D’Antoine de Lacoste sur Boulevard Voltaire :
Le 11 novembre dernier, un prêtre catholique arménien, le père Joseph-Ibrahim Bedoyan, a été assassiné avec son père. Ils circulaient sur une route située à l’est de la Syrie, reliant Qamishli à Deir ez-Zor. Une moto s’est approchée et a fait feu, les tuant sur le coup. Un diacre, à l’arrière de la voiture, n’a été que blessé.
Daech a aussitôt revendiqué l’attentat et l’authenticité de cette revendication ne fait aucun doute puisqu’elle a diffusé l’identité du prêtre avec précision.
L’enterrement a eu lieu le lendemain, à Qamishli, où le père Bedoyan avait sa paroisse. Une foule nombreuse de chrétiens a assisté à la messe célébrée par plusieurs prêtres arméniens. Très actif, le père Bedoyan se rendait à Deir ez-Zor pour organiser la reconstruction d’une église. La route était réputée dangereuse mais il tenait à cette jonction entre deux communautés chrétiennes si éprouvées.
D’ailleurs, le lendemain même de l’assassinat, plusieurs attentats se sont produits à Qamishli, faisant 6 morts et de nombreux blessés. Toutes les bombes étaient situées à proximité d’églises chrétiennes, comme l’a souligné L’Œuvre d’Orient dans un communiqué.
Quant à Deir ez-Zor, c’est une ville symbole. Tout d’abord, c’est là que de nombreux Arméniens ont été envoyés par les Turcs et les Kurdes en 1915, au moment du génocide, pour y mourir de faim et de soif. Plus récemment, Deir ez-Zor fut le siège d’une résistance héroïque face à Daech. Les islamistes avaient pris la majeure partie de la ville en 2014 mais n’ont jamais pu prendre le reste, où étaient réfugiés 90.000 personnes dont de nombreux chrétiens. Soldats et civils combattirent avec acharnement, sachant bien le sort qui les attendait en cas de reddition ou de défaite. Le général Zahreddine, qui commanda avec brio 7.000 soldats, fut tué juste après la levée du siège. Celle-ci fut rendue possible par une offensive de l’armée syrienne en septembre 2017, appuyée par la Russie, tant sur terre que dans les airs. Après deux mois de durs combats au cours desquels un général russe trouva la mort, la ville fut libérée.
Mais les combats et la sauvagerie des islamistes avaient endommagé ou détruit de nombreuses églises. Les reconstructions ont commencé et c’est à cette tâche, entre autres, que se consacrait le père Joseph-Ibrahim Bedoyan. Il était juste de lui rendre hommage.