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L'Eglise : Léon XIV / Pays : Liban

Le Pape Léon XIV est reparti du Liban en semant ses mots : « Vous êtes aussi forts que les cèdres de vos montagnes ! »

Le Pape Léon XIV est reparti du Liban en semant ses mots : « Vous êtes aussi forts que les cèdres de vos montagnes ! »

De notre Envoyé spécial Antoine Bordier, auteur de la quadrilogie Arthur, le petit prince

Du haut de la passerelle de son avion, il adresse une dernière bénédiction, un dernier regard, un dernier sourire au Liban qui se dresse devant lui, avec ses collines, ses montagnes, ses rivages, ses villages et ses villes gorgés d’histoires millénaires. Il souhaite que le peuple qu’il a visité vive « uni ». Le pèlerinage de l’homme en blanc, que certains appellent « l’ange blanc » se termine : trois jours et deux nuits au Liban. Pendant sa visitation-éclair, il a été touché en plein cœur par les témoignages des Libanais qui ont été blessés par le blast de la déflagration du port de Beyrouth, le 4 août 2020. Il a été touché par cette « résistance » qui émane de tous les Libanais et, notamment, du peuple chrétien. Lors de la Sainte Messe pour la Paix et la Justice, il a déclaré :

« Chers chrétiens du Levant, je vous invite à regarder vers le ciel pour voir le Seigneur qui arrive. Soyez des artisans de la paix, des héraults de la paix, des témoins de la paix. »

Reportage sur une visite papale « angélique ».

Il est reparti hier, le 2 décembre. Son avion a décollé de Beyrouth à 13h49, en direction de Rome. L’artisan de paix a semé tout au long de ces trois jours ce bien si précieux au Liban souvent représenté par la colombe blanche, le drapeau blanc et le rameau d’olivier : la PAIX !

Il a terminé sa visitation par une halte plus qu’émouvante au port de Beyrouth en rencontrant les familles des victimes du 4 août. Puis, il s’est rendu sur le front de mer, pour y célébrer la Sainte Messe. Là, plus de 120 000 personnes l’attendaient. Dès 5h00 du matin, la foule des pèlerins se mettait en marche pour rencontrer le « faiseur de paix », « un homme providentiel » pour beaucoup.

En communion avec les victimes du 4 août 2020

Le ciel fait grise mine ce matin lorsque le Pape Léon XIV se rend au chevet des victimes des explosions du port de Beyrouth. Le ciel est triste. Là, une stèle de granit noir sculptée aux noms des 235 morts a été déposée. Combien de blessés ? Des milliers. Combien de déplacés et de foyers soufflés par le blast de l’explosion ? Des dizaines de milliers.

Le pape retient ses larmes, son émotion est très vive. Il pleure intérieurement avec les rescapés, les blessés, les survivants de cette terrible soirée. Une femme se jette dans ses bras et pleure sans s’arrêter. Il la réconforte avec douceur et profondeur. Et lui redonne son énergie.

« Qui m’a touché ? » demande le Christ lorsqu’il a senti qu’une force était sortie de lui, après avoir été, effectivement, touché par cette femme, malade. Ses disciples répondent : « Mais regarde toute cette foule qui te presse… ». Là, le pape fait la même chose, « l’homme en blanc » devient le « médecin des cœurs, des âmes et des corps ». Il prie, réconforte et prononce ces quelques mots : « Je porte en moi la douleur et la soif de vérité et de justice de tant de familles, de tout un pays ».

Vu du ciel, le lieu de l’explosion a gardé les stigmates de cette terrible tragédie. Sur 200 mètres de blocs de béton délimitant la chaussée ont été déposées les photos et les noms de ces 235 morts. Des martyrs ! Ici, cette terre sacrée est devenue un chemin de croix, les stations y sont nombreuses : 235 !

Cinq ans après, les survivants ont gardé une soif intacte et grandissante : celle de connaître la vérité. Celle d’obtenir une justice bien maigre face aux traumatismes. La justice se tait et son silence n’est pas monastique, il est traumatique. Il est une deuxième peine.

Le traumatisme d’un peuple-martyr

Il y a deux ans, nous avions enquêté et interviewé feu le docteur Robert Sacy (décédé à 73 ans le 13 mai 2024). Il faisait partie des victimes du 4 août 2020. Est-il mort des suites de cette explosion ? Ce qui est certain, c’est qu’il a vu souffler son hôpital, l’Hôpital gouvernemental de la Quarantaine, comme un château de carte.

Il témoignait ainsi :

« Je venais de rentrer à mon domicile, et à la première explosion, j’ai vu toutes les vitres de ma maison tomber. Je marchais sur un tapis de verre. A la seconde explosion, j’ai été projeté contre un mur. Puis, j’ai essayé de me rendre à l’hôpital de la Quarantaine. Mais, c’était impossible car les routes étaient bloquées par les débris de voitures démolies et les arbres arrachés. C’était l’apocalypse. Les nouvelles de l’hôpital étaient horribles. Les bébés des couveuses ont été transportés dans un camion de l’armée vers un hôpital de la banlieue de Beyrouth. En pédiatrie, tous les parents avaient spontanément évacué leurs familles. Le temps de me rassurer sur ma fille, j’ai retrouvé ma femme, mon frère et sa famille tous plus ou moins gravement blessés par le blast. C’était l’enfer. »

Comme le Christ, le pape a voulu rejoindre toutes ces victimes pour les sortir définitivement de l’enfer. 

Une Messe et 120 000 fidèles  

De l’enfer au Paradis, il n’y a finalement qu’un mot, qu’une parole, qu’un verbe : « Tu seras avec moi dans le Paradis ! ». Entre l’enfer et le Paradis, il y a une messe, celle qui est célébrée par l’ange blanc. Alors que 120 000 fidèles ont pris place (il y en avait près d’un million à la messe de Jean-Paul II en 1997), l’homme en blanc recouvert de sa chasuble violette, aux couleurs de l’Avent, avance tenant dans sa main gauche sa belle crosse dont l’extrémité se termine par la croix. Une croix qui ressemble étrangement à celle de Jean-Paul II.

Dans l’assistance, les personnalités les plus importantes du pays ont pris place avec le Président Joseph Aoun et son épouse, Neemat, avec le Premier ministre Nawaf Salam et son épouse, Sahar Baassiri. Il faut ajouter la plupart des ministres de son gouvernement et les personnalités du monde religieux.

Plus loin, dans l’assistance, des anciens ministres comme Vrej A. Sabounjian, ministre de l’Industrie, Vartiné Ohanian, ministre de la Jeunesse et des Sports, et des personnalités de la société civile, comme Roger Nasnas, l’ancien président du Conseil économique et social, Damien Kattar, économiste, consultant en stratégie et ancien ministre, viennent d’arriver. Des scouts, des moines, des religieuses et de nombreuses, des collégiens et des lycéens, des jeunes et des familles déambulent et se dirigent vers leur place. Aux abords de la nef en plein air, des chaises resteront tristement vides. La musique liturgique reprend de plus belle, c’est le chant d’entrée en arabe qui proclame le Jugement et la Justice de Dieu ! Le pape prononce en français le signe de la croix.

« Liban, relève-toi ! Sois une prophétie de paix pour tout le Levant ! »

Après la lecture de l’Evangile de saint Luc (10, 21-24) en arabe, où le Christ proclame : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits », le pape prononce son discours, en français.

Extraits : « Au terme de ces journées intenses que nous avons partagées dans la joie, nous rendons grâce au Seigneur pour les nombreux dons de sa bonté, pour la manière dont Il se rend présent au milieu de nous, pour la Parole qu’Il nous offre en abondance et pour ce qu’Il nous a donné de vivre ensemble. » Dans un silence de cathédrale en plein air, ou plutôt dans un silence des plus monastiques propre à celui de saint Charbel, le pape n’a pas fait d’envolée lyrique et a invité simplement les Libanais à « contempler la beauté du Liban chantée dans les Ecritures ». Il a rappelé que cette beauté était chantée dans le Cantique des Cantiques. Il a ralenti sa locution en rappelant que « cette beauté est assombrie par la pauvreté et les souffrances, par les blessures qui ont marqué votre histoire (…) elle est assombrie par les nombreux problèmes qui vous affligent, par un contexte politique fragile et souvent instable, par la crise économique dramatique qui vous oppresse, par la violence et les conflits qui ont réveillé d’anciennes peurs ».

Comme s’il restait marqué par son pèlerinage de la veille au monastère Saint-Maron d’Annaya, là où saint Charbel a vécu, le pape évoque la petite lumière, celle qui est propre au saint :

« La Parole du Seigneur, cependant, nous invite à trouver les petites lumières qui brillent au cœur de la nuit, pour nous ouvrir à la gratitude et pour nous inciter à nous engager ensemble en faveur de cette terre ».

Une visitation-éclair pour un Message de Paix

Christine Dezarnaud Dandine, qui est enseignante, docteur en physique à la Faculté des sciences de Paris, à Jussieu, est venue de France tout spécialement « pour vivre ce moment historique ». Elle est ici pour communier avec le peuple libanais « que j’adore ». Elle évoque, également, le vœu de Saint Louis, roi de France, qui a vécu sur ces terres de Levant de 1250 à 1254, lui, le « défenseur des chrétiens ». Elle vient au Liban depuis 40 ans. « J’ai vu le Liban en souffrance, et, aujourd’hui, je le vois en joie. » La question qui se pose : est-ce que cette joie va durer ? Christine qui est accompagnée de sœur Germaine Bechara, une sœur antonine, directrice du Collège Notre-Dame des Sœurs Antonines, à Kfarchima, à la croisée des terres chrétiennes, chiites et druzes, répondent ensemble : « Oui, nous sommes dans l’allégresse et une grande joie. Cette joie va durer avec la grâce de Dieu ! ». Les deux femmes sont resplendissantes, alors qu’elles repartent de l’esplanade.

C’est certain, à n’en pas douter, les 3 jours du Pape Léon XIV en Terre Sainte libanaise resteront dans les annales. Sa visitation rappelle celle du Pape Jean-Paul II, qu’il a cité à plusieurs reprises. En délivrant son message, il a fait référence à celui de son prédécesseur qui avait dit en 1997 :

« Il vous appartient de faire tomber les murs qui ont pu s’édifier pendant les périodes douloureuses de l’histoire de votre nation ; n’élevez pas de nouveaux murs au sein de votre pays. Au contraire, il vous revient de construire des ponts entre les personnes, entre les familles et entre les différentes communautés. Dans votre vie quotidienne, puissiez-vous poser des gestes de réconciliation, pour passer de la méfiance à la confiance ! Il vous revient aussi de veiller à ce que chaque Libanais, en particulier chaque jeune, puisse participer à la vie sociale, dans la maison commune. Ainsi naîtra une nouvelle fraternité et se tisseront des liens solides, car pour l’édification du Liban. »

C’est ce qu’est venu faire Léon XIV : il a fait tomber les murs de haine, il a visité le peuple libanais, il a pansé les plaies des déshérités et il a rempli d’espérance une nouvelle génération de missionnaires et de pacifiques.

Il repart dans la joie, avec un regret : « Je pense à toutes ces régions que je n’ai pas pu visiter, notamment le Sud qui vit dans l’instabilité. »

Laissons le dernier mot au Président Aoun

Toujours accompagné de sa femme, véritable chef d’orchestre de ces 3 jours, lors de la cérémonie d’adieu, Joseph Aoun lui livre son dernier discours officiel :

« Cette visite marquera la mémoire du Liban et de son peuple. Vous avez exprimé un message d’espoir et de paix. Vous êtes venus au Liban avec un message de paix et de réconciliation, et avez assuré que ce petit pays reste un exemple d’unité et de coexistence. Nous avons perçu votre volonté de voir ce pays rester un havre de réconciliation et de paix. Je vous dis que votre message a été bien reçu et que nous continuerons à rechercher la paix. Nous espérons que nous resterons dans vos prières, parce que ce peuple croyant mérite la vie et la paix ! »

Reportage réalisé par Antoine BORDIER

Copyright des photos A. Bordier et Présidence du Liban

Fin de la quadrilogie : Le Pape Léon XIV au Liban !

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  1. J-1 avant la venue historique du Pape Léon XIV au Liban
  2. Jour J de la visite historique du Pape Léon XIV au Pays des Cèdres
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