Le Parlement a adopté définitivement jeudi, par un vote “conforme” de l’Assemblée, la proposition de loi Gatel qui renforce l’encadrement des écoles libres hors contrat, soutenue par le gouvernement comme un outil contre “l’embrigadement” islamiste.
Outre la majorité LREM-MoDem et l’UDI-Agir-Indépendants, la proposition a eu l’appui de LR, pour qui elle respecte l'”équilibre” entre contrôle et liberté d’enseignement. Les Insoumis ont voté contre, Alexis Corbière, enseignant de profession, jugeant qu’elle “rate son objectif”.
Le texte prévoit notamment un dispositif de déclaration unifié pour ouvrir un tel établissement, allonge le délai pour s’opposer à une ouverture avec une liste des motifs étoffée. Les sanctions sont alourdies si un établissement brave une opposition. Le seul amendement adopté, gouvernemental, a écarté une disposition adoptée en commission pour empêcher une personne inscrite au fichier des personnes recherchées de diriger un établissement hors contrat. Les autorités administratives pourront recourir au motif d’ordre public dans un tel cas, a notamment assuré le ministre.
Le député LR Patrick Hetzel a expliqué pourquoi ce texte est bien meilleur que celui qui avait été proposé à l'origine :
"[…] La réécriture du texte, telle qu’opérée par le Sénat, est très positive et permet de clarifier le droit existant tout en le rendant plus opérant, plus opérationnel, avec l’actualisation notamment des motifs d’opposition et le renforcement du contrôle a posteriori.
L’article 1er détaille la procédure déclarative de création d’un nouvel établissement scolaire. Celui-ci est ouvert dans un délai de trois mois s’il n’y a pas eu d’opposition de l’administration pour des motifs d’ordre public ou de protection de l’enfance et de la jeunesse. C’était là un point majeur de vigilance de notre groupe parlementaire car en matière de liberté d’enseignement, on ne saurait – pardon, monsieur le ministre – confier l’essentiel au pouvoir réglementaire. Le texte a strictement et précisément défini les motifs de l’exercice par l’État du droit d’opposition à l’ouverture d’une école, et cela nous paraît être une bonne chose.
La finalité de la proposition de loi est bien de renforcer les moyens de l’ordre public et de protéger les enfants contre des dérives radicales, mais pas de s’immiscer dans les choix pédagogiques ou, moins encore, d’administrer pédagogiquement les établissements privés sur la base d’un modèle unique qui aurait été défini rue de Grenelle. Je sais, monsieur le ministre, que vous n’avez pas cette tentation et les propos tenus à cette tribune par d’autres intervenants montrent bien que nous sommes attachés comme vous à la diversité, qui est une chose importante.
Il y a un lien très fort entre liberté de l’enseignement et liberté pédagogique, et l’on ne saurait contraindre la seconde sans porter atteinte à la première. Aussi les membres du groupe Les Républicains du Sénat ont-ils souhaité – et nous partageons bien évidemment cette orientation ici, à l’Assemblée nationale – que soit impérativement écartée des motifs d’opposition toute référence à la pédagogie. Les contributions d’un réseau tel qu’Espérance banlieues sont à cet égard très pertinentes, car c’est bien la liberté qui lui a permis d’innover et de montrer que les choses pouvaient évoluer dans le bon sens.
Parmi les motifs d’opposition, la formule retenue par le Sénat est donc la bonne : « s’il ressort du projet de l’établissement que celui-ci n’a pas le caractère d’un établissement scolaire ». En effet, avoir le caractère d’un établissement scolaire, c’est assurer les objectifs et les missions de l’enseignement scolaire, principalement l’acquisition d’un socle commun que doit garantir la scolarité obligatoire, quelle que soit la pédagogie choisie pour y parvenir – je vous renvoie à ce propos à l’article L. 122-1-1 du code de l’éducation, auquel se réfère la proposition de loi pour ce qui concerne le contrôle. C’est aussi dispenser un enseignement conforme au droit de l’enfant à l’instruction.
Pour une plus grande sécurité juridique du dispositif, le Sénat est ainsi allé jusqu’à définir les modalités du contrôle, et donc les pièces constitutives du dossier d’ouverture, tout en rappelant son attachement au respect de la liberté pédagogique. C’est, comme nous l’avons déjà dit, un point capital. Il est donc prévu que la déclaration précisera « l’objet de l’enseignement conformément à l’article L. 122-1-1 dans le respect de la liberté pédagogique, précisant l’âge des élèves ainsi que, le cas échéant, les diplômes ou les emplois auxquels l’établissement les préparera ».
Par ailleurs, la procédure administrative a été simplifiée par la création d’un guichet unique auprès des services de l’État, autre avancée qui mérite, elle aussi, d’être saluée. Les délais de délivrance de l’accusé de réception du dossier – il est immédiat, et fait courir le délai de réponse – et le délai de constatation de pièces manquante – quinze jours – sont définis dans le texte aux alinéas 22 et 23, ce qui empêche toute obstruction de telle ou telle administration. Nous avons en effet constaté qu’il pouvait y avoir là une difficulté : il ne faut pas la négliger.
Une distinction peut désormais être faite entre la personne qui souhaite ouvrir l’établissement et son directeur. C’est là aussi une clarification majeure, car les conditions pour fonder ou ouvrir sont assouplies, ce qui ouvre la porte à des profils novateurs, et donc à une diversification de l’offre éducative. Enfin, les sanctions en cas de manquement ont été alourdies, ce qui montre bien l’attachement à l’équilibre précité.
La nouvelle rédaction de l’article 2 visant à renforcer le contrôle a posteriori des établissements hors contrat est intéressante et répond directement à l’objectif de sécurité publique. En effet, c’est une fois l’école ouverte et après au moins une année d’existence que les services de l’État seront le plus à même de se rendre compte de l’existence d’un éventuel risque pour l’ordre public. Le texte prévoit que le contrôle est mis en œuvre sous l’autorité conjointe du préfet et des services de l’éducation nationale, et non plus des seuls services de l’éducation nationale, orientation qui permet d’éviter certaines dérives qui ont pu être constatées.
Ce texte ne doit en aucun cas être le cheval de Troie de ceux qui considèrent que l’école devrait être unique et uniforme. Les propos tenus par M. Corbière m’ont, à cet égard, quelque peu choqué. Notre groupe veillera donc à ce que cette vigilance accrue de l’administration ne se transforme pas en tracasseries administratives inutiles pour les établissements et que, s’agissant de l’enseignement à proprement parler, le regard porté sur la pédagogie mise en œuvre le soit dans les limites prévues.
Quant à l’article 3, il détaille les conditions de diplômes et d’expérience exigibles des personnes qui dirigeront un établissement scolaire privé, puis celles exigibles pour enseigner dans ces établissements. Le texte opère une simplification aussi importante que salutaire en unifiant totalement les conditions applicables aux fonctions de direction pour le premier et le second degrés. En matière de conditions de diplômes et d’expérience, les exigences ne peuvent pas excéder celles qui s’appliquent aux contractuels du public sans être contraires à la liberté d’enseignement. La licence et cinq années d’expérience dans l’enseignement sont proposées ici, conditions qui nous semblent être acceptables, d’autant que des dérogations sont explicitement prévues pour ne pas fermer à la porte à des profils intéressants. […]"