De l’Union Lex Orandi :
Le 1er octobre 2024, la 2ème session du synode sur la synodalité s’ouvrira par une cérémonie pénitentielle présidée par le Pape François. Elle comporte des innovations liturgico-doctrinales qui ne manquent pas de soulever des questions.
Le Secrétariat du synode présente ainsi cette cérémonie :
« La liturgie pénitentielle entend disposer les travaux synodaux vers le début d’une nouvelle manière d’être Église (sic).
Dans la Basilique Saint-Pierre, la célébration pénitentielle, présidée par le Pape François, prévoit un temps d’écoute de trois témoignages de personnes ayant souffert du péché : le péché d’abus ; le péché de guerre ; le péché d’indifférence face au drame présent dans le phénomène croissant des migrations. Ensuite, l’assemblée procédera à la confession de certains péchés. (…).Celui qui exprime la demande de pardon le fera au nom de tous les baptisés. En particulier, les péchés suivants seront confessés :
• le péché contre la paix
• le péché contre la création, contre les peuples indigènes, contre les migrants
• le péché d’abus
• le péché contre les femmes, la famille, les jeunes
• le péché de la doctrine utilisée comme des pierres à jeter
• le péché contre la pauvreté
• le péché contre la synodalité / manque d’écoute, de communion et de participation de tous
Au terme de cette confession des péchés, le Saint-Père adressera, au nom de tous les fidèles, la demande de pardon à Dieu et aux sœurs et frères de toute l’humanité.»
On apprend ainsi qu’au cours d’une « cérémonie pénitentielle », le Pape demandera pardon au non de tous les fidèles, mais sans qu’il soit indiqué si une absolution de ces péchés sera donnée.
On constate d’abord que les conditions de validité d’une absolution collective rappelées par le Catéchisme de l’Eglise Catholique ne sont pas réunies ici (« Dans les cas de grave nécessité (comme le danger imminent de mort), on peut recourir à la célébration communautaire de la Réconciliation avec confession générale et absolution collective, dans le respect des normes de l’Église et avec le propos de confesser individuellement les péchés graves, en temps voulu. » CEC 1480-1484).
On observe ensuite que la demande de pardon sera exprimée au nom de tous les baptisés, ce qui constitue une « liturgie pénitentielle » d’un genre nouveau. Certes, dans la liturgie eucharistique, le saint sacrifice est offert pour tous les baptisés, vivants et morts. En revanche, rien de tel n’était prévu dans la liturgie pénitentielle de l’Eglise jusqu’à maintenant.
On découvre enfin une liste des nouveaux péchés qui seront « confessés », mais qui s’apparentent plutôt à une nouvelle version de l’examen de conscience… Voyons les un par un.
- Le « péché contre la paix » semble s’identifier au « péché de guerre », on le comprend aisément.
- Le « péché contre la création, contre les peuples indigènes, contre les migrants » est partiellement explicité comme « péché d’indifférence face au drame présent dans le phénomène croissant des migrations ». Toutefois, l’essentialisation des « peuples indigènes » ne permet pas de savoir si le péché consiste à leur proposer d’abandonner leur religion indigène contre la foi catholique ou s’il s’agit d’autre chose. Et on ne voit pas très bien pourquoi les peuples allogènes ne seraient pas eux-aussi blessés par certains péchés des migrants à leur encontre, qui nieraient leur qualité d’autochtones pour leur imposer des mœurs étrangers à leur culture, par exemple.
- Le « péché d’abus » englobe la triste litanie des abus sexuels, financiers, d’autorité, etc. qui mériteraient à eux seuls une version actualisée de l’examen de conscience. On ne peut pas nier leur caractère peccamineux.
- Le « péché contre les femmes, la famille, les jeunes », à l’inverse, constitue lui-même une litanie incomplète, puisqu’il existe aussi des péchés contre les hommes, les célibataires ou les personnes âgées. Pourquoi faudrait-il confesser les uns et pas les autres ? Là encore, cette liste relève en soi de l’examen de conscience plutôt que de la catégorie du péché.
- Le « péché de la doctrine utilisée comme des pierres à jeter » souffre d’une imprécision qui le rend quasi impossible à confesser. Qui, ici, est le pêcheur ? Qui est la victime de l’offense ? Comment se détermine que la doctrine a été utilisée « comme une pierre à jeter » ? Qu’est-ce qui distingue l’affirmation des vérités de la foi, même quand elles dérangent, et l’utilisation de la doctrine comme une pierre ? On peut tout au plus suggérer que la prohibition de la liturgie traditionnelle sous le fallacieux prétexte que cette liturgie servirait à certains à refuser le Concile Vatican II entre peut-être dans cette catégorie de péché…
- Le « péché contre la pauvreté » nous plonge dans des abymes de perplexité. Faut-il entendre que l’on serait en situation de péché quand on s’oppose à la pauvreté, comme dans le « péché contre la paix » ? Mais alors la charité serait-elle un péché ? Ou faut-il comprendre que tous les baptisés seraient voués au vœu de pauvreté comme certains religieux ? Il y aurait donc matière à pécher si l’on ne suit pas le conseil évangélique de pauvreté. Mais alors qu’en est-il des deux autres conseils, celui de chasteté et celui d’obéissance ?
- Finalement, le « péché contre la synodalité / manque d’écoute, de communion et de participation de tous » reste le plus clair de cette liste. Les catholiques attachés à la liturgie traditionnelle se réjouiront, le 1eroctobre, d’entendre le Pape leur demander pardon pour le manque d’écoute, la mise à l’écart de la communion, le refus de leur participation pleine et entière à la vie de l’Eglise, et l’atteinte à la synodalité que représente Traditionis Custodes et son application. Sur ce point, du moins, il n’y a que peu de débat.
Le régime communiste avait inventé le concept d’auto-critique, qui consistait finalement à s’accuser de n’être pas assez communiste, ce qui permettait d’envoyer le coupable au goulag. Le synode invente le concept de péché contre la synodalité. Est-ce bien rassurant pour notre sens de l’Eglise ?