Tribune Libre de Thierry Breton pour Infos-Bordeaux :
"Mardi 7 janvier 2015. Onzième arrondissement de Paris. Les journalistes de Charlie Hebdo sont en train de boucler le journal. La « une » est illustrée par une caricature de Le Pen en porc. La manchette se veut racoleuse : « Le Pen, comme les cochons ! Plus y devient vieux, plus y devient con ». Ha ! Ha ! La liberté de la presse. Soudain, tout bascule. Deux skinheads armés de fusils d’assaut font irruption. Les coups de feu crépitent. Les victimes s’effondrent. C’est un carnage. Douze morts gisent sur le sol. Les rescapés sont achevés d’une balle dans la tête. Un des assaillants s’écrit : « Le Pen est grand ». Le second hurle : « Le Pen vengé ».
La tragédie a duré 10 minutes. Une voiture démarre en trombe. Les assassins sont déjà loin. La nouvelle se répand comme une trainée de poudre. Des militants nationalistes, ayant crié « Le Pen est grand », viennent de commettre un attentat meurtrier, d’une rare barbarie, en plein Paris. Les réactions sont immédiates. Unanimes. Un seul mot d’ordre : pas d’amalgame. Alain Juppé est le premier à réagir : « Nous sommes menacés par la lepénophobie ». Cécile Duflot enchaîne : « Cela n’a rien à voir avec le nationalisme ». Alain Duhamel ajoute : « Je souffre pour tous les nationalistes qui voient leur idéologie, de paix, d’amour et de tolérance, salie par des terroristes ». François Hollande appelle à « l’unité nationale. La France doit se réunir sans aucune exclusive ». Tous les dirigeants du Front National sont invités à témoigner pour exprimer leur dégoût et dire que « cet attentat porte atteinte aux valeurs qu’ils portent ». Noël Mamère est en duo sur France 2 avec Bruno Gollnisch pour clamer qu’il « ne le confond pas avec les assassins du onzième arrondissement ». Le cri ne cesse de raisonner. Pas d’amalgame ! Pas d’exploitation politique ! Pas de stigmatisation ! Pas de généralisation !
Délire ? Oui. Le « pas d’amalgame » ne vaut que pour l’islam. Si les tueurs avaient été nationalistes ou chrétiens, tendance traditionaliste, la condamnation du nationalisme ou du traditionalisme dans leur globalité aurait été unanime. La classe politique et la caste médiatique ne se seraient pas embarrassées. Dénonciation de l’idéologie ou de la religion qui tuent. Demandes de dissolution et d’interdiction. Manifestations monstres pour vilipender « le fascisme assassin ». Nationalistes criminels ! Cathos intégristes à fusiller ! Tous dans le même sac. Tous à flinguer pour « protéger la République en danger » ! Rien de tout cela après la boucherie d’aujourd’hui. Le refrain est le même depuis Mohamed Merah. Depuis le massacre de Mehdi Nemmouche. Depuis les drames de Dijon, de Jouy les Tours, et de Nantes. Depuis le départ de milliers de Djihadistes pour la Syrie. Depuis la proclamation du califat. Tout cela n’a rien à voir avec l’islam. Un petit peu, quand même ? Non. Rien. Absolument rien. Des détraqués. Des loups solitaires. Des paumés. Mais surtout pas des musulmans.
Les balles tuent. Mais on peut y échapper. Le déni de réalité tue tout autant. Mais la France finira par en crever. Cela importe peu. L’essentiel est ailleurs. Dans un slogan : « Pas d’amalgame »."