La Nef a traduit la lettre du politologue et historien argentin, Marcelo Gullo Omodeo, professeur à l’Université nationale de Rosario, au président du Mexique, Andrés Manuel López Obrador, qui avait adressé une lettre au roi d’Espagne demandant la repentance pour la Conquête de l’Amérique. Extrait :
[…] Comme je suis d’accord avec vous pour dire que certains points doivent être clarifiés, je voudrais vous rappeler que l’archéologue mexicain Alfonso Caso, ancien recteur de l’Université nationale autonome du Mexique, affirme que « le sacrifice humain était essentiel dans la religion aztèque ». C’est pourquoi en 1487, pour célébrer l’achèvement de la construction du grand temple de Tenochtitlán – dont vous avez inauguré une maquette monumentale le 13 août – les victimes sacrificielles ont été rassemblées en quatre rangées qui s’étendaient le long de la chaussée reliant les îles de Tenochtitlán. On estime que pendant ces quatre jours de fête, les Aztèques ont tué entre 20 000 et 24 000 personnes.
L’historien nord-américain, Williams Prescott, peu suspect d’hispanophilie, donne cependant un chiffre encore plus effrayant. « Lorsque le grand temple de Mexico fut dédié à Huitzilopochtli en 1486, les sacrifices durèrent plusieurs jours et 70 000 victimes périrent ». Dans son livre Historia de América, l’uruguayen Juan Zorrilla de San Martín explique que « Lorsqu’ils prenaient les enfants pour les tuer, s’ils pleuraient et versaient des larmes, ils se réjouissaient davantage car c’était pour eux le signe qu’ils auraient beaucoup d’eau dans l’année ». « Le nombre de victimes sacrifiées chaque année était immense, admet Prescott, bien qu’il soit l’un des historiens les plus critiques de la conquête espagnole et l’un des plus fervents défenseurs de la civilisation aztèque. Pratiquement aucun auteur ne l’estime à moins de 20 000 par an, et il y en a même qui l’élèvent à 150 000. Dans son célèbre ouvrage Cannibales et Monarques. Essai sur l’origine des cultures, l’anthropologue nord-américain, Marvin Harris, écrit : » Les prisonniers de guerre, montant les marches des pyramides, […] étaient tenus par quatre prêtres, étendus sur le dos sur l’autel de pierre et ouverts de part en part de la poitrine avec un couteau […]. Ensuite, le cœur de la victime – généralement décrit comme battant encore – était arraché […]. Le corps était enfin roulé sur les marches de la pyramide ».
Que devenaient les morts sacrifiés ? Où étaient emmenés les corps de ces êtres humains dont le cœur avait été arraché au sommet des pyramides ? Que faisait-on du corps de la victime ? Quel était le sort de ces corps sacrifiés aux dieux jour après jour ? L’anthropologue Michael Harner, qui a analysé cette question avec plus d’intelligence et de courage que beaucoup d’autres spécialistes, répond : « il n’y a vraiment aucun mystère sur ce qui arrivait aux cadavres, puisque tous les récits des témoins oculaires concordent largement : les victimes étaient mangées ».
Les nombreux travaux scientifiques – thèses de doctorat, livres publiés par des chercheurs de renommée mondiale – dont nous disposons aujourd’hui ne laissent pas de place au doute sur le fait qu’en Mésoamérique il y avait une nation oppresseur, les Aztèques, et des centaines de nations opprimées, auxquelles les Aztèques arrachaient non seulement leurs matières premières – comme l’ont fait tous les impérialismes de l’histoire – mais aussi leurs enfants, leurs frères et leurs sœurs… pour les sacrifier dans leurs temples et distribuer ensuite les corps démembrés des victimes dans leurs boucheries, comme s’il s’agissait de côtelettes de porc ou de cuisses de poulet, afin que ces êtres humains servent de nourriture substantielle à la population aztèque.
La noblesse se réservait les cuisses alors que les entrailles étaient laissées à la population. Les preuves scientifiques dont nous disposons aujourd’hui ne laissent pas de place au doute. Le nombre de sacrifices humains pratiqués parmi les peuples asservis par les Aztèques était tel qu’ils construisaient avec les crânes les murs de leurs bâtiments et de leurs temples.
C’est pourquoi, le 13 août 1521, les peuples indiens de Mésoamérique ont célébré la chute de Tenochtitlan. […]