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L'Eglise : Vie de l'Eglise

Le professeur Grillo et la détestation du monde traditionnel

Le professeur Grillo et la détestation du monde traditionnel

De Philippe Pelissier pour le Salon beige:

Le Salon beige a déjà parlé de l’entretien du Prof Grillo à Messa in Latino (traduit ici par Yves Daoudal), mais il me semble utile d’y revenir.

1 – qui est Andrea Grillo ?

N’ayant qu’une connaissance tout à fait superficielle de l’Italie contemporaine, j’associais le nom de Grillo à un comique plus ou moins passé en politique. Je crois cependant avoir fait une erreur car il semblerait que le Grillo interviewé par le blog Messa in latino, soit en fait un honnête homme, marié et père de deux enfants qui gagnerait sa vie comme professeur de liturgie à Rome – et pas n’importe où puisqu’il s’agit de l’institut des Bénédictins : Saint-Anselme. Quoi qu’il en soit, la lecture de la prose de Monsieur Grillo nous conduit à passer du rire aux larmes et témoigne finalement que la confusion entre le comique et le liturgique n’était pas entièrement injustifiée. Si on me demandait mon avis sur la façon dont le professeur Grillo a répondu aux questions du blog Messa in latino, je répondrais “qui suis-je pour juger ?” En effet qui suis-je pour juger un professeur de Saint-Anselme ? Cela dit “qui suis-je pour juger ” n’est pas au cœur de la réflexion ni de l’expression de Monsieur Grillo qui nous explique plutôt ce que nous devons penser et ce que nous vous devons faire … Par exemple, il commence en qualifiant de ” totalement erroné” le motu proprio Sumorum Pontificum et n’hésite pas à juger le pape Benoît XVI et à le condamner …

2 – l’unité de l’Eglise

On voit aussi dans cette interview que, pour lui, l’unité de l’Église se réduit à la fidélité à Rome et à ses figures présentes – et surtout repose sur une conception particulièrement rigide de la liturgie et de la discipline ecclésiale. Par exemple, il nous explique que le catholique authentiquement fidèle à Rome devrait impérativement acquérir le ” langage rituel ” (sic) selon ce que Rome a communément établi et qui refléterait étroitement et exclusivement l’enseignement du Concile Vatican II. Alors qu’un observateur, même superficiel, des réalités catholiques sait qu’existent depuis de nombreux siècles de multiples formes rituelles. Benoît XVI en a même créé une pour les Anglicans souhaitant rejoindre l’Eglise catholique – comme Jean-Paul II en avait approuvé une autre pour les Zaïrois (redevenus congolais depuis). Et François lui-même envisage de le faire pour les Amazoniens.  Ex-Anglicans, ex-Zaïrois et Amazoniens seraient donc infidèles au pape en refusant d’employer son langage rituel ? Et hier dominicains, chartreux, prêtres diocésains de Lyon ou de Milan auraient-ils été en rupture avec Rome parce qu’ils auraient usé d’un missel qui n’était pas celui du Pape ? Ou alors faudrait-il imaginer que le Professeur Grillo aurait clandestinement fréquenté le séminaire d’Ecône ? En effet, il semble considérer qu’il y a d’un côté le missel de Paul VI expression d’une interprétation complètement novatrice de la foi catholique issue du Concile de 1962-65 et, d’un autre côté, l’ancien Missel qui serait synonyme de refus du magistère récent de la hiérarchie catholique ? Dans une formule appréciable, il ne connaît qu’une seule boussole ” una cum papa ” Quiconque n’est pas dans l’obéissance absolue à Rome ne serait à ses yeux qu’un ” bavard“. Dira-t-on que j’exagère si je qualifie ce jugement méprisant de digne d’un instituteur de CM2 parlant d’un de ses élèves ? On apprend en outre que Monsieur Grillo considère que les formes rituelles sont historiques et l’essence de la tradition serait son aptitude au changement ! et oui regarder vers le passé c’est se préparer à changer … ne faudrait-il pas que le Professeur commence à réfléchir aux futurs changements et après tout le retour à la Tradition ne pourrait-il pas être la nouvelle conception de la liturgie ? suffirait-il que le Pape change d’avis demain pour qu’il adopte un nouveau discours ? Au passage, la sainte Ecriture n’est elle pas elle-même un peu ancienne ? faut il en changer ? 

3 – qui sont les fidèles attachés à la liturgie traditionnelle ?

Cela dit, « Qui suis-je pour juger » Monsieur Grillo qui est non seulement liturgiste mais aussi statisticien. Il nous explique en effet que les 18 000 pèlerins de Chartres ne pèsent rien en comparaison du milliard de catholiques. Peut-on lui suggérer respectueusement qu’une comparaison plus légitime pourrait porter leur nombre à celui des pèlerins de la forme ordinaire qui marchent (ou plutôt qui marchaient) de Paris vers Chartres il y a quelques années dont le nombre est aujourd’hui tombé à zéro ? Faut-il aussi comparer ce nombre à celui des pèlerins qui vont de Chartres vers Paris et dont le nombre n’est que de 6000 – or ces 6000, en effet, sont bien des adeptes exclusifs de l’ancien Missel et des adversaires résolus de la nouvelle liturgie et de l’Eglise telle qu’elle fonctionne depuis le dernier Concile. Le professeur Grillo ne devrait-il pas se préoccuper de savoir que, parmi les 18 000, au moins la moitié pratique habituellement ou occasionnellement dans la forme rénovée ? Avec une certaine franchise (ou une certaine inconscience ?) ; il n’hésite pas d’ailleurs à étendre son discours de haine à certains de ceux qui pratiquent dans la forme rénovée mais qui n’ont pas l’heur de lui plaire. En effet, manifestement l’Eglise de Monsieur Grillot n’est pas ouverte à “todos todos todos” car, dans la suite dans son interview, notre professeur condamne très violemment le “fondamentalisme“, la recherche de l’identité et les langues mortes (en oubliant ce que St Jean XXIII puis le Concile lui-même ont enseigné sur la valeur de la langue latine). La liste semble longue de ceux qu’il veut exclure ! il est très loin du saint Père qui en 2019 demandait de respecter les « groupes sociaux marginalisés » (15 novembre 2019). Au Pape de construire des ponts – tandis que M Grillo préfère manifestement les murs. Le professeur de Saint-Anselme semble également disposer d’informations très précises sur les opinions politiques et les origines sociales des fidèles attachées à la liturgie traditionnelle (à moins qu’il ne se borne à exhaler des préjugés un peu rance ?). Manifestement, ces opinions politiques lui déplaisent profondément – tout comme leur sociologie –  mais, dans son discours de haine assez systématique, le professeur oublie que depuis 1965 nous sommes devenus des chrétiens adultes qui pensons par nous-mêmes et voulons choisir nos orientations politiques librement.

4 – une liturgie purement intellectuelle ?

On notera également la volonté du Professeur de rompre le lien entre la liturgie et la sensibilité humaine. On a vraiment l’impression qu’il considère la messe comme une construction intellectuelle sans rapport avec des coutumes, les apparences ou simplement les émotions qui caractérisent la vie humaine. Pour lui il n’y a aucun rapport entre la liturgie et l’architecture d’une église. Et d’ailleurs, il ne voit pas un seul instant que la forme rénovée pourrait avoir été très fortement marqué par l’esthétique des années 70 mais peut-être qu’il ne voit pas non plus que l’être humain n’est pas un pur esprit complètement coupé des formes et des sentiments. Plus audacieusement, le Professeur n’hésite pas à affirmer que la Tradition serait « une facilité ». Tous ceux qui ont passé quelques jours au Barroux ou à  Fontgombault comme tous ceux qui qui marchent de Paris à Chartres ou appliquent « Humanae vitae » pourront méditer sur le concept de facilité proposé par le Professeur… Je ne crois d’ailleurs pas que les zélateurs du Concile  auraient sincèrement adhéré à l’idée que la Tradition était facile et que le but pastoral du Concile aurait été de proposer aux fidèles une voie nouvelle et moins facile que la Tradition. Au passage, le Professeur aurait-il oublié que selon l’Evangile « Mon joug est léger » !

5 – pour conclure

Pour conclure, ce monsieur Grillo n’est pas seulement professeur de liturgie, il se présente aussi comme un théologien. Lorsqu’il emploie ce mot, revient alors à notre esprit cette belle formule du pape François qui nous avait expliqué que ” Dieu n’était pas théologien“. Manifestement Andrea Grillo n’est pas Dieu !

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