Extrait du sermon de l'abbé Iborra de dimanche dernier :
"[…] Un réveil pour quoi faire ? C’est la question que nous pouvons nous
poser maintenant que la loi est passée. Ce vote rend-il a posteriori
toute cette mobilisation inutile ? Faut-il désormais sagement rester
chez soi ? Vous savez bien que non. Et pas – comme le craignent certains
– parce que l’esprit des zélotes et autres sicaires d’il y a 2000 ans
se serait subitement emparé de nous pour renverser le régime :
l’exemple omniprésent et presque quotidien des « veilleurs » nous montre
le contraire. Renverser le régime, mais pour mettre quoi à la place
d’ailleurs ? Vous savez que la quasi-totalité du personnel politique
actuel manque précisément de cette culture de la transcendance qui seul
peut faire une politique respectueuse du bien commun. Non, cette
mobilisation n’a pas été inutile. Elle est le début d’une résistance
pacifique à l’oppression, marquée à la fois par des coups médiatiques
pour attirer l’attention du plus grand nombre – nos jeunes s’y emploient
avec le plus grand humour – et par un travail patient de formation des
consciences qui nous incombe. Comme le disait notre archevêque, « Nous
ne devons plus attendre des lois civiles qu’elles défendent notre vision
de l’homme. Nous devons trouver en nous-mêmes, en notre foi au Christ,
les motivations profondes de nos comportements. La suite du Christ ne
s’accommode plus d’un vague conformisme social. Elle relève d’un choix
délibéré qui nous marque dans notre différence ».Qu’est-ce qui nous permet d’espérer ce réveil de la chrétienté ? La
liberté. « Liberavit Dominus populum suum ». Ce verset d’Isaïe, dans
l’introït de la messe – le seul élément commun à nos deux formes
liturgiques en ce dimanche – ne fait pas seulement référence à un acte
du passé qui ne concernerait que l’Israël de jadis, à savoir la sortie
d’Egypte. S’il est inscrit dans notre liturgie, c’est qu’il concerne le
nouvel Israël que nous formons. « Liberavit Dominus populum suum ».
C’est bien sûr pour nous, en ce temps de Pâques, l’acte par lequel Dieu,
dans la croix de son Fils, a libéré son nouveau peuple, l’Église, de
l’esclavage du péché et de la mort. C’est bien un acte du passé. La
libération s’est produite, nous sommes bien libres. Notre libération
n’est pas seulement située dans un lointain futur, à la fin de temps,
quand aura passé la figure de ce monde et qu’alors elle connaîtra sa
plénitude. Elle n’est pas non plus seulement située dans un futur plus
proche, celui de l’histoire, comme le pensent tous les idéalistes, comme
le croient aussi ceux qui vont défiler en ce 5 mai, aveuglés par
l’idéologie marxiste, et qui nous apporterait enfin le « confort ».Mais parce qu’elle s’est produite dans le passé sur un plan
surnaturel, elle nous donne d’être libres y compris au cœur de la
servitude temporelle, celle qu’ont connue tous les martyrs dans leurs
fers. Dieu nous a libérés pour que nous soyons libres comme les trois
jeunes gens du livre de Daniel dans la fournaise ardente. Cette liberté
intérieure au milieu des liens possibles – les menottes de la garde à
vue – nous donne précisément d’être au service de la libération
intégrale, celle qui fructifie dans le royaume de Dieu et qui, peut-être
mais pas nécessairement, passera par le rétablissement d’institutions
conformes à la vérité sur l’homme. Dieu, en effet, nous a libérés pour
toujours par sa grâce du repli instinctif du pécheur sur lui-même. Il
nous a libérés de l’égoïsme. Il a fait de nous des serviteurs de son
grand dessein de salut. Nous avons été rendus libres pour rendre
témoignage en toutes circonstances à la Vérité. C’est à nous désormais
qu’il convient de prendre à bras le corps le sort de la société tout
entière. […]