Sur Claves, l’abbé Renard, FSSP, a rédigé un article en deux parties, ici et là, retraçant la vie du P. Eugène de Villeurbanne (1904-1990), religieux capucin confronté aux réformes de son ordre, fondateur des Capucins de Morgon aujourd’hui proche de la Fraternité Saint-Pie X. Dès la fin des années 1940, l’ordre des Capucins fut confronté à une profonde crise et tous les couvents, dès les années 1950, envisagent de modifier le mode de vie qui remonte pourtant à saint François lui-même. Sa résistance aux évolutions internes de son ordre fait penser à un capucin italien contemporain, bien plus célèbre, Padre Pio, qui refusa aussi toutes les évolutions de la règle au point d’en être persécuté. C’est le même sort qui attendait le père Eugène, alors que les Capucins abandonnent l’habit, l’oraison, la pauvreté, le silence, le retrait du monde…
Pendant des années, le père Eugène s’évertuera à obtenir l’accord des autorités pour ouvrir une maison de stricte observance, s’appuyant sur l’un des maîtres-mots de l’aggiornamento en cours : le « pluralisme de formes », chacun devant pouvoir vivre en capucin selon sa propre compréhension de l’esprit de saint François. Sans succès. En 1972, les autorités de l’Ordre finirent par autoriser quelques pères à mener une vie conforme aux constitutions primitives dans un couvent à Besançon. Mais, et l’on retrouve étrangement la lettre du motu proprio Traditionis Custodes, ces religieux devraient partager la vie d’autres capucins « nouvelle façon », être en minorité, le supérieur du couvent ne devant pas être choisi parmi les capucins « traditionnels », et surtout, l’ouverture d’un noviciat était interdit. Il s’agissait donc d’un « mouroir » pour les capucins de stricte observance.
Le père Eugène est donc parti s’installer dans une maison mise à sa disposition dans l’Ain. Des procédures visant à son expulsion de l’Ordre capucin furent engagées. Il transféra cette fondation en 1983 à Morgon, où les capucins sont encore, alors que le reste de l’ordre s’est complètement délité… Je ne peux m’empêcher de relayer cette anecdote terriblement d’actualité : un jour, un homme qui assistait à sa messe se vit refuser la communion dans la main et vint trouver le Père à la sacristie pour s’en plaindre. Mais notre religieux, non sans malice, et ayant remarqué l’alliance que l’homme portait au doigt, lui répliqua :
« Cher Monsieur, vous avez reçu le jour de votre mariage le droit de prendre dans vos mains le corps de votre femme, et moi, le jour de mon ordination, celui de prendre dans les miennes le corps eucharistique de Jésus. Essayez donc de prendre dans vos mains la sainte hostie, et j’irai prendre dans les miennes celui de votre femme ! »