Le sénateur LR François-Noël Buffet est le rapporteur du document publié le 10 mai, Services de l’État et immigration : retrouver sens et efficacité, qui analyse de façon détaillée les défaillances des services de l’État face au défi de l’immigration clandestine (près de 200 000 personnes seraient entrées irrégulièrement dans l’Union européenne en 2021).
Les travaux menés conduisent au triple constat d’un droit des étrangers devenu illisible et incompréhensible sous l’effet de l’empilement de réformes successives, de procédures inefficaces et d’un manque de moyens des services de l’État pour les mettre en œuvre. Cette complexité ne nuit pas uniquement à l’exercice de leurs droits par les étrangers mais est également une source de difficultés quotidiennes pour les agents de l’État, qui souffrent d’un sentiment de perte de sens de leur métier.
Le nombre de primo-délivrances de titres permet d’observer une tendance à la hausse. Ce nombre a augmenté de 12 % entre 2017 et 2019 pour se porter à 277 406. L’effet de la crise sanitaire a été effacé dès 2021, avec 271 675 primo-délivrances.
Les conditions de délivrance des titres de séjour se sont dégradées. La prise de rendez-vous en ligne ne résout pas le problème de l’insuffisance de créneaux disponibles et elle engendre même de nouvelles difficultés (la revente de rendez-vous sur internet et l’insuffisance des dispositifs d’accompagnement au numérique des demandeurs notamment). Ces difficultés d’accès au guichet ont de lourdes répercussions contentieuses. Ces dernières années ont vu le développement d’un nouveau contentieux, où les demandeurs de titre saisissent le juge administratif d’un référé « mesures utiles » afin qu’il ordonne à l’administration de lui délivrer un rendez-vous. Au tribunal administratif de Montreuil, 21,4 % des affaires enregistrées en contentieux des étrangers sont ainsi des référés de cette nature.
Avec plus de 100 000 requêtes introduites en 2021, le contentieux des étrangers représente désormais plus de 40 % de l’activité des tribunaux administratifs, tandis qu’il concerne près de la moitié des affaires examinées chaque année devant les cours administratives d’appel.
La France est soumise depuis une dizaine d’années à une demande d’asile croissante, qui a atteint un niveau inédit de 132 826 demandes en 2019.
Concernant les renvois au pays, le taux d’exécution des mesures d’éloignement s’est continuellement détérioré sur la dernière décennie, jusqu’à atteindre des niveaux particulièrement bas. Seules 5,7 % des OQTF étaient exécutées au premier semestre 2021. La politique d’éloignement se caractérise actuellement par un « effet ciseau » : le nombre de mesures prononcées augmente continuellement sans que le volume d’exécution ne suive. En 2021, 143226 mesures d’éloignement ont été prononcées, pour un taux d’exécution de 9,3 % (contre 15,6 % en 2019). En volume, 10 091 retours forcés ont été réalisés en 2021, contre 18 906 en 2019.
On apprend que le président de la République travaille à un texte sur l’immigration. Cette nouvelle loi comportera un changement sur l’accès à la naturalisation. Candidat, Emmanuel Macron a indiqué vouloir conditionner l’octroi des titres de long séjour à un examen de français et des critères d’insertion professionnelle. Mais on ne sait pas si le gouvernement entend durcir les critères, ou simplement se donner les moyens de mieux les vérifier. Le ministère de l’intérieur a précisé plancher sur une « agence unique d’asile avec la fusion de l’Ofpra et de l’Ofii sur un modèle à l’allemande ». L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) instruit les demandes d’asile, tandis que l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) s’occupe d’octroyer logement et allocation aux personnes reconnues réfugiées, mais gère aussi d’autres procédures, comme le regroupement familial, le séjour étranger malade, le retour volontaire… Bref, cela ressemble à des mesures cosmétiques.