Suite de l'entretien avec Guillaume Bernard (lire la partie 1 et la partie 2), auteur de La Guerre des droites aura bien lieu. Le mouvement dextrogyre :
À l’automne 2016, les électeurs de droite étaient sur les starting-blocks : ils allaient prendre leur revanche sur François Hollande. Depuis la présidentielle et les législatives de 2017, ils ont le moral dans les chaussettes. Que s’est-il passé ?
Par ignorance (historique et philosophique) ou par stratégie électorale dite « attrape-tout » (tenter de capter différents segments de l’électorat), aucun parti politique classé à droite n’a fait l’effort de rechercher une cohérence doctrinale et programmatique. Aussi, faute d’avoir une offre politique claire, l’épisode électoral 2016-2017 a été marqué par une série d’élections par défaut. À la primaire de la droite, François Fillon est désigné par rejet d’Alain Juppé (porteur du concept multiculturaliste d’ « identité heureuse ») et par défiance envers Nicolas Sarkozy (déception à l’égard de son quinquennat, fragilité judiciaire). Lors de la primaire de la gauche, Benoît Hamon est préféré à Manuel Valls par rejet du « hollandisme » et parce que l’électorat social-libéral avait déjà basculé vers Emmanuel Macron.
À la présidentielle, les deux personnalités qui atteignent le second tour ont, chacun, fait moins de 25 % des suffrages exprimés : leurs candidatures n’emportent pas l’adhésion. Notons, au passage que la progression de la gauche radicale s’explique par le siphonage d’une partie de l’électorat PS, mais que l’adition des scores de Benoît Hamon et de Jean-Luc Mélenchon ne manifeste pas de progression des idées socialistes. D’ailleurs, depuis les élections, LFI traverse une crise d’identité : elle est divisée entre son courant jacobin et les tenants d’une forme de communautarisme ; cela hypothèque sa capacité à durer sauf à ce que l’électorat d’origine immigré se mobilise et se serve de cette force politique dans un scénario à la Houellebecq. Quant à la victoire d’Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle, elle est à l’évidence une élection par rejet de Marine Le Pen, l’abstention progressant entre les deux tours (ce qui n’était arrivé qu’en 1969 quand deux candidats de droite et de centre-droit s’étaient affrontés et que la gauche s’en était désintéressée). Aux législatives la très faible participation est le résultat d’un macronisme choisi par défaut et de la démobilisation (phénomène habituel) des camps ayant perdu la présidentielle. Il est certain que la stratégie de LR ayant appelé à faire élire Macron pour théoriquement, ensuite, lui imposer une cohabitation était irréaliste et inaudible.
Si Emmanuel Macron a réussi à s’imposer en quelques mois, c’est moins par adhésion envers sa personne et les candidats qu’il a présenté sous ses couleurs aux législatives que par rejet de la classe politique : il rendait possible un « dégagisme soft » en évitant le saut dans le vide qu’incarna, notamment à l’occasion du débat télévisé d’entre-deux tours, Marine Le Pen.
N’est-il pas paradoxal que, concomitamment, les idées de droite se réaffirment et se raffermissent dans l’opinion publique et que les candidats de droite aient mené une campagne si peu satisfaisante ?
La déception des électeurs de droite est parfaitement compréhensible. Et, ce, d’autant plus que l’effet de balancier veut, normalement, que le camp qui gagne les élections locales (LR avait battu le PS, le FN avait très fortement progressé) l’emporte, ensuite, lors des élections nationales. Mais, ce ne sont pas les électeurs qui ont fait preuve d’incohérence, c’est l’offre politique qui s’est révélée déficiente, humainement et intellectuellement.
Pour autant, le mouvement dextrogyre est bien à l’œuvre. La grande coalition libérale macronienne, réunissant droite et gauche modérées, en est la parfaite illustration : il a réuni les tenants du libéralisme économique (réforme du code du travail) et du libéralisme culturel (acceptation de la PMA). Il est certain que les idées authentiquement de droite, si elles se déploient à nouveau dans l’espace public (affirmation de la défense de l’identité et des racines culturelles, retour vers un certain conservatisme sociétal, réticence vis-à-vis des incertaines « valeurs républicaines », exaspération vis-à-vis de la repentance, etc.) sont encore électoralement minoritaires. Il est impossible de revenir, en quelques années, sur quatre siècles de développement et d’imprégnation sociale de la philosophie politique moderne.
Si elles pouvaient être satisfaisantes, les victoires souverainistes lors des référendums de 2005 en France (rejet du TCE) ou de 2016 au Royaume-Uni (Brexit) étaient le résultat de la convergence de forces politiques disparates. Elles ont toutefois traduit le souhait populaire d’un retour au contrôle de son espace territorial et normatif. L’élection de Donald Trump aux États-Unis, avec pourtant une minorité de suffrages populaires, s’explique par la structure fédérale de ce pays. En Autriche, en revanche, le candidat du FPÖ n’a pas réussi à l’emporter seul contre toutes les autres formations politiques à la présidentielle de 2016, mais il fait désormais partie d’une coalition gouvernementale, avec les conservateurs, depuis les élections législatives de l’automne 2017. Le retour en force des idées de droite est donc une réalité culturellement et même électoralement inconstatable mais encore inachevé.
A suivre
Papon
Notre Constitution -la regle du jeu- nous impose un systeme electif detestable: celui qui a les meilleures chances d’être elu est celui qui presente la meilleure apparence aux cameras.
Le premier debat electoral de l’Histoire opposait en 1960 Nixon à JFK; à l’issue du debat ceux qui avaient ecouté le debat à la radio pensaient que Nixon avait été le meilleur, à contrario les telespectateurs estimaient que JFK l’avait emporté…
ohlala
idées de droite ou un conservatisme niais d’une majorité de chrétiens?
il y surtout un rejet de la classe politique , il n’y a pas ou plus de culture politique; MLP en est l’exemple même elle veut séduire des électeurs de droite mais n’a pas le projet pour!!!
Alpin
Voici la raison unique et majeure pour laquelle le peuple Français doit se ressaisir.
Car, sans “LE ” sursaut national ,nous serons des étrangers dans notre propre pays ,voire même “chassés ” !!!
Oui la France peut mourir comme le dit Philippe de Villiers!!!
“Le véritable exil n’est pas d’être arraché de son pays,c’est d’y vivre et de ne PLUS RIEN TROUVER DE CE QUI LE FAISAIT AIMER ” !!!!!!!!!
Edgar Quinet
estebe
ce qui importe c’est que les hommes et les femmes de droite ne faiblissent pas et n’entrent pas dans le jeu des médias et autres nullités.
Etre de droite c’est parfait, le rester c’est mieux.
L’on a vu trop de politiques de droite à l’origine passer à gauche ou à la fausse droite (Longuet, Madelin et autres).
EROUANI
Cette interview de Guillaume Bernard est plus intéressante que son livre, que j’ai lu peu après sa parution.
Il analyse mieux la situation en quelques mots qu’en plusieurs centaines de pages.
Je partage son avis sur Fillon. Celui-ci a été choisi lors de la primaire de la droite par rejet de Juppé et Sarkozy, du multiculturalisme et du relativisme du premier, des promesses de 2007 trahies par le second.
Cela ne faisait pas pour autant un présidentiable. L’homme manquait de charisme et ne donnait pas envie de le suivre, d’où le manque de vrais soutiens dans son camp lorsque ses ennuis sont venus.
Il me semble bien tôt pour affirmer qu’un mouvement dextrogyre est à l’œuvre.
lève-toi
Comme les girouettes, dans un sens ou dans l’autre.
Vu de Marcq
Ces analyses politiques diverses ne manquent pas de pertinence , elles contiennent toutes une belle part de vérité. Cependant on ne m’empêchera pas de penser que notre Renaissance que certains appellent l’identité française, le refus de l’islam, la culture française etc. etc.) ne se fera pas sans un retour au réel. C’est le titre d’un vieil ouvrage de Gustave Thibon des années 40 . Il fut écrit en 1941. C’est-à-dire pendant l’occupation allemande, sanction effroyable de l’aveuglement de la IIIe République.
Je vais le relire et tacherai d’en comprendre et d’en retenir les leçons : Quelques citations en vrac : «notre réalisme n’est pas le réalisme de la chair, c’est le réalisme de l’incarnation. » (page X)« il n’y a plus qu’un moyen aujourd’hui de n’être pas démocrate, c’est d’être peuple » cette citation de mémoire est de Péguy.
L’auteur prêche aussi un retour à la santé. Or “qui dit santé dit aussi liaison : un membre malade est un membre isolé”.
“En ce siècle où les hommes, plus séparés que jamais d’eux-mêmes et de tous, souffrent et meurent pour les fantômes qui peuplent leur vide intérieur….”,
« Je hais les mensonges qui font tant de mal »
« La terre ne ment pas »
« C’est au contact de la terre que la pensée devient sagesse, car la sagesse n’est pas autre chose que l’incarnation de l’idée. »