Au coeur de l’enthousiasme agitant une partie des chrétiens lors des célébrations des cinq cents ans de la Réforme, il est judicieux d’inviter à la fête un témoin anglais de poids, plus autorisé à prendre part à un tel anniversaire puisque ancien protestant libéral antidogmatique, successivement unitarien, moderniste, agnostique, anglican, anglo-catholique (en somme tout ce que le protestantisme a su exprimer en ses multiples mutations), devenu farouchement catholique. Témoin considérable certes, mais aussi viscéralement drôle, quand bien même la gravité de son parcours peut parfois gâcher les sourires d’une commémoration. Le génie dérangeant de Chesterton n’a pas besoin d’avocat pour se défendre. Il le fait seul, et d’une manière constamment paradoxale, quitte à nous arracher à nos léthargies intellectuelles. L’on apprécie ici particulièrement les introductions, remarques et commentaires de Wojciech Golonka, au goût d’un lecteur avisé ou non.
L’auteur de cet ouvrage, Wojciech Golonka, titulaire d’une thèse en philosophie soutenue en 2013 à l’Université Jagellonne à Cracovie, écrit :
Historiquement le protestantisme luthérien avec son principe de pecca fortiter, credo fortius – si tu pèches fort, crois encore plus fort (pour être sauvé) – contribua largement à la décadence des moeurs sous la Réforme. C’est aussi une conséquence du libre examen protestant : chacun interprétant la Bible selon sa conscience, le protestantisme voit apparaître une multitude de morales subjectives, correspondant en réalité à d’objectives dégénérescences. Alors que Luther, impuissant à rétablir les vertus chrétiennes à Wittemberg, s’en désole, pour pallier le problème Calvin instaure à Genève une tyrannie religieuse, caractérisée par l’austérité des moeurs :
Notre progrès, depuis l’échec du franc paganisme de Luther et son remplacement par le puritanisme de Calvin, n’a pas été un progrès, mais un emprisonnement, si bien que tout ce qui nous restait de beau et d’humain a progressivement diminué.
Cette morale rigoriste, inhumaine, c’est-à-dire contraire aux aspirations légitimes de notre nature, fut appliquée par la suite dans les pays ayant adopté le calvinisme. On parla alors du puritanisme aux Pays-Bas et en Angleterre puis aux Etats-Unis (où allèrent se réfugier les puritains expulsés d’Angleterre) ainsi que du sabbatarianisme en Ecosse. Il y eut aussi des formes mitigées, plus ou moins apparentées au calvinisme, comme par exemple le jansénisme en France.