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France : L'Islam en France

Le recteur Chems-eddine Hafiz : de la crédibilité douteuse d’une parole musulmane

Le recteur Chems-eddine Hafiz : de la crédibilité douteuse d’une parole musulmane

Le recteur Hafiz Chems-eddine est un homme important de l’islam en France. Né à Alger et franco-algérien, il est recteur de la Grande Mosquée de Paris depuis le 11 janvier 2020 et membre de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). Avocat de formation, il s’était spécialisé dans le droit international des affaires et a créé l’Association Euro-Maghreb des avocats de droit d’affaires dont il est président d’honneur.

Déjà officier dans l’ordre national du Mérite depuis 2012 ce qui n’est pas rien, il est promu le 14 juillet 2022 au rang d’officier de la Légion d’honneur par M. Emmanuel Macron, pour lequel, c’est vrai, il avait appelé à voter trois mois plus tôt. Et le même M.Macron le décore lors d’une visite à la grande mosquée le 19 octobre 2022.

Par communiqué du 24 octobre 2023, M.Hafiz a rappelé que

« L’exportation de produits carnés en Algérie soumise à la certification Halal de la Mosquée de Paris. Depuis le 1er janvier 2023, la Grande Mosquée de Paris dispose en effet d’un mandat exclusif, délivré par les autorités Algériennes, pour certifier la licéité Halal des produits consommables et non consommables exportés vers l’Algérie ».

Avocat d’affaires un jour, avocat d’affaires toujours. Et le halal, c’est bon pour le communautarisme et c’est bon pour le bizness.

Cet homme important est bien sûr l’objet de sollicitations médiatiques.

Le 30 octobre 2023, il était interrogé par TSA, journal électronique algérien basé à Alger. Ses propos sont entièrement conformes à la doxa algérienne, ne contiennent aucune condamnation des attentats et massacres du 7 octobre ni bien sûr le terme « terrorisme » ; presqu’au contraire puisqu’il parle de guerre :

« Le lendemain du 7 octobre 2023, j’ai publié un communiqué demandant l’arrêt de cette guerre terrible et de faire la paix dans cette région du monde ».

Dans cet entretien, Chems-Eddine Hafiz revient sur l’appel à la paix qu’il a lancé avec le Grand Rabbin M.Haïm Korsia (« Avec le Grand Rabbin, nous avons déclaré qu’il ne s’agissait pas d’une guerre de religion, opposant les juifs aux musulmans »), fustige la « guerre sainte » du premier ministre israélien Benyamine Netanyahou et regrette l’impact du conflit sur les musulmans de France. Il évoque par ailleurs « une politique [israélienne] de relégation, si ce n’est de disparition du peuple palestinien ».

C’est dans ce cadre, et « pour entendre des paroles d’apaisement et de paix » comme l’introduisait le présentateur, que le Live TOUSSAINT réunissait, le 26 octobre sur BFMTV le recteur de la grande mosquée de Paris et le grand rabbin de France.

De bien belles paroles sont échangées, bien sûr. La prestation de M.Korsia est restée de bonne courtoisie. Interrogé par M.Toussaint : « Est-ce qu’on est face à une guerre de religion ? Est-ce que c’est ça au fond qu’on ne veut pas dire », il répond (9’) :

« C’est faux. Parce ce je voudrais voir quelle religion demande d’égorger des enfants et des femmes. Si on imagine un instant que ce serait une guerre de religion, alors, dîtes-moi quelle religion prônerait ça ? Donc, ce n’est pas une guerre de religion ».

Et quand on lui parle de la montée des faits antisémites, il rappelle curieusement « cette augmentation des faits antisémites qu’on avait détectée aussi au moment du covid » (11’30).

Ceci étant, et à propos de l’accès des personnes aux lieux saints de Jérusalem, M.Korsia rappelle que (15’)

« quand les lieux saints de Jérusalem étaient sous administration jordanienne, les juifs avaient accès de façon incroyablement parcimonieuse au mur des Lamentations. Quand Israël a récupéré tous les lieux saints, la première chose qu’il a faite, c’est d’interdire aux Juifs de monter sur l’esplanade du Temple, il a permis l’accès à tous les lieux de culte ».

M.Hafiz se croyant alors obligé de rappeler que « c’est le cas du troisième calife de l’islam, Omar ; lorsqu’il est entré à Jérusalem » (bon ça remonte quand même à 634-644…). De même, M.Korsia a rappelé qu’il y avait zéro juif dans la bande de Gaza et 20% d’arabes (dont sans doute une forte proportion de musulmans) en Israël.

Concernant M.Hafiz et beaucoup de ses propos, nous avouons ressentir comme un léger sentiment de gêne. Une gênance comme on dit paraît-il maintenant parfois.

Reprenons quelques propos en question après qu’il a, comme souvent, replacé la religion musulmane dans la lignée d’ « Abraham, l’ancêtre de tous nos monothéismes », un peu comme pour en être gratifié d’une quelconque légitimité.

A partir de 5’50’’, verbatim :

« Il est anormal qu’un musulman soit antisémite. Ce n’est pas possible. Parce que notre livre sacré, le coran, notre prophète Mahomet a toujours déclaré que Moïse, Moussa, est son frère en religion. C’est-à-dire qu’on ne peut pas aujourd’hui, lorsque nous tournons les pages du coran, lorsque nous lisons les versets coraniques, lorsqu’à chaque page, dans chaque verset, pratiquement on cite tous les grands prophètes israélites, comment aujourd’hui Mohamed peut s’attaquer à Haïm ? Ce n’est pas normal, ce n’est pas possible. Et on voit dans l’histoire depuis quatorze siècles aujourd’hui, depuis que l’islam a été révélé, il n’y a pas eu des actes antisémites je dirais « organisés » même dans les pays musulmans. Nous venons tous les deux d’Algérie. Est-ce qu’il y a eu des progroms dans ce pays ? Est-ce qu’il y a eu, je dirais, des attaques contre les juifs ? [tentative avortée de M.Korsia d’en placer une] Il y en a eu peut-être mais du fait de la guerre d’Algérie [M.Korsia arrive à dire : « à Oran, c’est le principal »].

Le recteur de corriger :

« A Oran, il n’y en a pas eu. Voilà l’essentiel [en arrière-fond, M.Korsia récidive mais faiblement : « Mais il y en a eu »]. Donc aujourd’hui, moi je voudrais quand même attirer l’attention de notre communauté ici en France, puisque nous sommes des citoyens, je voudrais qu’en tant que citoyens, on ne puisse pas aujourd’hui dire que juifs et musulmans s’opposent. Moi personnellement, je me battrai tous les jours pour que l’antisémitisme ne passe pas par les mosquées ».

Décortiquons un peu et commençons par Moïse (Moussa en arabe) : son nom figurant dans le coran serait ainsi une grande marque d’impossibilité pour l’islam d’en vouloir aux juifs. En réalité, Moussa, dans le coran, est (comme indiqué d’ailleurs par le recteur) le frère en religion de Mahomet ; c’est-à-dire musulman. Cela ne veut pas dire, âme naïve, que Mahomet considère qu’un juif est le frère en religion de Mahomet. Et lorsque M. Hafiz dit encore  « lorsqu’à chaque page, dans chaque verset, pratiquement on cite tous les grands prophètes israélites », tous ces noms le sont car ils sont considérés comme musulmans. Donc encore frères en religion. Pour l’islam, le monde est musulman depuis sa création par Allah. Ce sont les juifs qui ensuite ont corrompu l’œuvre d’Allah et la figure de Moïse pour en faire un prophète juif. Et c’est d’ailleurs pour redresser cette corruption que le coran a été « révélé » à Mahomet, pour revenir aux fondamentaux musulmans.

On retrouve exactement le même usage de la même confusion volontaire quand (8’20’’) M.Hafiz indique :

« Ce n’est pas possible aujourd’hui d’aller puiser dans notre religion pour attaquer un juif. Ce n’est pas possible. Il y a simplement un hadith, je le rappellerai, c’est la parole du Prophète, qui dit : « Ne me préférez pas à nos grands frères Jésus et Moïse ». C’est quand même un mot très fort et que j’aimerais rappeler à tout un chacun ».

Encore une fois, quand Mahomet cite Jésus et Moïse, il cite des prophètes 100% musulmans.

Quant au « Ce n’est pas possible aujourd’hui d’aller puiser dans notre religion pour attaquer un juif », il nous semble que tout récemment M. Yassin El Himar, le sémillant imam de Beaucaire, a publié sur son compte Facebook un autre hadith rapporté par al-Boukhari (un auteur fort réputé de hadiths) :

«Vous combattrez les juifs et aurez le dessus sur eux de sorte que la pierre dira: ô musulman ! Voici un juif caché derrière moi… Viens le tuer.»

C’est ballot. D’autant plus que ce texte pourrait donner un commencement de réponse à l’interrogation de M.Korsia sur une éventuelle guerre de religion.

Au fait, coïncidence parfaite, M.Gilles Kepel, dans le numéro de novembre 2023 du mensuel Causeur, cite ce même hadith en réponse à la question

« L’antijudaïsme musulman qui est antérieur à l’histoire d’Israël est-il constitutif de l’islam ? » : « Tout dépend de l’interprétation, comme dans toutes les religions. Vous avez ce fameux hadith attribué à Mahomet et très souvent cité selon lequel, à la fin des temps, il n’y aura plus qu’un musulman et un juif ; le juif se cachera derrière un arbre, et l’arbre dira : « Oh musulman, le juif est caché derrière moi. Viens et tue-le ! ». Des gens qui prennent des choses pareilles au pied de la lettre sont parfaitement motivés à commettre des massacres comme ceux du Hamas ».

Passons maintenant à la phrase sur la soi-disant absence d’actes antisémites organisés dans les pays musulmans « depuis que l’islam a été révélé ». Reportons nous juste (et on aurait pu reprendre d’autres sources historiques) au livre de l’historienne Bet Ye’Or  Le dhimmi. Profil de l’opprimé en Orient et en Afrique du nord depuis la conquête arabe (Les Provinciales, 2017, pp. 34/35). On rappellera que Mahomet est parti de La Mecque pour s’installer à Médine en 622 où il y avait plusieurs tribus juives :

« En 624, fort d’un nombre accru d’adhérents, Muhammed somme l’une des tribus juives de Médine, les Qaynuqa, de reconnaitre sa mission prophétique. Comme ils refusaient, il les assiégea. L’intercession de leur protecteur, converti à l’Islam, sauva la vie des vaincus ; ils furent toutefois expulsés de Médine tandis que les Musulmans s’appropriaient leurs maisons et tous leurs biens. L’année suivante, la tribu juive Banu Nadir subit un sort semblable ; Muhammed incendia et rasa leurs palmeraies, puis confisqua tous leurs biens au bénéfice de la communauté des Croyants.

En 627, des Mecquois se coalisèrent et vinrent assiéger les Musulmans à Médine. Un soir d’orage, ils repartirent sans livrer bataille. Conduit par l’ange Gabriel, Muhammed se tourna alors contre la tribu juive restante, les Qurayza, qui avaient observé une correcte neutralité. Les Juifs refusant de se convertir, Muhammed les assiégea et remporta la victoire. Des tranchées furent alors creusées sur la place du marché à Médine et les Juifs -600 à 900 selon les sources musulmanes- amenés par fournées, y eurent la tête tranchée. Tous les hommes furent ainsi exterminés, excepté un converti à l’Islam…. »

Encore ballot !

Pour ce qui s’est passé ensuite, nous ne ferons pas une exégèse exhaustive, à considérer le nombre de siècles et le nombre de régions concernées. Par facilité, nous nous reportons à quelques commentaires réunis par M.Ferghane Azihari dans un texte paru sous Twitter. A propos de la prétendue absence totale d’actes antisémites, il cite en particulier l’historien Georges Bensoussan et son livre Juifs en pays arabes : « « Le premier basculement dans la condition des Juifs de l’Orient musulman a lieu au XIIe siècle en Afrique du Nord avec la poussée almohade et à l’est avec la percée des Mamelouks ». C’est dans ce contexte de persécution religieuse que le célèbre philosophe juif Maïmonide écrira avec emphase : « Vous savez déjà, mes frères, qu’en raison de nos péchés, Dieu nous a placés parmi ces membres de la nation d’Ismaël qui nous persécutent avec sévérité et qui inventent toujours de nouvelles façons de nous faire du mal et de nous humilier ». Ainsi persiste dans le monde musulman ce que M.Bensoussan nomme une « rage d’humilier »… Aussi, contrairement à ce que raconte le recteur de la grande mosquée, l’amateur en histoire peut recenser des pogroms et de nombreuses violences sporadiques dans la longue histoire du monde musulman. Citons par exemple le massacre de Grenade en 1066 où la population juive fut massacrée [NDLR : mais comment ? On nous avait pourtant vanté la douceur du vivre-ensemble dans Al Andalus… !], le pogrom de Fès en 1465… »

Bet Ye or déjà citée relève aussi ce massacre de 1066 en précisant environ 3000 victimes, et y ajoute un autre à Fez en 1033 (« plus de 6000 Juifs furent massacrés ») et termine par :

« Au Maroc, en Algérie, au Yemen, durant les périodes d’instabilité et aux changements de règne, les quartiers juifs étaient pillés, les hommes massacrés, les femmes enlevées et rançonnées par la soldatesque ou les tribus descendues des montagnes » (p. 54).

Et finalement,

« ce système d’oppression et d’avilissement [le dhimmi] couvrit un espace et une période immenses. Le mépris pénétra les mœurs, modela les traditions, les modes de pensée, les comportements. Les habitudes s’instaurèrent sans qu’il y eût peut-être loi spécifique ». (p.68)

Continuons le décorticage : concernant « Moi personnellement, je me battrai tous les jours pour que l’antisémitisme ne passe pas par les mosquées » , retenons qu’apparemment M. Hafiz a du boulot parce que le même M. Azihari dans sa note indiquait qu’en 2022, une étude de la Fondapol estimait que « 61% des musulmans qui se rendent à la mosquée toutes les semaines estiment que les Juifs ont trop de pouvoir dans le domaine de l’économie et de la finance contre 40% parmi les non-pratiquants ». En effet, les mosquées ne sont pas seulement des lieux de prière mais aussi d’enseignement et de prêches souvent à portée politique. C’est d’ailleurs M.Chems-eddine Hafiz qui écrivait tout récemment :

« J’ai personnellement écrit le prêche du dernier vendredi, lu par 150 imams de la Grande Mosquée de Paris dans toute la France, priant Allah de libérer nos frères à Gaza, de les soutenir et demandant justice et la fin de l’agression, rappelant les valeurs de l’islam en ces moments difficiles. Dans ce prêche que j’ai écrit, j’ai considéré la résistance du peuple palestinien comme légitime pour obtenir ses droits fondamentaux ».

Allons plus avant dans les propos du recteur lors de la même émission  :

“On n’est pas là pour jeter de l’huile sur le feu. Mais moi, je vais vous dire que l’islam, l’islam, déjà avant les lois sur la guerre, le Prophète de l’islam, le premier calife avaient donné les règles d’un conflit : ne jamais s’attaquer à des civils, ne jamais les prendre en otage, avoir une certaine forme de bienveillance à l’égard des prisonniers, jusqu’à dire ne pas arracher les arbres parce que à l’époque, la vie était sacrée ».

Reconnaissons que les bras nous sont un peu tombés puisque justement, plus haut, nous avions cité Mme Bet Ye’Or  et sa description de l’attaque de la tribu juive Banu Nadir, dont, nous dit-elle, Muhammad « rasa leurs palmeraies ». Et d’ailleurs, juste après et sans doute pour faire bonne mesure, le récit continue :

« En 628, profitant d’un traité de non-belligérance avec les Mecquois, Muhammed attaqua Khaibar, oasis cultivée par des Juifs. Les assaillants arrivèrent la nuit devant l’oasis et attaquèrent au matin les paysons qui allaient aux champs, la pelle sur l’épaule et chargés de paniers. Les palmiers furent incendiés et rasés. Au bout d’un mois et demi de siège, les agriculteurs juifs capitulèrent aux termes d’un pacte, la dhimma. Par la suite, toutes les communautés juives et chrétiennes d’Arabie se soumirent aux Musulmans au termes d’une dhimma semblable à celle de Khaibar » (Bet ye or, id. p. 35).

Toujours ballot.

Pour finir sur cette émission et la prestation de M.Hafiz, relevons qu’il n’hésite pas à déclarer que Jérusalem est « cet espace qui est le berceau de notre monothéisme » (16’), ce qui est bien sûr faux puisque le berceau de l’islam est La Mecque voire aussi bien sûr à Médine (même si Jérusalem est pour l’islam une ville sainte, avec en particulier un voyage nocturne attribué à Mahomet, et caractère que nous ne lui dénions en rien).

Ca fait quand même un peu beaucoup.

Et d’autant plus que Mme Florence Bergeaud-Blackler, anthropologue et auteur d’un récent « Le Frérisme et ses réseaux. L’enquête », qui lui vaut le besoin d’une protection policière ce qui est bien normal quand on traite d’un sujet de paix et d’amour, remarquait lors d’un tweet le 1er novembre :

Extrait de ce « Communiqué de presse du Recteur de la grande mosquée de Paris, Chemeddine Hafiz en réaction aux critiques qui lui ont adressées [sic] suite à son passage sur BFM TV en compagnie du grand rabbin de France Haim Korsia » :

« Cette fois-ci, je suis la cible d’une campagne mensongère, menée par des parties louches, motivées par des règlements de compte honteux et des conspirations visant à ternir l’image de la Grande Mosquée de Paris et à diffamer ma personne…. Mon objectif en participant à cette émission était de convaincre l’opinion publique et les politiciens français de la nécessité urgente de la paix à Gaza, de l’arrêt immédiat des tirs, de mettre fin aux bombardements meurtriers sur cette ville martyre, de protéger tous les civils… Deuxièmement, je n’ai jamais commenté la nature terroriste du Hamas ou non [sic !]… La bataille que nous devons mener ensemble comporte deux aspects : surmonter la peur et la haine envers les musulmans en Europe et convaincre l’opinion publique du terrorisme meurtrier que subissent les Palestiniens… Cette mission est un serment que je prends devant vous en tant qu’homme appartenant à une famille révolutionnaire qui a payé un lourd tribut pendant la guerre de libération en Algérie. Votre frère Chemseddine Mohammed Hafiz, recteur de la Grande Mosquée de Paris ».

Intéressante, l’allégeance algérienne. Elle nous a fait penser à ce speech du même M.Hafiz, introductif à une journée d’étude théologique donné à la grande mosquée de Paris le 23/12/2020. L’assistance ? Quelques dizaines d’hommes, sans doute tous imams et sans doute nombreux à être franco-algériens.  M. le recteur termine ainsi :

« La France n’a pas d’imam. Les imams, c’est vous. C’est ça également votre mission. Vous êtes mis à la disposition de l’état algérien, vous êtes mis à la disposition de l’état français. L’état français, c’est vous les imams cet état. Il faut également que vous puissiez prendre en considération cette mission de travail actuelle de la GMP. Et l’honneur de l’Algérie, ne l’oubliez surtout pas ».

C’est peut-être un peu compliqué, la double nationalité, parfois… Mais pour un décoré de l’ordre national du Mérite et de l’ordre de la Légion d’honneur…

Alors, d’autres aspects de M.Hafiz reviennent en mémoire. Il était, en France, président du comité de soutien à M.Bouteflika pour sa campagne présidentielle de 2014. Rappelons que la république algérienne ne reconnait pas Israël. Avocat, en 2002, pour le compte de la Grande Mosquée de Paris, il assigne devant le tribunal de grande instance de Paris l’écrivain Michel Houellebecq pour « complicité de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’un groupe de personnes en raison de son appartenance à une religion » et « injure ». En 2006, il assigne l’hebdomadaire Charlie Hebdo qui a publié les caricatures de Mahomet parues dans le Jyllands-Posten et traitant de façon satirique le prophète de l’Islam.

Le 23 octobre 2021,  M.Hafiz avait organisé dans son institution parisienne un concours de mémorisation. Là où d’autres font apprendre Le corbeau et le renard, M. le recteur fait, lui, apprendre les hadiths d’Al-Nawawi qui s’ornent des quelques extraits suivants, parfaitement fraternels, bienveillants voire inclusifs :

  • Le hadith 8 « Le caractère sacré du musulman» : « L’Envoyé de Dieu a dit : « il m’a été ordonné de combattre les hommes jusqu’à ce qu’ils témoignent qu’il n’est d’autre divinité qu’Allah, et que Mohammed est Son Envoyé, qu’ils accomplissent la prière rituelle, qu’ils acquittent l’aumône. S’ils exécutent ces choses, ils seront, à mon égard, garantis quant à leurs personnes et à leurs richesses, à moins qu’ils ne transgressent (ouvertement) la loi de l’Islam, mais Dieu règlera le compte de leurs (intentions vraies) ».
  • Le hadith 14 « L’inviolabilité du sang du musulman» [où il faut peut-être aussi comprendre que le sang des non-musulmans n’est pas si inviolable que ça] : « Il n’est pas licite de faire couler le sang du musulman, sauf s’il s’agit d’un des trois coupables que voici : le marié qui commet l’adultère, le meurtrier qui subira le sort de sa victime, et l’apostat qui se sépare de la communauté musulmane ».
  • Le hadith 17 « La généralité du bel-agir» : « Selon Aboû Yala Chaddâd ben Aoûs, l’Envoyé de Dieu a dit : « Allan a prescrit le bel-agir dans toute chose. Quand vous tuez, faites-le de façon parfaite. Quand vous égorgez une bête, faites-le de la manière la plus douce : aiguisez bien votre lame et accordez à la victime le temps suffisant pour mourir ». Où l’on comprend que parler du bel-agir semble renvoyer ipso facto au fait de tuer.

La lumière de ces hadiths, si importants qu’il faut que les petits musulmans les sachent par cœur, éclaire étrangement cette phrase extraite d’un entretien accordé par M.Hafiz à la revue Décideurs Magazine en mars 2022. Interrogé sur la façon de contrer les discours radicaux, M. le recteur (qui met carrément sur le même plan les musulmans radicaux voire terroristes et M.Zemmour qui les dénonce : « Éric Zemmour et les islamistes sont les deux faces d’une même pièce et se renforcent mutuellement »), explique sa solution :

« En revenant aux fondamentaux des préceptes coraniques et en affirmant que tous les versets et les hadiths parlent de paix, de bienveillance, d’égalité, de vivre ensemble et d’humilité ».

Vraiment trop ballot.

Rappelons, pour faire bonne mesure, que le 13 août 2022, au lendemain de la tentative d’assassinat de Salman Rushdie (dans la foulée de la fatwa lancée contre lui par l’imam Khomeini), Chems-Eddine Hafiz avait publié le tweet suivant : « Les Croyants se prosterneront alors que les mécréants ne le pourront guère, leur dos restera raide et lorsque l’un deux souhaitera se prosterner, sa nuque partira dans le sens inverse comme faisaient les mécréants dans ce monde, contrairement aux Croyants », ce qui n’avait généralement pas été interprété comme un soutien franc et massif à l’écrivain…

Allez, une petite cerise sur le gâteau : vous vous rappelez les épisodes si pacifiques de Mahomet au moment de son installation à Médine avec les tribus juives ? Eh bien, sachez que le 7 octobre 2023, des recteurs de mosquée, imams et autres présidents d’associations islamiques européens, réunis pour créer une nouvelle association AMMALE (Alliance of Mosques, Muslim Associations and Leaders in Europe), ont adopté une résolution finale. Dans cette résolution, outre bien évidemment la réécriture de l’histoire européenne à la sauce musulmane (« nous ne pouvons pas oublier les musulmans bâtisseurs qui ont contribué à construire cette belle et tolérante Europe… Il est important de rappeler que les citoyens musulmans en Europe constituent une partie intégrante e son passé… »), on trouve cette comparaison si engageante : « AMMALE s’inspire du modèle de la première mosquée de l’histoire de l’islam, celle de Médine, bâtie par le Prophète Muhammad, premier noyau de la société musulmane, avec tout ce que cela implique comme missions tant sur le plan religieux, culturel et social, comme de relations pacifiques avec d’autres communautés de croyance ». « Pacifiques » ! Mais où vont-ils chercher tout ça ?

Et vous savez qui cette assemblée générale constitutive (d’ailleurs réunie à la grande mosquée de Paris) a nommé comme président du conseil de coordination AMMALE ? M.Chems-eddine Hafiz, qui y milite d’ailleurs pour une société française multiculturelle (La mission d’AMMALe « est de chercher comment le discours religieux islamique et le comportement d’un musulman peut intégrer les spécificités de la société française et de toute autre société multiculturelle »).

Alors, avec tous ces biais, ces escamotages et ces contre-vérités, comment accorder la moindre confiance aux dires de M. le recteur même éventuellement empreints de la plus grande charité ?

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