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L'Eglise : François

Le pape François aime-t-il les prêtres ?

Le pape François aime-t-il les prêtres ?

Le père Danziec pose la question dans Valeurs Actuelles :

Depuis son accession au trône de Pierre en 2013, dans le contexte tout à fait particulier de la renonciation de Benoît XVI, le pape François mène l’Eglise universelle à sa manière. Singulière. Inattendue. Et transgressive. A tout le moins, en dehors des sentiers habituellement lisses de la communication vaticane. 

Si l’on devait donner la coloration du pontificat actuel, trois couleurs domineraient la palette bergoglienne. Le vert d’abord, en lien avec son combat en faveur de l’écologie, l’encyclique Laudato si’ et sa dernière lettre apostolique Laudate Deum en témoigent. Le pape accorde une telle place aux questions environnementales que ses positions sur le sujet ont pu donner le sentiment d’être un simple supplément aux propos de Greta Thunberg ou de l’ONU.

Le rouge ensuite, eu égard au combat de François pour les migrants qu’il considère comme les premières victimes de la « mondialisation de l’indifférence ». Le 8 juillet 2013, en se rendant sur l’île de Lampedusa pour son premier voyage officiel, le message est explicite. Son objectif ? Affirmer que la mer Méditerranée est devenue le grand cimetière d’Europe.

Comme troisième et dernière couleur, nous trouvons enfin le noir, en rapport avec son combat contre le cléricalisme. Le terme « cléricalisme » pourrait se définir comme le mauvais usage, dans le clergé, d’une responsabilité, l’ecclésiastique la vivant non comme un service mais comme un pouvoir. Si l’on comprend l’idée et si l’on ne doute aucunement que les prêtres soient des pécheurs comme tout le monde – et donc qu’ils aient besoin de se réformer – on peine cependant à comprendre et à suivre la méthode des sorties de François sur la question. Ses propos récurrents contre le cléricalisme laissent en effet parfois perplexe. L’impression gênante qu’il a dans le viseur la constitution hiérarchique de l’Eglise s’ajoute à son parti-pris contre l’orientation classique du jeune clergé occidental. A l’heure où les entrées au séminaire se tarissent, quand des âmes généreuses ne demandent qu’à servir le Christ dans la fidélité à la tradition de l’Eglise, un peu d’encouragement serait pourtant appréciable.

Lors de son premier Jeudi Saint en tant que pape, il critiquait durant son homélie « les prêtres tristes » devenus amers devant la sécularisation et « convertis en collectionneurs d’antiquité ». En septembre 2019, lors de son voyage au Mozambique, au cours d’une rencontre avec des jésuites il se confie :

« Le cléricalisme a une conséquence directe sur la rigidité. N’avez-vous jamais vu de jeunes prêtres tout raides en soutane noire et chapeau en forme de planète saturne sur la tête ? Derrière tout ce cléricalisme rigide, il y a de sérieux problèmes ». 

En juin 2022, le rédacteur en chef chargé des religions au Figaro, Jean-Marie Guénois, dressait le portrait de catholiques de France désemparés par la défiance du pape vis-à-vis de tout ce qui est « conservateur » ou « tradi ». François venait alors d’effectuer une visite en Sicile et de reprocher au clergé local son goût pour les vieux ornements et les dentelles sur leurs aubes : « Mais où sommes-nous ?… Soixante ans après le concile ! » fustigeait-il.

Tout récemment, le mercredi 25 octobre dernier, le pape argentin se laissait aller à une improvisation publique devant les 400 personnes participant au fameux synode sur la synodalité (synode qui ambitionne de revoir la gouvernance de l’Eglise, et notamment le rôle des évêques et des prêtres) :

« Il suffit d’aller chez les tailleurs ecclésiastiques de Rome pour voir le scandale des jeunes prêtres imposant des soutanes et des chapeaux ou des aubes avec dentelle ! Le cléricalisme, c’est un fléau, c’est une forme de mondanité qui salit et abîme le monde ».

Sans même chercher à jouer sur les contrastes, comme il semble loin le temps où le pape Jean-Paul II adressait chaque Jeudi Saint une lettre à ses frères prêtres. Benoît XVI de son côté avait fait de 2009 une « année sacerdotale » et délivrait à cette occasion un enseignement de haute volée sur l’identité du prêtre et la vocation presbytérale. C’était il y a seulement 15 ans.

A écouter la parole du pape François sur les prêtres, il est pourtant difficile de déceler le point d’équilibre. Quel est « son » modèle type de prêtre ? Don Camillo portait la soutane et un chapeau romain sans que cela l’empêche de sentir l’odeur de ses brebis, sans que cela l’empêche d’être proche des habitants de sa paroisse, des habitués de la messe dominicale jusqu’au conseil municipal dirigé par Peppone en personne. Le saint Curé d’Ars, prêtre lyonnais de la fin du XIXe, immensément célèbre dans l’Eglise pour son zèle et son exemplarité, dépensait toutes ses économies dans les plus précieux tissus de Lyon et les plus belles dentelles de Tulle afin d’embellir les cérémonies dans son église. Ami et serviteur des pauvres, il ne cherchait pas pour autant à faire misérable en matière liturgique.

Dans un monde sécularisé où la mentalité postmoderne relègue la question de la vie éternelle à la marge, les prêtres de 2023 vivent habituellement leur ministère dans une solitude héroïque : souvent incompris dans leurs aspirations, parfois suspectés par leurs contemporains, généralement trop peu soutenus par leur hiérarchie. La sortie récente au cinéma du documentaire Sacerdoce redore leur blason. Et c’est heureux ! A juste titre, l’évêque de Chalons, Monseigneur Touvet, se réjouissait sur le réseau social « X » de la sortie de ce film réalisé par un évangélique, présentant « des prêtres jeunes, heureux, des hommes normaux qui ont tout donné pour donner le Christ aux autres. Des prêtres qui vivent au milieu de leur peuple et partagent la vie des gens, tout en étant toujours prêts à élever les cœurs vers le Ciel ». Et d’ajouter : « Montrez-le aux jeunes ! Il nous fait aller à l’essentiel ». Pour cette raison, et pour tant d’autres, on peut espérer que ce documentaire change en effet le regard de nombreux jeunes sur le sacerdoce. Mais aussi, pourquoi pas, celui de François sur ses prêtres.

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