Thierry Falissard, qui participe à la rédaction de l’encyclopédie Wikibéral, a écrit au Spectacle du Monde à propos d'un dossier sur le libéralisme et les libertariens :
"Votre revue, qu’on présente parfois comme « positionnée au carrefour de toutes les droites », a dépeint les libertariens, dans son numéro de mars 2012, sous les plus noires couleurs, notamment comme des « individus libérés de tout lien social ». Une telle ignorance couplée à une telle malveillance laisse pantois et surprend de la part d’une revue qui se prétend culturelle et bien informée. L’auteur, étayant son propos de la plus solide ignorance historique, philosophique et politique (car le libertarisme est issu directement du libéralisme français des XVIIIe et XIXe siècles et des théories du droit naturel encore plus anciennes) n’hésite pas à aligner les absurdités les unes après les autres, puisqu’il affirme que pour les libertariens « les lois doivent disparaître ».
On ne saurait que vous recommander la lecture de l’encyclopédie libérale et libertarienne www.wikiberal.org qui vous donnera gratuitement (car, au risque de vous contredire, tout n’est pas « marché » pour les libertariens) davantage d’information sur le très riche mouvement libéral et libertarien issu directement d’une conception des droits de l’homme qui ne transige pas sur les libertés élémentaires.
On pourrait espérer que votre revue, par nature et de par son lectorat, pratique une certaine méfiance vis-à-vis du collectivisme, de l’interventionnisme étatique triomphant, de l’assistanat généralisé, de l’endettement démentiel des États, de l’arrogance des politiciens de droite et de gauche qui prétendent faire le bonheur des peuples malgré eux. Hélas, dans le même numéro de mars, on lira un autre article, très critique à l’égard de Margaret Thatcher, et qui reflète tous les clichés de gauche les plus puérils : accusation d’ « ultralibéralisme » (doctrine inconnue dont on « apprend » que F. von Hayek aurait été le « principal théoricien »…), « primauté de l’individu sur le groupe » (apparemment Thatcher n’était pas assez socialiste pour vous), etc. Cette mauvaise foi culmine avec des citations tirées de leur contexte […]
Je crains que votre revue ne soit plus que l’écho de l’idéologie française la plus délétère (et en même temps la plus insipide) : l’État sait tout, l’État peut tout, l’individu n’est rien, il est mal de critiquer l’État tout-puissant. Nous verrons ce qu’il en sera quand l’inéluctable faillite sera venue, faillite financière prévisible succédant à une faillite intellectuelle de plus de trente ans, due tant à la droite la plus bête du monde qu’à la gauche la plus totalitaire du monde."
Denis Merlin
Sans pouvoir entrer dans la polémique, il semble bien que le Pape Benoît XVI a validé les théories du sénateur italien Pera (pourtant agnostique) qui demande que nous nous disions “libéraux” et chrétiens. Le libéralisme conforme au droit naturel suppose le respect de la vérité de l’homme, créature transcendante, toujours digne et jamais utile.
Cela choque l’homme ayant longtemps fréquenté les “traditionalistes” et lu don Sarda y Salvany que je suis. Mais, la clé est dans la vérité de l’homme et dans la distinction des ordres du savoir, cher à Etienne Gilson.
Marc
Eh ben ils sont gonflés ! L’endettement des Etats vient précisément de la cession aux banques du pouvoir de création de la monnaie, que pointe très justement ledit magazine ! Faut quand même pas manquer d’air pour s’en prendre à des solutions proposées qui nous font *un peu* sortir du système dans lequel les libertariens veulent enfermer le débat.
Clément
Et bien, cher Marc, on pourrait vous retourner le compliment et dire que vous “êtes gonflé”. En quoi, le pouvoir de création monétaire des banques (Qui a toujours existé par le biais de la monnaie fiduciaires et de l’octroi de crédits) a-t-il obligé les états à accroître leurs endettements? Quand Raymond Barre était à Matignon, le pouvoir de création monétaire des banques était déjà en place (à en croire les étatistes depuis 1973) et la France avait un budget en équilibre.
La vérité c’est qu’on a découvert, du coté des étatistes, qu’on pouvait faire du “socialisme” à crédit, et que faute d’assister TOTALEMENT, on octroirait aux “classes laborieuses” les fonds nécessaires (Ou les privilièges) pour qu’elles voyagent, se logent (La propriété, voilà la panacée) et prennent du bon temps à crédit.
Ceci n’était pas obligatoire et mieux, ce sont les états qui ont (les documents existent) forcé, sous peine de sanctions, les banques à faire fi de la solvabilité des individus. A force de mensonges, on est arrivé au point où il est plus facile de trouver un logement à louer ou même à acheter pour des employés ou même des chomeurs que pour un consultant diplômé mais non salarié!
L’état est devenu le rêve d’un peuple qui ne pense plus que d’être employé par lui, et qui ne voit qu’en lui la morale et la perfection!
Ceci a déteint et la France se meurt.
Emmanuel
Très salutaire recadrage de la part de Thierry Falissard. Comme le dit justement Denis Merlin, que la doctrine libérale classique puisse choquer ceux, dont je suis aussi, qui ont été nourri par une réflexion dite “traditionaliste” est une chose. Autre chose est notre devoir et notre intérêt de ne pas faire dans le fixisme intellectuel mais plutôt rester toujours avide de valider ce en quoi nous croyons et accepter les éventuelles réajustements nécessaires. Ce processus ouvre la voie vers des territoires ou l’on respire à pleins poumons la liberté et la responsabilité, tout le contraire de ce collectivisme fétide et de l’assistanat et interventionnisme étatique effréné, qui ne sont rien d’autre qu’une forme de négation de l’être humain.
Pour ceux qui sont un peu fachés avec la langue de Shakespeare, permettez-moi une traduction de la (formidable) citation de Margaret Thatcher mentionné dans le texte de Thierry Falissard et qui vise à rappeler en quoi consiste la responsabilité pour un libéral:
“Vous savez, il n’existe pas vraiment une telle chose que la société. Il y a des individus, hommes et femmes, et il y a des familles. Aucun gouvernement ne peux agir sauf par le peuple lequel doit d’abord s’occuper de lui-même. Il est de notre devoir de s’occuper de nous-mêmes d’abord et puis seulement, de s’occuper le cas échéant de notre voisin. Les gens ont trop à l’esprit leurs droits, en l’absence des devoirs correspondants. Il n’y a pas une telle chose qu’un droit, sauf si préalablement une obligation a été remplie.”
Une observation honnête et sans à-priori, fait immanquablement découvrir une convergeance extraordinairement surprenante entre la conception de l’homme conforme à l’anthropologie chrétienne et celle du libéralisme.
SD-vintage
Le libertarisme (à distinguer du libéralisme)définit comme des « individus libérés de tout lien social », ou la “primauté de l’individu sur le groupe” ne me paraît entièrement infondé. Si je lis par exemple le programme du PDL, on y trouve la légalisation de l’héroïne et de la cocaïne, la légalisation de toutes les unions dont le “mariage” homosexuel et dans la logique des choses la polygamie, et le libertarisme pur voudrait la liberté scolaire absolue comme en Haïti, tempéré dans le programme du PDL par le chèque scolaire (qui à mon sens est une bonne idée). De fait aujourd’hui, la richesse devient une condition pour avoir une bonne éducation depuis le sabotage de l’éducation nationale par la gauche et la droite. Cette vision pourrait même aboutir à désirer la suspension du code de la route qui parfois abouti au contraire de ce qui est souhaité (voir les pannes de feu rouge à Amsterdam qui permettent un trafic beaucoup plus fluide).
“le libertarisme est issu directement du libéralisme français des XVIIIe et XIXe siècles et des théories du droit naturel encore plus anciennes” : Sauf que ces théories n’étaient absolument pas naturelles ! Et que depuis deux siècles, on peut voir qu’il ne s’agit pas vraiment d’un succès. La célébration de la volonté, c’est oublier que l’homme appartient à des communautés naturelles, a des liens sociaux, qu’une société c’est aussi un système de valeurs.
La seule richesse d’une nation, c’est la mentalité de ses habitants, la morale collective : c’est la seule différence entre la Suisse et la République démocratique du Congo.
Le libertarisme reviendrait à dire que le corps n’a plus besoin d’antibiotiques pour se soigner puisqu’il s’autorégule. Et il réduit souvent l’homme à un élément économique, alors que le succès d’une société humaine ne repose pas uniquement sur des valeurs et des règles économiques.
Il y a de la marge entre le libertarisme et le communisme. L’objectif devrait être l’efficacité sans laisser personne au bord de la route. Aujourd’hui nous avons un système inefficace qui laisse beaucoup de gens au bord de route. Il ne ne devrait pas y avoir de dogme, mais uniquement le souci premier de se mettre au service de l’être humain comme l’écrivait Maritain.
Je ne sais pas qui a écrit l’article du Spectacle du monde, mais Margaret Thatcher fut loin d’être une adepte de « l’ultralibéralisme »: son désir d’efficacité ne l’empêcha pas d’être “sociale”, quasiment socialiste pour certains.
PG
@ SD Vintage
Margaret Thatcher voulait détruire le système socialiste anglais de protection sociale : c’est l’un des points qui firent que ses amis conservateurs la lâchèrent, préférant le consensuel MAJOR.
Si elle l’avait réussi, ce serait un modèle pour les Européens.
Le libéralisme, et le livre de PERA préfacé par Benoit XVI le démontre, sort bien du droit naturel : celui fondé sur la nature humaine et la loi naturelle, ainsi que l’observation des sociétés. Les racines du libéralisme sont chrétiennes : c’est du christianisme qu’est issue cette idée que l’homme est responsable individuellement de son salut, même si la loi de charité lui impose de regarder les communautés naturelles comme autant de lieu d’exercice de cette charité.
PERA montre bien que le marché est irremplaçable pour exercer cette liberté collectivement sur le plan matériel, et comment l’économie du don et de la gratuité, issue elle aussi directement du christianisme (Universités et hôpitaux médiévaux, abbayes, etc….) est liée au libre marché, car celui-ci un fait de nature.
SD-vintage
Cher PG,
Je n’ai rien contre le libéralisme, étant moi-même un libéral non dogmatique, et ce que vous dites est vrai.
Cependant, le libertarisme vient en réalité des Lumières et des théories du contrat social qui les ont précédées. C’est dans ce sens-là que je ne suis pas sûr que le fondement de cette philosophie repose sur du solide.
Le libertarisme repose sur le postulat que l’homme est propriétaire de son corps. Ce qui est faux. Il ignore les communautés naturelles et donc les devoirs qui vont avec, se plaçant systématiquement à la base au niveau de l’individu. Or l’homme est un ensemble de devoirs.
Cette affirmation peut justifier la reconnaissance de toutes sortes d’unions matrimoniales, le suicide assisté, la légalisation de la drogue, la prostitution, la vente d’un organe, mais aussi l’esclavage volontaire, l’engagement dans une société de gladiateurs etc. même si certains diront que j’exagère.
Margaret Thatcher dû renoncer à la politique suite à une fronde de son parti relative à la Poll tax, un impôt payé selon le nombre d’habitants d’une habitation, qui devait remplacer la taxe d’habitation basée sur la valeur de la maison. Ce qui faisait débat même chez les penseurs libéraux.
Margaret Thatcher eu aussi une politique sociale qu’elle voulait plus efficace et réaliste que ce qu’il y avait avant elle (bourses étudiantes, allocations diverses…)
SD-vintage
et le principe de subsidiarité devrait concilier les intérêts de l’individu et ceux de la société. Car il n’y a pas d’individus sans société, et de société sans individus
Jean Theis
@Clément
Ce n’est pas que l’Etat soit devenu le rêve d’un peuple, mais que ses fonctionnaires sont très privilégiés par rapport aux salariés du privé. C’est pourquoi tant de jeunes aspirent à devenir fonctionnaires.
Ils ont des avantages tout à fait inattendus: par exemple des vêtements neufs gratuits pour leurs enfants ! Ils font du troc entre eux.
Emmanuel
@SD-vintage. Etre propriétaire de son corps: c’est beaucoup plus subtil que la façon dont vous l’énoncez.
Pour éviter de trop longs développement et prendre indûment trop de place sur le SB, je vous suggère de lire:
http://www.wikiberal.org/wiki/Propriété_de_soi-même ou encore
http://www.liberalia.com/htm/fg%5Fproprietaire%5Fcorps.htm
Vive internet…
SD-vintage
@ Emmanuel | 19 mar 2012 17:24:09
j’ai lu l’article sur la propriété de son corps : c’est exactement ce que j’ai décrit en raccourci.
Le paradoxe, c’est que notre époque reconnaît de plus en plus la propriété du corps avec l’acceptation de la prostitution, la liberté totale d’union matrimoniale ou de rapports sexuels multi partenaires y compris adultères, l’avortement ou le suicide assisté. Même si techniquement, l’avortement consiste à disposer du corps de quelqu’un d’autre puisque le foetus à un ADN différent de celui de la mère
Guillaume de Prémare
Emmanuel souligne “une convergence extraordinairement surprenante entre la conception de l’homme conforme à l’anthropologie chrétienne et celle du libéralisme.” Eh bien voici une proposition qui serait tombé sous le coup du Syllabus de Pie IX ! Et à laquelle ne souscrirait certainement pas Benoît XVI !
Quant à la conception de la société selon M. Thatcher, telle que décrite dans cette citation, elle n’est évidemment pas compatible avec la DSE. Il n’y a pas les individus et les familles d’une part, et une société presque facultative – ou construction artificielle – d’autre part. La société et les nations sont des communautés naturelles, une famille de familles ; et au sein de cette société la liberté est un moyen subordonné au bien commun, et la propriété est un droit naturel subordonné à la destination universelle des biens. Pour le libertarien, la liberté est une fin et une vertu. Pour l’Eglise, la liberté n’est pas une vertu, c’est un moyen conforme à la nature de l’homme, mais un moyen subordonné à une fin qui lui est supérieure et qui prime sur elle.
Je souscris largement à cet article du Spectacle du monde. La colère de Falissard me semble hors de propos. Il a tout simplement lu l’article d’une personne qui ne partage pas son idéologie : dans une société de liberté, ce sont des choses qui arrivent. Quant à son intimidation vis-à-vis du journal (campagne de désabonnement !?), elle me semble nier le principe même de la liberté d’expression.
PG
@ SD Vintage
l’école néo thomiste espagnole des XVI et XVII ème, a initié le début de la pensée libérale moderne me semble t il, en adaptant la pensée de St THOMAS aux réalités nouvelles du commerce international et de l’accumulation du capital. L’école autrichienne libérale est issue du catholicisme social autrichien catholique : la notion du contrat liant individus et communautés libres a débouché sur l’idée que l’Etat ne peut être le seul moteur de la société.
blh
Un libéral,c’est quelqu’un qui croît que son ennemi peut avoir raison.
Marc
@Clément
Ce qui me paraît délirant – je pèse mes mots – c’est que le système rendent possible la spéculation sur l’endettement des Etats, que dcertains puissent constituer des fortunes colossales sur la base d’effondrements dramatiques comme en Grêce. Ce sur quoi j’attends avec impatience une justification, c’est le principe qui veut que les banques centrales prètent aux banques qui prètent à l’Etat avec intérêt : au nom de quoi ces gens-là (qui n’ont rien produit, dans cette affaire) devraient-ils accumuler des fortunes ? Ce que je crois d’une dangerosité extrême, c’est que la finance ait la haute main sur le système plutôt que de n’être un outil au service de la société dans son ensemble. L’industrie française a été dépouillée par ces logiques de rendement maximum. Ce que je crois absurde ce sont ces théories économiques de la main invisible du marché, qui n’existe pas. Bref, je suis un garçon simple : qu’on me démontre la moralité et la rationalité de ces réalités, et je serai prêt à revoir mes positions.
Emmanuel
@ Guillaume de Prémare
Avant d’affirmer ce à quoi Benoit XVI souscrirait ou pas, je vous propose de lire la préface du livre de Marcello Pera “pourquoi nous devons nous dire chrétiens”. Tant que vous y êtes, lisez tout le livre.
Voici juste une phrase qui reflète parfaitement l’esprit de la préface: “Marcello Pera analyse de manière fascinante les grands penseurs libéraux et parvient à la conclusion surprenante que l’enracinement dans l’image chrétienne de Dieu fait partie de l’essence du libéralisme. L’accent mis sur l’idée de la liberté de l’homme, qui caractérise la pensée libérale, présuppose l’idée de l’homme image de Dieu dont la conséquence est justement la liberté de l’homme”.
Maintenant s’il vous prend l’envie irrépressible de mettre les propos de Benoit XVI “sous le coup” du Syllabus de Pie IX, allez-y, vous êtes libre!
Que vous pensez devoir “subordonner” la liberté au bien commun, grand bien vous fasse, les marxistes disent pile la même chose.
Que l’Eglise ne tienne pas la liberté explicitement pour une vertu est secondaire. En effet, l’Eglise tient la liberté pour au moins aussi importante: forcément, puisque c’est le moyen d’atteindre la vertu.
Guillaume de Prémare
@ Emmanuel
1. Ce n’est pas moi qui souhaite subordonner la liberté au bien commun, c’est l’Eglise : les libertés s’exercent « dans les limites du bien commun et de l’ordre public et, en tous les cas, à l’enseigne de la responsabilité » (point 200 compendium de la DSE). Vous noterez que l’Eglise n’est pas marxiste, au contraire elle condamne le marxisme. Elle est favorable aux libertés économiques dans les limites du bien commun. Cela signifie qu’on peut restreindre, réglementer voire proscrire telle ou telle pratique d’un agent économique si le bien commun l’exige.
2. La responsabilité du bien commun est par définition commune entre les agents d’une société (ce n’est pas la seule responsabilité de l’Etat, contrairement à ce que pensent les étatistes). Mais en dernier ressort, il est nécessaire que la puissance publique puisse exercer une coercition, y compris en matière économique (pourquoi l’économique y échapperait-il ?).
3. Vous avez mal interprété BXVI : que le libéralisme fasse, comme le christianisme, le constat que l’homme est naturellement libre, oui bien sûr ; qu’il en déduise une anthropologie qui soit en convergence (« extraordinaire » selon vous) avec l’anthropologie chrétienne, non bien sûr. Le pape ne dit pas ça dans l’extrait que vous proposez. Car l’anthropologie libérale s’apparente à celle des Lumières : « L’homme nait naturellement bon, c’est la société qui le corrompt ». L’anthropologie chrétienne dit, à l’inverse, que l’homme nait marqué par le péché originel et que la vie sociale contribue, dans l’ordre naturel, à le corriger et à l’éduquer pour l’accompagner vers l’exercice des vertus en vue du bien commun. Certes, il y a la grâce surnaturelle du baptême, mais la grâce n’abolit pas la nature (ou plutôt ici la « condition »).
4. Il suffit d’avoir des enfants pour constater que ce qui est spontané chez l’enfant c’est la violence, l’appropriation et l’individualisme, et non l’altruisme et le partage. Et ce qui le rend apte à la vie sociale, à l’altruisme et au partage, c’est en premier lieu l’autorité coercitive des parents qui le corrige en le frustrant (la règle frustre, et la fermeté pédagogique de l’autorité apprend à l’enfant à accepter la frustration et à reconnaître que la règle contribue à son bien) ; et en second lieu l’expérience même de la vie en société, qui permet à l’enfant, éclairé par l’éduction de ses parents, d’user de sa liberté pour en mesurer les conséquences et donc apprendre la responsabilité. Dans ce cadre, les parents vont laisser une marge de liberté légitime à l’enfant pour lui faire expérimenter la responsabilité… mais une marge seulement car les parents veillent à ce qu’aucun mal grave ne survienne. Certes, nous ne sommes plus des enfants, mais ce qui est spontané chez l’enfant – la convoitise – demeure spontané chez l’adulte. La seule différence, c’est qu’en théorie (s’il est éduqué, c’est-à-dire régulé) l’adulte est rendu capable d’un certain niveau de maîtrise de sa convoitise. Et l’expérience montre qu’il y a toujours besoin de coercition à l’âge adulte.
5. Je pense sincèrement que les idéologues libéraux vous trompent : ils partent de quelque chose qui peut être vrai (pression fiscale parfois excessive, hypertrophie de l’Etat dans certains domaines, réglementations technocratique qui blessent la subsidiarité, administrations parfois tatillonnes etc.) pour vous infuser une anthropologie erronée qui est celles des Lumières et une philosophie politique et sociale erronée qui est celle du contrat social.
6. Vous voyez, j’ai beau trouver, par exemple, que la dette publique est un délire, ou encore que le système de retraite est inéquitable (régimes spéciaux, créance illimitée d’une génération sur la suivante etc.), je n’adhère pas à l’idéologie libérale, je n’y ai jamais adhéré et je n’y adhérerai jamais… Car l’idéologie libérale est une idéologie du « tout contrat », où tout doit être consenti. C’est pourquoi les libéraux appellent tout lien non consenti une aliénation et veulent en libérer l’homme. C’est l’idéologie de l’émancipation. Emanciper les hommes de Dieu, émanciper les hommes de leurs devoirs sociaux, émanciper l’homme de son sexe (idéologie du genre), de sa famille etc. Tout cela est une logique globale, l’idéologie libérale est une. Elle élève la liberté au rang de finalité ; et l’homme devient à lui-même sa propre fin. Ce qui est subordonné est en-dessous de ce à quoi il est subordonné, et non équivalent comme vous le dites. La relation entre le moyen et la fin n’est pas horizontale, elle est verticale.
7. Conclusion : la coercition de l’Etat est un bien quand elle respecte la subsidiarité dans l’exercice de son autorité et la dignité (et donc les libertés) de l’homme en vue du bien commun. Nous vivons une période de grande confusion : je crois nécessaire que les catholiques qui regardent le libéralisme avec les yeux de Chimène se ressaisissent car ce qui se détruit sous nos yeux, c’est la notion de bien commun, à commencer par la famille.
SD-vintage
@ PG
Ce n’est pas l’économie qui me gêne dans le Libertarisme, ni le concept de liberté qui fut au coeur de la pensée juive puis chrétienne. Contrairement à la pensée islamique. Comme le disait le grand penseur berbère Tertulien, On ne nait pas chrétien, on le devient, alors que l’on nait musulman.
Je ne remettrai pas en cause la nécessité dans une économie moderne de l’accumulation de capital, pour lancer des produits d’une extrême complexité dont la production de masse contribue à abaisser les prix pour les rendre accessibles au plus grand nombre, ni la rémunération du risque que constitue l’activité bancaire ou d’assurance, ni le fait que l’argent est une carotte nécessaire pour favoriser la création de richesses dont finalement tout le monde profite,ni l’intérêt du Commerce international qui apporte également de la richesse aux deux parties.
Mais, cela n’empêche pas la mise en place de règles du jeu comme dans tous les sports, et le fait que pour la marge d’une société, ce type de règles n’est pas efficace. Or, ce sont des êtres humains qui sont à la marge des sociétés humaines, et qu’il faut donc prendre en compte.
De ce qui me gêne, c’est le reste : les théories du contrat social sont très largement artificielles, et refusent de prendre en compte les communautés naturelles. Si je suis en désaccord avec le “contrat” français, je ne peux pas dire que je ne vais pas payer ma part d’impôt relative à l’avortement ou la culture d’État.
Curieusement, avant l’avènement des théories du contrat social, la monarchie reconnaissait une bien plus grande variété de communautés avec chacune leurs propres règles. Y compris la communauté juive qui étant en diaspora n’était pas considérée comme française bien qu’étant en France.
Cette reconnaissance de sa spécificité ne fut d’ailleurs pas toujours à son avantage. Mais aujourd’hui, si on habite en France on est français, et obligé de suivre les lois françaises, même si on ne se sent que Alsacien, Savoyard ou Breton. À noter quand même que désormais, beaucoup d’étrangers en France ne se sentent que étrangers à la grande satisfaction des élites, remettant ainsi en cause le pacte national voulu par les Républicains après la révolution.
Il faut quand même reconnaître que c’est l’État, une organisation commune forte, qui a contribué au succès des sociétés, que ce soit Babylone ou l’Égypte des pharaons, la ville grecque ou italienne, où la Rome antique, la Chine ou encore les empires d’Amérique du Sud, que cet état soit tyrannique ou démocratique. À l’inverse, les sociétés anarchiques ou semi anarchiques comme les sociétés gauloises ou les sociétés d’Afrique du Nord sous l’islam ont échoué. Une première condition du progrès, c’est la paix, qui favorise le commerce et donc la création et la production de richesses. Et seule une organisation forte peut garantir la paix.
Les sociétés anarchistes que l’on a pu voir à l’oeuvre en vrai, et non pas dans les fantasmes de la CNT, au Libéria ou au Sierra Leone ne correspondent pas aux fantasmes idéologiques des anarchistes et ont été des échecs cuisants : l’homme est un loup pour l’homme nous dit le vieux fond de sagesse européen, ou tout simplement humain.
Le malheur de l’État français, c’est que ce n’est plus un État, autrement dit une structure au service de la collectivité qui organise cette dernière sans empiéter sur les libertés de ses membres, libertés qui sont la condition de sa prospérité, mais une structure idéologique, ainsi qu’un syndicat d’intérêts personnels au service de fonctionnaires, hauts fonctionnaires, politiciens et autres “gens de culture”.
Je ne crois pas non plus que tous les individus sont des êtres entièrement libres doués de raison, sinon les Français ne voteraient pas socialiste depuis 50 ans.
Il y a les phénomènes de conditionnement, par les médias, par l’entourage, par l’éducation nationale… Il y a également le niveau de culture et de connaissance. Le Libertarisme a été créé par des gens imprégnés de culture classique, culture qui ne provenait pas du Libertarisme. Il n’est pas né au Mali, ou aux îles Fidji. C’est un type de société qui nécessite déjà un certain degré de civilisation dans le sens d’organisation, d’accumulation de savoirs techniques et de connaissance de la Nature, et de réflexion sur le sens de l’existence, sur la place de l’homme dans l’univers.
Le Libertarisme ne voit dans l’homme qu’un être économique. Or, le succès économique de l’Europe, ou de la Chine en son temps, provient d’abord d’une accumulation de savoirs, d’une discipline collective parfois par la force, d’une culture du travail, de l’honnêteté, de relations sociales relativement apaisées etc. Et comme l’avait déduit une commission chinoise chargée de comprendre pourquoi l’Europe avait dépassé la Chine, c’est à cause du christianisme que l’Europe s’est hissée au-dessus des autres.
Le succès du modèle économique européen provient d’abord de l’éthique européenne, et de l’éthique chrétienne en particulier, d’une conception de la vie, de l’homme et de l’humanité. Ce qui me fait penser que d’ici 20 ou 30 ans, l’Amérique du Sud sera sortie de sa situation de pauvreté, mais pas le monde musulman. On commence à le voir doucement en Colombie. À l’inverse, plus l’Europe va s’éloigner du christianisme, plus elle va régresser vers les temps barbares… et la pauvreté.
Tous les musulmans rêvent de s’établir dans un pays Chrétien, quitte à aller en Amérique du Sud, une région pauvre mais où ils se sont sur de vivre mieux que dans un pays musulman, mais aucun Chrétien ne pense qu’il vivra mieux en faisant souche dans un pays musulman au lieu d’un pays chrétien.
Éthique personnelle et collective, organisation et discipline, voici à mon sens les secrets d’une bonne civilisation.
En fait, le Libertarisme est dogmatique là où le libéralisme est empirique et adaptable.
SD-vintage
Et je suis donc d’accord avec Guillaume de Prémare, excepté que je pense qu’il confond le Libertarisme avec le libéralisme. Le libéralisme n’est pas une idéologie, mais uniquement une méthode qui ne s’oppose pas à ce que l’État impose un certain nombre de règles y compris en économie.
Emmanuel
@ Guillaume de Prémare
Je ne considère pas le SB comme un lieu approprié pour vous répondre in-extenso, vous me pardonnerez de faire aussi court que possible, peut-être même lacunaire.
Je vous cite: “car l’anthropologie libérale s’apparente à celles de Lumières: l’homme naît naturellement bon, c’est la société qui le corrompt”
Le libéralisme, tout comme le Christianisme, attache de l’importance au libre arbitre lequel peut permettre à l’homme de choisir le mal. Ceci implique que le libéralisme ne tient pas l’homme pour naturellement bon mais reconnait néanmoins l’excellence de la nature humaine créée. Vous devez confondre le libéralisme et JJ Rousseau lequel est ce que vous voudrez sauf un libéral.
Votre point 4, au sujets des enfants révèle que le bon chez eux s’obtient par “l’autorité coercitive” des parents etc… Je n’envie pas votre sinistre perception et votre problème de perspective qui consiste à voir d’abord que “ce qui spontané chez l’enfant c’est la violence, l’appropriation et l’individualisme”.
Vous dites aussi: “et l’expérience montre qu’il y a toujours besoin de coercition à l’âge adulte.” Vous en déduisez, je suppose, que dans la société c’est vous qui allez établir vos règles de coercition pour faire regner l’Ordre puisque c’est vous qui êtes dans la Vérité. En cela, vous omettez commodément que la vertu obtenue sous la coercition n’a aucune valeur.
Si voux croyez que les catholiques qui regardent le libéralisme avec les yeux de Chimène doivent se ressaisir, je pense pour ma part que les catholiques tentés par le coercition Etatique sous les beaux prétextes de subsidiarité, du bien commun et autres lieux communs, parfois très communs d’ailleurs, font politiquement dans l’incantation.
Guillaume de Prémare
Merci SD-Vintage. Je ne pense pas confondre : le libertarisme est un libéralisme paroxysmique, mais l’anthropologie de fond est la même pour l’un et l’autre. L’autorégulation mécanique des marchés par la confrontation des intérêts privés, la « main invisible », cela vient de l’erreur anthropologique de fond. De là une notion fausse de la liberté comme vertu, simplement modérée (et non subordonnée) par l’idée que « ma liberté s’arrête là ou commence celle des autres ». Ainsi, cette confrontation naturelle des libertés aboutirait à un équilibre parce que personne ne laisserait son voisin empiéter sur sa liberté. En fait tout devient horizontal, il n’y a plus d’autorité verticale. Si je m’arrête dans mes appétits, c’est parce que mon semblable, situé au même niveau que moi, m’en empêche. Ici, ce ne sont plus des règles objectives qui régulent, mais la confrontation des subjectivités, chacun délimitant et défendant son propre espace de liberté. Cela pervertit l’économie, détruit doucement la société, avec un effort particulier sur la famille, lien le plus puissant non consenti par l’homme, donc lien à faire sauter absolument. Là où certains idéologues libéraux dits modérés se trompent, c’est qu’ils prétendent que ce n’est qu’un système pratique, juste valable pour l’économie. Mais il y a une mécanique d’ensemble qui formate progressivement tous les mœurs (politiques, économiques, sociaux, moraux, familiaux) pour créer un homme nouveau, l’homme libre et émancipé. Le stade ultime, c’est la barbarie, dont notre post-démocratie libérale se rapproche dangereusement (bientôt l’euthanasie !?).
Guillaume de Prémare
Emmanuel, votre propos semble confirmer que vous rejetez une anthropologie réaliste. Mettez 2 enfants de 10 mois sur un tapis avec des Lego, ils pourront commencer par jouer chacun de leur côté, ensuite, comme l’homme est animal social, ils pourront éventuellement commencer à jouer ensemble, et très vite ils convoiteront le même Lego. Celui qui a le plus de poigne obtiendra le Lego et son petit camarade hurlera. Si vous n’éduquez pas les enfants dès le plus jeune âge par le moyen d’autorité et par un niveau adapté de contrainte, il deviendra violent, inadapté à la vie en société. Regardez dans nos écoles, on voit ça partout. Ensuite, il y a la liberté : elle nécessite un apprentissage progressif, une éducation, là encore avec une règle et un lien d’autorité, lien vertical de subordination et non contrat horizontal consenti. Plus l’enfant ou l’adolescent progressera dans le juste usage de sa liberté, plus l’autorité lui laissera de liberté. Sauf si cette autorité se mue en autoritarisme, voire en tyrannie ; ce qui est mauvais car l’autoritarisme détruit l’autorité et la tyrannie détruit l’homme. Une fois adulte, une personne bien éduquée a besoin de peu de coercition dans sa vie politique et sociale parce qu’elle aura acquis des vertus, c’est-à-dire une disposition habituelle à œuvrer pour le bien. C’est cela la vraie liberté, la faculté donnée à l’homme de choisir le bien (Cf. st Th.dA.), et non le mal comme vous le dites. Mais comme dit Thomas d’Aquin, la loi n’est pas faite uniquement pour les gens vertueux, au contraire.
Le libéralisme veut substituer, dans l’ordre politique et économique, et même religieux (Luther, père du libéralisme), un lien horizontal contractuel sans médiation au lien vertical d’autorité. C’est parfaitement Rousseauiste comme anthropologie sociale. La base du contrat, c’est le consentement. Le libéralisme ne supportera véritablement la contrainte que consentie. Si elle n’est pas consentie, il la jugera illégitime. Voir la réponse à SD-Vintage sur la fausse conception de la liberté qui s’arrêterait prétendument là où commence celle de l’autre.
Les libéraux raisonnent en quelque sorte comme des enfants qui n’auraient pas appris à gérer les frustrations, et qui par conséquent les rejettent. Vous semblez vous-même rejeter la coercition étatique. Sans une juste coercition, je ne sais pas si Rome aurait accompli son œuvre de civilisation et si l’œuvre capétienne aurait façonné notre pays.
Un exemple de la logique contractuelle du libéralisme : le droit à l’avortement
L’argument des tenants du « droit à l’avortement » n’est pas essentiellement de dire que l’embryon n’est pas un être humain, mais de dire qu’il faut un libre choix. Pourquoi ? Parce que si je suis enceinte mais que je n’y ai pas consenti, nul ne peut m’imposer cette contrainte. Je n’ai signé aucun contrat. Dans ce cas, l’embryon – être humain ou non, peu importe – devient un intrus qui empiète sur ma liberté, donc je l’empêche d’empiéter, d’une manière assez radicale. J’assigne à l’embryon la limite que le rapport de force me permet de lui assigner. Et ici le rapport de force m’est très favorable ! En revanche, si je suis enceinte mais que j’y ai consenti, j’ai passé un contrat. Ce contrat devient sacré – et l’embryon avec – et quiconque y touche doit m’indemniser. Mais si l’enfant est trisomique, il y a vice du consentement, le contrat est frappé de dol : il y a un élément que j’ignorais. Donc je peux rompre unilatéralement le contrat.
La philosophie libérale, qui n’est pas seulement une abstraction mais conduit à une praxis politique et économique, est la négation de la transcendance et de toute métaphysique politique. Et elle conduit naturellement au relativisme, que vous semblez professer : vous semblez dire que la vérité n’est pas accessible puisque vous imaginez que c’est moi qui souhaite imposer ma vérité ; or je ne parle pas de ma vérité, mais de la vérité au sens où l’entend l’Eglise. La philosophie libérale détruit donc doucement mais sûrement la société.
Sincèrement merci pour et échange, Emmanuel.
SD-vintage
@ Guillaume de Prémare:
“erreur anthropologique de fond. De là une notion fausse de la liberté comme vertu, simplement modérée (et non subordonnée) par l’idée que « ma liberté s’arrête là ou commence celle des autres ». Ainsi, cette confrontation naturelle des libertés aboutirait à un équilibre parce que personne ne laisserait son voisin empiéter sur sa liberté. En fait tout devient horizontal, il n’y a plus d’autorité verticale”.
Permettez-moi d’être en désaccord. Le libertarisme se base sur une vision précise de l’être humain et de sa place dans l’univers : l’homme propriétaire de son corps, une organisation de la société par contrat, avec bien sûr des variations.
Le libéralisme n’est pas un dogme, mais une constatation de ce qui fonctionne, ainsi qu’une reconnaissance de la liberté humaine, sans nier les autres réalités comme les communautés naturelles.
La “main invisible”, qui ne régit pas toutes les relations sociales, se remarque par exemple dans la régulation des espèces : l’augmentation du nombre de lions fait baisser le niveau des antilopes qui entraînent une diminution du nombre de lions qui entraîne une augmentation du nombre des antilopes etc.
Le christianisme est très attaché à la conception de la liberté : on la trouve déjà avec Adam et Eve, puis avec le choix du jeune homme riche etc. Et Tertulien déclarera : on ne nait pas chrétien, on le devient: c’est la grande différence avec l’islam.
Saint-Thomas d’Aquin lui-même insiste sur la liberté : Dieu a créé les lois de l’univers de façon logique de sorte qu’elles puissent être comprises. Ensuite, il a laissé l’univers gouverné par ces lois. Quant un volcan explose, ce n’est pas que Dieu l’a voulu, mais que la pression sous le cratère a considérablement augmenté suivant des lois physiques et mathématiques. Et nous évoluons avec notre liberté au milieu de ces lois.
Le libéralisme rend obligatoire l’existence de l’État, garant de la paix et des contrats. En effet, une des conditions du commerce, en dehors de la paix, c’est la sécurité et la confiance, et seul l’État peut garantir la sécurité qui entraîne la confiance. D’où l’existence des missions régaliennes de l’État, dont le nombre peut d’ailleurs varier : éducation, système hospitalier… peuvent être ajoutés, sans que l’État forcément assure lui-même ces missions.
Le libéralisme, vous le pratiquez tous les jours en faisant vos courses, en choisissant le meilleur produit, ce qui entraînera la disparition ou l’amélioration des usines qui fabriquent de mauvais produits. De même que vous choisissez si vous le pouvez l’école hors contrat si elle correspond plus à ce que vous demandez d’une école, que vous choisissez la maison que vous allez habiter…
Comme la démocratie vue par Churchill, le libéralisme est la pire des solutions à l’exception de toutes les autres.
Aujourd’hui, les libéraux américains du Tea Party montrent qu’ils ne sont pas dépourvus de valeurs morales, y compris pour l’organisation de l’État, en réclamant par exemple la suppression de l’avortement pour beaucoup d’entre eux.
L’efficacité dans l’organisation sociale et dans l’économie n’empêche pas la reconnaissance des lois naturelles dans tous les domaines, qui participent d’ailleurs de cette efficacité.
Les deux Testaments ne comportent pas de modèle économique, mais disent qu’il faut rendre à César ce qui est à César, et que le Royaume du Christ n’est pas de ce monde. Autrement dit, c’est à l’homme de gérer ses propres affaires, comme cela a été déjà dit dans la Genèse. En revanche, ils imposent des devoirs de justice et de charité.
Les actes des apôtres mentionnent le fait que les premiers chrétiens mettaient tout en commun, sans en faire une obligation.
Je connais trois expériences collectivistes qui ont réussi dans le monde occidental :
– les monastères catholiques, prémices de la démocratie en Europe, mais dont le modèle d’organisation est trop spécifique
– les kibboutz israéliens, mais le modèle d’origine tend à s’essouffler, et ils ne sont pas les principaux producteurs de richesse en Israël.
– les Amish américains qui pour empêcher toute inégalité ont interdit le progrès. Même si il y a des dissidents. Dans tous ces cas, on est libre de quitter la communauté pour rejoindre le « monde libre ». On pourrait citer également quelques communautés de catholiques charismatiques qui travaillent chacun de leur côté, puis mettent tout en commun, voire vivent tous ensemble. J’en avais croisé une il y a une vingtaine d’années, je ne sais pas si cela existe encore. Mais c’est anecdotique, et les traditionalistes n’ont jamais repris ce modèle. Il me semble que les “bigots” du Moyen Âge vivaient un peu comme cela, mais j’ai un doute.
Bref, le succès n’est pas flagrant, et l’Eglise catholique n’a jamais imposé ce modèle.
Dans votre démonstration, il y a un problème : qui décide du bien commun? Qui trace les limites entre le spirituel et le temporel, puisque les Évangiles reconnaissent l’existence de ces deux domaines ?
La loi de l’offre et de la demande, la reconnaissance de la liberté humaine, mais aussi des sociétés humaines, et leur équilibre avec le principe flottant de la subsidiarité, avec parfois quelques aménagements, ont montré qu’elles fonctionnaient pas trop mal comparées aux autres systèmes. Car Dieu a créé l’homme libre.
Le libéralisme n’est pas un système dogmatique, mais un système empirique qui cherche le système qui fonctionne le mieux.