 2022 (comme presque chaque année), très largement derrière la Chine dont la part se situe régulièrement au-dessus de 30 % (38,5 % en 2022, soit environ 77 fois plus !). Et comme les années précédentes, la RDC est arrivée au-delà de la 100e position dans le classement mondial des partenaires commerciaux de l’Hexagone, dont elle n’a représenté que 0,02 % du commerce extérieur (soit seulement 1 cinq-millième du total). Ce désintérêt de la France se traduit également au niveau de la part des étudiants originaires du pays dans l’ensemble des étudiants présents en France (0,7 % du total pour l’année universitaire 2022-2023, et seulement 1,5 % des étudiants africains). Pourtant, la France pourrait sans grande difficulté accroître sa présence en RDC, dont la forte dépendance vis-à-vis de la Chine risque de nuire, à terme, à la souveraineté et aux intérêts du pays, dont le principal créancier bilatéral est aussi la Chine).

Le manque d’intérêt de la France pour l’Afrique francophone s’observe également dans cet autre pays stratégique qu’est Djibouti, un des six pays de l’Afrique de l’Est francophone et qui est en passe de devenir une plaque tournante du commerce international grâce à sa situation géographique stratégique et à des investissements massifs en provenance de Chine. Dans ce pays, qui a enregistré une croissance annuelle de 5,3 % sur la décennie 2014-2023, la compagnie aérienne Air France n’assure qu’un seul vol hebdomadaire direct avec Paris, contre sept vols directs pour Turkish Airlines en direction d’Istanbul, ou encore trois liaisons pour le groupe Emirates vers Dubaï. […]

Cette politique d’aide au développement est contraire à toute logique économique ou géopolitique. D’un point de vue économique, d’abord parce que les pays de l’UE-13 s’orientent principalement et historiquement vers l’Allemagne, qui arrive très largement en tête des pays fournisseurs de la zone, avec une part de marché souvent proche des 20 % (16,9 % en 2022), contre toujours environ 3 % pour la France (2,9 % en 2022), dont les aides massives reviennent donc quasiment à subventionner les exportations allemandes. Une politique que l’on pourrait résumer par la célèbre expression « travailler pour le roi de Prusse », qui semble être désormais la doctrine de la politique étrangère de la France.…

Ensuite, parce que toutes les études économiques démontrent que les échanges peuvent être bien plus importants entre pays et peuples partageant une même langue. À ce sujet, un seul exemple suffit à prouver l’impact économique du lien linguistique : les touristes québécois sont proportionnellement quatre fois plus nombreux que les touristes américains à venir chaque année en France… et à y dépenser. En d’autres termes, toute richesse générée dans un pays francophone au profit de l’économie locale finit par être intégrée en bonne partie au circuit économique d’autres pays francophones, et ce, en vertu d’un mécanisme semblable à celui des vases communicants. D’où le concept de « zone de coprospérité », qui est d’ailleurs une des traductions possibles du terme Commonwealth. Ce lien linguistique explique également en bonne partie la position encore assez bonne, globalement, de la France en Afrique francophone, dont elle demeure le second fournisseur en dépit d’un certain manque d’intérêt, avec une part de marché globale estimée à 9,6 % en 2022. Une part inférieure à celle de la Chine (15,5 %, Hong Kong inclus), mais largement supérieure à celle de l’Allemagne, estimée à seulement 3,3 %, et qui arrive même derrière l’Espagne (6,5 % et troisième fournisseur), l’Italie (4,7 %) et les États-Unis (4,4 %).

Enfin, parce que c’est dans cette même Afrique francophone qu’il convient d’investir massivement, d’une part afin de tirer pleinement profit des opportunités et du dynamisme que l’on trouve dans ce vaste ensemble de 25 pays, partie globalement la plus dynamique économiquement du continent et un de principaux relais de la croissance mondiale, et d’autre part, car c’est bien en accélérant l’émergence économique de cet ensemble qu’augmentera encore plus fortement le nombre d’apprenants du français à travers le monde. Et ce, au bénéfice économique et géopolitique de la France, mais aussi au bénéfice de tous les peuples et pays francophones du monde. […]

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