De Guillaume de Thieulloy dans Les 4 Vérités :
Parmi les points du programme politique de François Bayrou qui pourraient lui assurer une relative bienveillance du Rassemblement national, la plupart des commentateurs s’accordent à placer l’instauration du scrutin proportionnel pour les élections législatives. On sait en effet que ce sujet est un combat commun au Béarnais et au RN. Pour ma part, je continue à être très réservé sur cette réforme. Certes, il serait souhaitable que l’Assemblée nationale représente mieux le corps électoral (et que, par exemple, un vote RN ne « rapporte » pas environ deux fois moins de députés qu’un vote NFP). Mais la proportionnelle donne le pouvoir aux apparatchiks des partis et cela me semble un « progrès » discutable! D’autant que le principal intérêt de la proportionnelle pour le RN est d’éviter les combines d’entre deux-tours et que cet objectif peut aisément être obtenu avec un scrutin majoritaire à un tour – qui ne présente pas le même inconvénient de retour au régime des partis.
Mais ce qui m’étonne surtout, c’est qu’il semble que le RN continue à réclamer la proportionnelle, alors que, de toute évidence, ce scrutin ne vise aujourd’hui qu’à l’empêcher d’exercer le pouvoir. Dans les années 1980 ou 1990, on comprenait aisément que le FN soit favorable à ce scrutin, lui qui était systématiquement éliminé par le scrutin majoritaire à deux tours. Mais, aujourd’hui, le scrutin proportionnel donnerait une Assemblée nationale assez proche de l’actuelle, divisée entre trois grands blocs. Certes, le RN sortirait sans doute en tête, mais il ne
pourrait pas davantage gouverner que la Macronie aujourd’hui.
J’entends que certains dirigeants du RN rêvent d’un scrutin proportionnel avec prime majoritaire comme cela existe dans les scrutins locaux. Mais, outre que l’on voit mal pourquoi leurs adversaires (qui sont, que je sache, majoritaires) leur offriraient ce cadeau, la comparaison avec les scrutins locaux ne se justifie nullement: la prime majoritaire sert à rendre gouvernables les exécutifs locaux, mais pourquoi diable faudrait-il qu’un parti ait la majorité à lui seul dans l’Assemblée (qui n’est précisément pas un exécutif)?
Cependant, il y a plus grave encore pour le RN: le scrutin proportionnel favorise les coalitions et, autant la gauche excelle à cet exercice, autant il est assez peu probable, à ce stade, que le RN soit capable de s’unir avec les différents partis de la « droite hors les murs » (et moins encore avec ce qui reste des LR). Il est donc parfaitement envisageable qu’en se battant pour le scrutin proportionnel, le RN, non seulement se prive de la possibilité de gouverner, mais même se prive de la possibilité de gagner les législatives (ce qui, pour le coup, est actuellement à sa portée). En tout cas, si cette réforme du mode de scrutin a effectivement lieu, le RN a devant lui un long et difficile travail à abattre en un délai très court pour bâtir la coalition de droite nationale qui pourrait emporter la victoire.