L’abbé Davide Pagliarani, actuel supérieur général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, a donné un entretien paru dans la revue « The Angelus » de novembre-décembre 2024. En voici des extraits :
[…] Ce qui est peut-être nouveau depuis quelques années, c’est le regard que portent les catholiques perplexes sur la Fraternité. Aux yeux de beaucoup, la Fraternité est dédiabolisée. On ne la voit plus comme une église parallèle, schismatique ou en voie de le devenir, ni comme un groupuscule en réaction contre la modernité, fermée sur ses habitudes passéistes, et incapable de vivre avec son temps. Aujourd’hui, sa situation est souvent enviée, et les trésors dont elle vit convoités. Bref, elle est un point de repère pour beaucoup. Les fidèles qui la découvrent sont attirés par sa prédication, sa liturgie, la charité de ses prêtres, la qualité de ses écoles, l’atmosphère de ses chapelles. Et de plus en plus, la Fraternité permet aux fidèles et aux prêtres de redécouvrir les trésors de l’Église. Cela est très encourageant. […]
Quel est le plus grand danger auquel les catholiques traditionnels sont confrontés aujourd’hui ? En quoi sont-ils le plus vulnérables ?
La première chose à laquelle je pense, c’est la menace de l’esprit du monde, fait de confort, de matérialisme, de sensualité, de mollesse. Nos fidèles, et les membres eux-mêmes de la Fraternité, sont des hommes comme les autres, blessés par le péché originel, et il est important de ne pas sous-estimer naïvement la corruption possible de la vie chrétienne dans l’âme de tout catholique, que ce soit par le biais du respect humain, de l’indifférence, de l’égoïsme ou de l’impureté. Il faut tout faire pour s’en préserver soi-même, et pour en préserver la jeunesse en particulier. Cela passe par l’étude des problèmes concrets qui se posent aujourd’hui, notamment à cause de l’accès généralisé à internet, trop souvent cloaque aussi bien moral qu’idéologique. L’invasion des écrans et leur usage incontrôlé doivent faire l’objet d’études sérieuses, afin qu’il y ait une prise de conscience des problèmes que cela pose, et la mise en place de saines réactions pour limiter les dégâts et les prévenir toujours davantage.
Un autre point à souligner peut-être, chez les fidèles qui ont toujours été traditionalistes, c’est le risque de s’endormir dans le confort d’une situation acquise par les efforts de leurs aînés. C’est le danger du relâchement. Il me semble qu’au contraire, les efforts de nos aînés nous obligent. Les facilités plus grandes que nous avons aujourd’hui pour accéder aux trésors de la messe et de la Tradition, nous sont données pour nous permettre d’en vivre toujours davantage. Non pour nous relâcher et nous reposer sur nos acquis. Les âmes à sauver sont toujours aussi nombreuses, et le combat pour elles, plus fort et nécessaire que jamais. Le temps et les facilités dont nous disposons devraient nous inciter à travailler avec plus d’application encore à notre propre sanctification et au développement des œuvres apostoliques. Il est besoin d’une grande générosité en ce sens, et surtout d’une façon d’être apôtres qui soit absolument et résolument surnaturelle.
Enfin, un dernier danger peut-être, c’est celui de vivre dans le confort intellectuel de celui qui sait qu’il a raison, et qui en vient à juger avec dédain « ceux qui ont tort ». D’une part, la nécessité de la formation est universelle, et l’on a souvent tort de croire qu’on n’a plus rien à apprendre, au contraire. Il est indispensable de continuer à se former sur les sujets importants, où tout catholique se doit d’être lumineux pour éclairer les autres. D’autre part, il est toujours délétère de juger les autres inférieurs sous prétexte qu’ils ont moins reçu. Au contraire, un catholique digne ce nom, et animé d’une charité authentique, devrait avoir à cœur d’accueillir avec bienveillance ceux qui sont dans l’ignorance, afin de pouvoir les aider à avancer dans la découverte de la vraie foi. Une charité vécue, bienveillante, patiente, fait plus pour le rayonnement de la foi que les discours savants, mais encombrés de critiques peu amènes et condescendantes. […]