Lu dans Politique Magazine, à propos de la manifestation du 24 novembre :
[…] Ce que nous avons vu samedi, ce sont les difficultés, voire la détresse, de cette France rurale et périphérique. Une France abandonnée par nos gouvernants au profit du commerce avec la Chine, au profit de la finance mondialisée, au profit des banlieues immigrées aussi. Une France qui bosse et qui ne peut plus s’en sortir. Une France manuelle qui paye la désindustrialisation, le retrait des services publics, la concentration du travail et du capital dans les grandes métropoles. Mais une France qui vit, une France souriante malgré tout, une France qui dégage beaucoup de dynamisme.
Ce que nous avons compris, c’est que le mouvement va se durcir. Car cette France-là a de moins en moins à perdre. La froideur inflexible de l’exécutif, de plus en plus perçue comme de l’arrogance, n’a rien arrangé. Dans le cortège, nous pouvions sentir du dégoût envers le président de la République. Du dégoût aussi pour l’accueil musclé qui leur a été réservé, avec des centaines de camions de CRS, des grenades assourdissantes et des canons à eau. « Vous êtes payés avec nos impôts ! » avons-nous entendu des dizaines de fois. « Vous êtes fiers de vous ?! Vous attaquez le peuple ! », criaient en bon nombre des manifestants qui découvraient ce type de rapport de force.
Des « casseurs », ces Gilets jaunes ? Ben voyons… Certains médias industriels mettent en avant des incidents qui ont eu lieu à 21h ou plus tard, alors que la manifestation était terminée. Mais tout observateur présent lors du grand chamboulement des Champs-Elysées (les forces de gendarmerie ont usé de gaz lacrymogène dès 11 heures du matin) a pu constater qu’aucune vitrine n’a été cassée, qu’aucune voiture n’a été visée. Il a vu les pompiers se faire protéger par des Gilets jaunes. Oui, nous avions bien affaire à une France habituellement sans histoires.
Elle était venue pour se montrer près du palais présidentiel, pour descendre les Champs-Élysées, et pour obtenir gain de cause. En face, les forces de l’ordre avaient pour mission d’effacer leur visibilité et de faire évacuer les lieux. Le face-à-face a été musclé. Six heures durant, les CRS ont usé de gaz hyper-irritants à forte dose, balancé des grenades assourdissantes dans le public, usé de canons à eau jusqu’à plus soif, et même utilisé quelques fois des flash-ball. Pendant ce temps, les manifestants et quelques habitués de la castagne ont tenté d’avancer, ont mis le feu à leurs barricades, ont jeté des projectiles pour défendre leurs positions.
Cette journée du 24 novembre laissera des traces. Car l’on voit mal le gouvernement se protéger derrière de tels barrages de CRS tous les week-ends. On le voit mal accepter de voir « la plus belle avenue du monde » en feu un samedi de fréquentation. Surtout, on le sent vulnérable aux pertes associées aux blocages des grandes chaines de magasin – les Sephora, les Casino, les Carrefour, les H&M et autres textiles fabriqués à 3 euros en Thaïlande – presque tous détenus par des fonds financiers situés aux Etats-Unis, au Qatar, en Chine, à la Barbade, aux îles Caïmans… La seule journée de blocage du 17 novembre avait provoqué des manques à gagner de plusieurs millions d’euros pour ces multinationales. Celles-là même qui influent tant sur la politique de l’Union européenne et auprès desquelles le président Macron porte une oreille très attentive. […]
Collapsus
Il est exact que nous n’avons pas à plaindre ces vitrines de la finance internationale présentes sur les Champs. C’est tout ce monde des commerces de métropoles auquel n’ont pas accès les Gilets Jaunes, ce clinquant du fric arrogant qui s’oppose tellement au dépérissement et à la pauvreté de nos campagnes qui est en soi une provocation permanente pour les manifestants. Les Champs Elysées resteront toujours et encore le symbole de ce débordement des biens de consommation dont nos provinces seront de plus en plus privées.
DUPORT
Certes les gilets jaunes ne sont pas des casseurs mais à la manière dont on les traite, ils pourraient le devenir.
Personnellement je ne “perçois” pas d’arrogance, je la constate tant de la part du gouvernement que des forces de l’ordre.
Faliocha
On a un peu trop tendance à louer la gentillesse et la douceur des manifestants (pour tous) de 2013. Pas une poubelle renversée, les papiers ramassés, les rues plus propres qu’avant la manif…d’accord c’est très mignon, mais pour le résultat, c’est zéro pointé : ce n’est pas avec des câlins qu’on fait plier un Etat totalitaire. Plusieurs voix plus politiques s’étaient élevées et suggéraient qu’après avoir évacué les femmes fragiles (non non, je ne dis pas que les femmes sont fragiles ! Horresco referens ! Mais quand elles sont enceintes ou munies de bébés, oui) et les enfants de moins de quinze ans, tous se couchent par terre à 2 m les uns les autres. Avec un million de personnes, la manoeuvre était absolument imparable. 1m75 de long sur 60 cm de large multiplié par un million plus 2 m d’espace autour de chaque personne, que quelqu’un de fort en maths fasse le calcul : ça représente quasiment toutes les rues de Paris repavées de rose et bleu, je suppose. Là, le gouvernement était cuit. Mais les grands chefs de la Manif pour tous voulaient à tout prix garder leur statut de Bisounours, et il ne s’est rien passé (et la loi a été votée et appliquée). Espérons que les Gilets Jaunes auront de meilleurs conseillers.