Hier, lors de la messe d’ouverture du 13e centenaire du Mont-Saint-Michel, le cardinal Vingt-Trois a dit dans son homélie :
"pourrions-nous avoir une meilleure image que celle du Mont-Saint-Michel pour nous aider à comprendre ce qui se passe dans l’Ascension du Christ, qui concerne le Christ lui-même et qui, à travers lui, concerne la vie de tous les hommes ? […] Regardez cette image à partir de la base : à la fois harmonieuse mais large, solide dans son grès, plantée en terre et en mer, résistante au flux et au reflux, profondément enracinée, comme scellée au sol lui-même.
Image de notre existence elle-même, plongée tout entière et comme collée aux contraintes, aux espérances et aux souffrances de cette vie.Quand nos yeux s’élèvent, nous voyons peu à peu se rétrécir ce monticule pour devenir une simple flèche dressée dans le ciel dans l’élégance de sa dentelle architecturale, comme si peu à peu, de cette expérience humaine, s’était dressée comme l’essence d’une réalité moins visible à la base et qui se dégage peu à peu vers le sommet pour donner la vision de la dynamique de l’élan de l’être vers la puissance de Dieu. […]
Oui, l’homme dans son existence quotidienne est enraciné dans les contraintes de chaque jour et il ne peut ni les éviter ni se détourner d’elles en restant les yeux levés vers le ciel ainsi que les hommes en vêtements blancs le disent aux Apôtres de la part de Jésus d’après le récit des Actes des Apôtres : ils étaient les yeux fixés vers le ciel et ils les ont renvoyés sur la terre. […]
Il serait possible, il serait facile, il est parfois trop facile de vouloir échapper à ce conditionnement de l’existence humaine, comme s’il était une tare ou un malheur que l’homme vive sur la terre, comme si la rencontre de Dieu ne pouvait se réaliser qu’en coupant la flèche du sommet du Mont de sa base et en effaçant le chemin et les marches par lesquelles nous sommes monté, pour ne garder, mais suspendue à quoi ?, que la légèreté de l’être mais qui n’aurait plus la réalité de l’existence. Etre des hommes et des femmes selon la vocation que Dieu nous a donnée, ce n’est pas échapper aux conditions de ce monde, pas même pour la prière et la contemplation, mais c’est au contraire accepter de porter dans notre chair la lourdeur de cette terre et de la porter avec persévérance jusqu’à la rencontre d’amour où la liberté devient tout entière légèreté et souplesse. L’Ascension du Christ, ça n’est pas seulement sa disparition de ce monde, c’est d’abord sa promesse d’être avec nous tous les jours jusqu’à la fin des temps, et donc de continuer mystérieusement sa présence à l’activité et à l’histoire des hommes."
Le Preux
C’est beau. Merci de l’avoir cité.