Quelques extraits de l'intervention de Christophe Dickès, hier, sur Le Forum catholique :
"La curie est un problème au sein de la gouvernance de l'Eglise. Cela ne signifie pas qu'elle ne devrait être qu'accessoire ou faire office d'intendance. Pas du tout. La curie est nécessaire, mais elle a besoin d'être réformée. Benoît XVI a renoncé à cause de cela. Il n'aurait jamais renoncé si la curie n'avait pas été un problème, c'est à dire si la curie avait joué son rôle qui est d'être à la fois au service des Eglises particulières mais aussi au service du pape. Si le pape François est à Sainte-Marthe, c'est bien pour fuir cet entonnoir que constitue les appartements pontificaux, un entonnoir tranquillement contrôlé par la curie depuis plusieurs années… Quand j'écris que François gouverne dans la question précédente, c'est bien dans ce sens. Il ne s'en laisse pas compter et dirige d'une main ferme les choses.
Qu'ensuite le pape François tienne à appliquer le principe de subsidiarité (étudié par mon ami Philippe Maxence dans le Dico du Vatican), cela me semble une bonne chose. Et après? En cas de conflit, ceux qui se sentiront lésés en appelleront à Rome qui, depuis les origines, a ce rôle d’arbitre. Rome ne peut nier ni ses origines, ni sa fonction, ni sa nature. Et ce rôle est bien exprimé dans le pouvoir des clés…
Quant à la collégialité, j'attends de voir sans vouloir botter en touche… Néanmoins, l'exhortation apostolique Evangelii Gaudium exprime le souhait de donner aux conférences épiscopales des responsabilités, même doctrinales. François évoque même le modèle des anciens patriarcats… C'est à mon sens un risque objectif pour le pouvoir pontifical puisque le lendemain de la publication d'Evangelii Gaudium, Mgr Zolltisch, président de la conf épiscopale allemande, s'est engouffré dans la brèche sur la question des divorcés remariés, contredisant par là les déclaration de Mgr Muller de la Doctrine de la Foi… Bref, il y a des rapports de force en vue. Est-ce nouveau? Non. L'histoire de l'Eglise regorge de ce type de situation qui voit l'opposition des forces centrifuges et des forces centripètes. Un classique de la pensée politique je dirai même…"
"Nous sommes passé d'un pape professeur à un pape latino-américain, très bon communicant, qui ose dire beaucoup de choses, sans pour autant maîtriser totalement les conséquences de ses interventions. […] Après, ce pape "déroutant" comme vous l'écrivez attire bien plus de monde aux audiences le mercredi que Benoît XVI, c'est un fait. Dans plusieurs pays, des prêtres vous diront aussi que de plus en plus de gens viennent se confesser. Sa radicalité religieuse (qui me rappelle les heures les plus sombres de mes retraites de saint Ignace ;o) ne souffre d'aucune contestation.
Quant à l'exercice pontifical, paradoxalement, j'estime que François gouverne l'Eglise au sens propre, alors que Benoît XVI a vécu les deux dernières années de son pontificat comme deux années extrêmement difficiles, pendant lesquelles l'exercice du pouvoir était fort difficile… d'où sa renonciation. François a le pouvoir et tient à l'exercer. Il existe chez lui une partie indomptable, ce qui fait sa force."