L’Association Catholique des Infirmières et Médecins a publié un communiqué le 8 décembre, dans lequel on peut lire :
"Il apparaît que la traduction faite par les éditions Bayard du morceau texte afférant à l’usage de préservatif dans l’ouvrage du pape Lumière du monde soit approximative. Notre ami le Dr Goube de la Forest s’est penché sur ce texte et l’a traduit lui-même. […] A noter d’abord que les mots de not opposed in principle de la dernière question de l’auteur sont traduits par « n’est pas du tout opposée » , ce qui en change complètement le sens, car le principe est maintenu plus bas par deux fois dans le texte du pape.
Le mot de basis a été arbitrairement remplacé par « des cas particuliers » alors qu’il signifie « le fondement, la base ». L’usage des mots « cas particuliers » laisse accroire que le pape fait une ouverture caractérisée par une forme d’absolution à un certain nombre de personnes. En rétablissant la traduction, le sens est complètement changé. Il évoque une situation générale qu’il ne fait pas sienne, puisqu’il la dément ensuite par deux fois. On remarquera surtout l’absence de traduction du mot perhaps signifiant « peut-être ». Ce qui en pratique fait penser que le pape fait sienne l’idée de l’usage du préservatif chez les prostitués mâles. Ce « peut-être » évoque une éventualité qu’il ne reprend pas pour lui-même ; car il la dément immédiatement par deux fois.
Quant au dernier paragraphe, le pape stipule bien que le port du préservatif peut sembler bonne dans son intention. Mais évoquer une intention n’a jamais constitué une approbation. Bayard était-il conscient des conséquences que pouvaient entraîner ces erreurs de traduction dans l’opinion publique et les média ? En traduisant bien ce texte globalement, on ne voit pas en quoi il déroge à la doctrine traditionnelle de l’Eglise. Car le pape sait très bien que médicalement parlant le préservatif n’est pas une solution universelle au sida car sa protection est limitée. Tous les médecins connaissent des cas de grossesses sur préservatif. Le virus du sida étant infiniment plus petit, on voit mal comment il constituerait un obstacle à la contamination."
Bayard avait fait relire la traduction par le père Michel Kubler, ancien rédacteur en chef de La Croix.
lechat41
J’ai oui dire que les éditeurs se battaient pour obtenir les livres du Pape qui sont toujours des succès de librairie. Ces flagrant délits de traductions approximatives, qui doivent être comprises comme des actions volontaires de sabotage, devraient entraîner une exclusion définitive de ces maisons de la liste des éditeurs habilités à relayer la parole pontificale.
Déçus
C’est grave.
C’est lourd, c’est prétentieux, c’est pervers?
En tout cas cela paraît peu professionnel, et peu confessionnel.
B.H.
C’est la même méthode qui a été appliquée par les mêmes officines il y a 45 pour la publication des textes de Vatican II…
Jean Theis
Il me semble que Bayard avait édité il y a quelques années une bible avec, notamment,des illustrations pornographiques. (approuvées néanmoins par l’épiscopat).Rien ne saurait étonner de la part de cette maison.
C.B.
Les italiens disent “traduttore, traditore”; en français “traducteur, traître”.
Quel affront au beau nom de cette maison, bien mal porté…
Tiboabc
Il aurait-il possibilité d’avoir une autre édition de l’ouvrage du pape Lumière du monde que celle de Bayard Presse?
JCM
Attention : bien qu’étant tout à fait d’accord avec vous et l’ACIM, je crois qu’une petite précision s’impose car pour convaincre dans ce domaine il faut utiliser des arguments irréfutables.
J’ai cru aussi pendant longtemps que les grossesses sous préservatif étaient un argument, mais je pense en fait que ce n’est pas très crédible car les grossesses et les infections par un virus ne sont absolument pas comparables scientifiquement.
Les spermatozoïdes ont beau être plus gros, il ne faut pas oublier qu’ils sont extrêmement mobiles et rapides, qu’ils sont émis dans un milieux très favorable à leur survie et qu’UN SEUL suffit pour une fécondation. D’ailleurs on sait très bien qu’un simple contact intime des organes génitaux sans pénétration ni éjaculation peut suffire à entraîner une grossesse (cette notion est enseignée dans la formation à la méthode Billings).
Quant au virus du SIDA il faut déjà qu’il survive, et surtout qu’il passe la barrière des muqueuses en nombre assez important avant de créer l’infection. On parle de la notion d’innoculum.
Les seuls arguments à utiliser contre le préservatif sont statistiques (plutôt que des extrapolations hasardeuses) et pratiques de bon sens (il est illusoire de les utiliser de façon correcte dans 100% des cas comme dans les études ), ils sont déjà convaincants si on est honnête !
Christophe
Je trouve curieux que la traduction française se base sur la version anglaise… En effet, les échanges ont eu lieu en allemand!
Ceci dit, cela n’excuse en rien la maison Bayard.
Si nous devons maintenant systématiquement lire dans la version originale pour être certains du contenu, cela risque d’être plus compliqué! Bonjour l’information…
chouan 12
chacun sait que Bayard est détenu par des capitaux du Monde tout comme la vie et le pèlerin. Quand nos évêques auront-ils le courage de dire que ces canards n’ont rien de catholique même s’ils le prétendent.
[Non : il n’y a que La Vie qui est détenue par Le Monde. MJ]
Yves Gingras
Euh, le pape écrit en anglais ??? Je ne le pense pas.
Pourquoi comparer le texte français à une autre traduction (la langue des maîtres, l’anglosaxophone) plutôt qu’à l’original ??????
Arwenn
Connaissant un peu le milieu (je suis traductrice), je m’étonne que la traduction soit effectuée de l’anglais vers le français, ainsi que le soulignent d’ailleurs justement des commentaires plus haut.
Et je sais aussi que ce genre “d’approximations”, en cette matière si délicate de la théologie, sont rarement le fruit du hasard…
Cela dit, que le/les traducteurs ne soient pas cathos et en plus ne connaissent pas ce domaine, passe encore à la limite, mais que le/les relecteurs laissent passer cela ensuite…. Soit ils sont complètement nuls, soit c’est plus sournois!
Olivier Mannoni
Je tombe pas hasard sur votre prodigieux article sur les erreurs de traduction.
C’est fantastique, la perspicacité dont fait preuve cette glorieuse association d’infirmiers! Ce serait encore plus génial si vous précisiez que le livre n’est pas traduit de l’anglais… mais de l’allemand, et que leurs remarques sont donc aussi déplacées que grotesques. Il serait honnête de le préciser après ces lignes définitives et parfaitement débiles. Les traducteurs se mêlent rarement de médecine, les toubibs, fussent-ils d’extrême droite, feraient mieux de s’occuper de leur stéthoscope plutôt que de corriger des traductions sans même se demander de quelles langues elles viennent.
OM
Saucissoche
Mais à quand les procès, les demandes de droit de réponses, les affiches publiques dans le métro pour réparer (payées par le diffameur)
Nos évêques doivent utilisés aussi les mêmes méthodes que ceux dont on est les ennemis. Et rendre, selon les méthodes légales, coup pour coup et de manière la plus énorme possible
Je ne comprends pas, je suis effaré
Patristain
Pour la traduction en français de ses Encycliques, notre très cher Benoît XVI vérifie lui-même et apporte çà et là des corrections. N’oublions pas qu’il est un francophile.
Si nous, pauvres pêcheurs, lui laissions un peu plus de temps, il l’aurait traduit correctement et sans arrière pensée.
Gaudium
Pardon, mais l’original est en allemand, pas en anglais !!! Qui vous dit que ce n’est pas la traduction anglaise qui est défaillante ?
Daquin
L’original est en allemand
quelqu’un a accès à la version allemande ? (directement, ou via des citations dans la presse?)
VincentTino
Effectivement, on ne voit pas bien ce que l’anglais vient faire ici.
Le Vatican devrait surtout fournir le texte déjà traduit avec interdiction d’y apporter la moindre modification.
Daquin
On vérifie un peu avant de poster, svp.
Le livre indique bien que l’original des entretiens avec Peter Seewald est en allemand.
Les traducteurs allemand-français s’appellent Nicole Casanova et Olivier Mannoni.
http://www.groupebayard.com/index.php/fr/articles/actu/id/489
Bon dimanche
c
Au lieu de traduire à partir du texte anglais qui est déjà une traduction, il aurait été plus correct de le faire à partir du texte allemand, car les entretiens ont été faits en allemand.
Il faut absolument collé au texte. Même si les remarques ci-dessus par rapport à l’anglais sont effectivement très intéressantes.
albin
Ca veut tout simplement dire que ces gens ne savent pas traduire un texte écrit en anglais.
Trop vaniteux pour s’en rendre compte avec un arrière fond de progressisme antipapiste.
Triste.
Bénédicte
Version allemande, livrée chez vous dès demain si vous voulez vous faire une idée !
http://www.amazon.de/Licht-Welt-Zeichen-Gespr%C3%A4ch-Seewald/dp/3451325373
Si un bon germaniste lecteur de ce blog peut proposer une traduction fiable, je suis preneuse. Merci !
B. B.
Le livre a bien évidemment été traduit de l’allemand, par Nicole Casanova, et Olivier Mannoni, comme indiqué dans la page de titre. Donc, comparer à la version en anglais est une erreur d’interprétation.
Personnellement, j’ai tendance à prendre le parti du traducteur. Traduire n’est pas facile – et en plus, l’allemand est une langue difficile pour nous, latins. Il y a des mots qui sont intraduisibles parce qu’ils n’ont pas d’équivalence d’une langue à l’autre, et d’autres mots qui ont plusieurs sens différents. Des nuances existeront dans une langue, et pas dans l’autre.
D’autre part, le langage parlé n’est pas toujours absolument châtié, ni très élégant, et quand on veut le remettre à l’endroit, on “trahit” inévitablement l’auteur, comme le dit si bien l’adage italien connu – à moins de conserver les maladresses formelles initiales. C’est particulièrement évident pour moi lorsqu’il s’agit d’homélies ou d’interventions impromptues du Pape en italien (mais bien sûr, dans sa langue maternelle, ce doit être différent): si l’on conserve le texte initial, la forme laisse à désirer.
Je ne suis pas du tout persuadée qu’il y avait une intention malfaisante, puisque les traducteurs n’ignoraient pas que les versions dans les différentes langues allaient être disponibles simultanément, et que des pinailleurs allaient se réjouir de relever les erreurs. De ce point de vue, Internet a entièrement changé la donne! Il n’y a plus d'”exclusivité”, ni de “délit d’initiés”.
J’attends la version en allemand, que je vais laisser lire à des germanophones – enfin, au moins une page.
En attendant, je suis tentée de croire le philosophe italien, qui a écrit à Sandro Magister, et qui a vraiment épluché le texte en allemand: http://benoit-et-moi.fr/2010-III/0455009e0207c0b02/0455009e4a0f28301.html
Il écrit:
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“En fait, je défendrais bien le pauvre traducteur italien qui a été confronté à une tâche impossible. Dans le dictionnaire allemand, le mot «Prostituierter” ne figure pas. Ni même dans le Duden (le grand dictionnaire qui fait autorité). Cependant, il y a le verbe “prostituieren”, se prostituer. “Prostituierter” est le participe passé masculin de “prostituieren”. Désignerait-il donc un homme? Pas nécessairement. Le participe passé a une fonction adjectivale, il faudrait donc voir de quel substantif il est l’adjectif. Dans ce cas, l’adjectif est le substantif , et donc le substantif n’est pas exprimé. Il est clair que dans ce cas, la référence est à un homme qui se prostitue. En allemand, cependant, il y a deux mots signifiant “homme”. L’un d’eux est “Mann” (homme de sexe masculin) et l’autre est “Mensch” (être humain, homme ou femme). Le pape a-t-il voulu dire “ein prostituierter Mann” ou “ein prostituierter Mensch”? Nous ne le savons pas. Le traducteur s’est trouvé confronté à une tâche impossible. Peut-être aurait-il dû traduire par “un être humain de sexe masculin, mais peut-être aussi de sexe féminin”. Traduction de toute évidence improposable. Il a décidé de traduire par “prostituée”. Nous ne le condamnerons pas.
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Au final: tout ceci est-il si important, et ne nous fait-il pas passer à côté de l’essentiel?
c
Très intéressante analyse de B.B.
D’ailleurs je crois que le Pape n’a pas fait de reproches aux traducteurs.
Et ce livre d’entretiens de 6 heures n’est pas une encyclique, c’est un livre d’entretiens et en plus de courte durée.